Panem et circenses

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Probable qu’à la première Pâques, celle qui, face au tombeau vide, faillit faire tourner folle la groupie Marie-Madeleine, probable donc que le poète Juvénal scribouillait déjà quelques vers satiriques pour moquer ses compatriotes fous romains. Ces derniers se partageaient entre riches et les autres, les seconds faisant chauffer l’eau du bain, servant la soupe aux bons maîtres et surveillant la marmaille. Pendant que les argentés vaquaient entre affaires et loisirs, un moment de détente à regarder s’étriper les gladiateurs et un autre à frayer avec d’opulentes raffinées au lupanar. Et Juvénal, qui officiait alors en professeur d’éloquence, considérait la décadence de la cité avec un œil narquois et des mots qui cinglaient. Tristesse et décadence que ces bougres, pensait-il, qui n’ont cure que de leur ventre et qui se conduisent en destructeur de la cohésion sociale, économique et morale. Et de s’étonner face à ces hommes qui, hier encore, jaloux et fiers, commandaient aux rois et aux nations, régnaient du Capitole aux deux bouts de la terre et qui en cet an 1 ne sont plus qu’esclaves de leurs plaisirs corrupteurs, avides de pain et des jeux du cirque ! Et ces empereurs, tonne Juvénal, qui ne font rien d’autres que les satisfaire pour se faire bien voir, s’attirer la bienveillance et sans nul doute détourner leurs esprits des stratagèmes et autres fricotages. Deux millénaires sont passés depuis Juvénal. Le temps est aujourd’hui loin de Byzance et l’on s’interroge alors que la flamme vient de mettre le cap sur Massalia à bord du Belem : que veut le peuple de Gaule ? Du pain, assurément - sans que cela veuille dire assistanat, mais quid de l’égaiement ? L’enthousiasme annoncé pour les Jeux Olympiques est pour le moins frileux puisqu’un peu moins de 4 Français sur 10 déclarent les attendre avec impatience. Alors, il est où le bonheur s’il n’est dans la foule en liesse et l’allégresse promise ? Sans doute la réponse est-elle indviduelle et nulle puissance à même de la contenter. L’heure semble être à l’écoute de soi, à la mesure du temps et à la cherche des sens. S’il y a quête de performance, elle est surtout pour gagner une vie plus sereine, pour quelques grammes de silence, pour apprendre à ralentir, pour une résistance oisive ou encore pour garder ses nerfs au quotidien. A chaque époque ses scribes pour décrire le roman du siècle, qu’ils soient sarcatistiques, bouffons ou émerveillés. Les titres des derniers succès de Christian Bobin (Murmure), Sylvain Tesson (Avec les fées) ou Delphine Horvilleur (Comment ça va pas ?) disent quelque chose d’une vie où l’insouciance n’est plus ce qu’elle était. Et où Coubertin fait face à Rousseau.

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