Avec elle, toujours j’ignore ce qui m’attend. C’est pourquoi je l’attends, impatiemment.
Elle sait me prendre, m’oppresser pour mieux me déprendre et m’exalter.
Elle me veut à son image, taiseuse et ténébreuse, avant de m’inviter à me montrer éloquente et diaphane.

D’un enchantement à l’autre, je me soumets à ses désirs. Plantée en son cœur, je l’écoute me souffler mon rôle.
Maîtresse instable, elle campe mon décor dans lequel je m’ancre et m’enlise sans résistance.
Au bord de ma divine, je m’installe au premier rang, guettant l'ouverture d’un rideau de théâtre.
J’observe les acteurs, me fonds dans leur jeu, au point de m’égarer, de ne plus distinguer qui d’eux ou de moi s’écorche en plein cœur de cette tragi-comédie quotidienne.

Angoissante ou rassurante, mélancolique ou allègre, agitée puis soudain étale, elle devient ma raison de vivre les temps de pluie, mon envie d’étouffer les rires trop bruyants.
En quête de tout et de rien à la fois, ma déesse m’observe, fouille en moi les blessures secrètes d’un passé douloureux. Les exhume. Me bouleverse. M’apaise.
Emportée au loin par la tourmente, elle me bouscule, me ramène au rivage, exténuée mais enfin libérée.

Ma carte de ces jours passés sur cette infime parcelle de terre, je la noircis au jour le jour, entre deux sourires de pleine lune. Avec la nuit, je peux m'attendre à tout. Au meilleur comme au pire.