Chapitre 21 - Visions (partie 1)

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Kaldor émergea de l’inconscience et ouvrit les yeux. Il se sentait encore sonné par son combat contre le gardien de la première relique, l’épée Cérim. Il secoua la tête pour chasser cette impression. Puis, il regarda autour de lui et fut stupéfait de constater qu’il ne se situait pas dans la grotte. Tout autour de lui, aucune roche, uniquement de l’herbe humide baignée dans un épais brouillard. Il se tenait allongé dans une allée bordée de hautes haies, dans ce qui semblait être un labyrinthe.

Crénom d’un sortilège ! Comment avait-il pu se retrouver là ? Quel était ce lieu et où se trouvaient ses compagnons ? La peur gagna le jeune homme. Il les appela plusieurs fois, mais le silence régnait. Il accusa le coup d’être tout seul et sa crainte augmenta. Il tenta de respirer profondément pour se calmer.

— Allez ! Triple idiot ! Ressaisi-toi ! se motiva-t-il.

Il ramassa l’épée Cérim posée à côté de lui et l’accrocha à sa ceinture. Il décida d’explorer les lieux. Sa première impression se confirma, il déambulait bien dans un labyrinthe. L’atmosphère créée par l’épaisse brume l’oppressait et le silence était pesant.

Une branche craqua derrière lui. Avant que le jeune Eldyrien ne tourne sa tête, il reçut un coup et tomba à terre. Il voulut se relever aussitôt, mais fut pris de vertiges. Il fut stupéfait quand il aperçut son agresseur.

— Une Eldyrienne ! s’exclama-t-il.

Mais que faisait-elle là, loin de son royaume ? Ou alors, se trouvait-il en Eldyrie ? Il plongea son regard dans ses yeux verts. Pourquoi ressentait-il l’étrange impression de la connaître ? Il en fut déstabilisé.

— Ça alors ! s’écria l’Eldyrienne. Est-ce… ? Est-ce bien toi ?

Elle le scruta plus en détail et lui effleura la joue, sans que le jeune homme s’y oppose, comme paralysé. Une curieuse sensation le parcourut, comme s’il se sentait enfin complet.

— Kaldor ? Oui, c’est bien toi ! affirma-t-elle avec un immense sourire. Es-tu piégé ?

Elle savait qui il était ?! Comment était-ce possible ? se demanda-t-il, surpris.

— Qui êtes-vous et comment connaissez-vous mon nom ? Je ne vous ai jamais rencontré.

— Parce que je… je..., hésita-t-elle. Je t’ai mis au monde, Kaldor. Je m’appelle Lapaza et je suis la grande prêtresse d’Eldyr.

Ces mots s’abattirent comme un coup de marteau. Ils l’ébranlèrent et il en resta bouche bée. De nombreux sentiments se pressèrent en même temps en son cœur : surprise, joie, colère, incompréhension, chagrin. Mais, comme à son habitude, son irascibilité domina vite ses autres émotions. Comment pouvait-elle avoir cette attitude ? Elle lui parlait comme si elle l’avait vu hier.

— Comment pouvez-vous prétendre me connaître mieux que tout le monde ? Vous m’avez abandonné ! l’accusa-t-il d’un ton grave. Comment pouvez-vous savoir ce que j’ai enduré ? lui lança-t-il avec colère. Je… Je…

Les mots qu’il voulut prononcer ne sortirent pas et les larmes les remplacèrent. Il souhaitait lui dire qu’il la haïssait, mais il ne s’agissait pas de la vérité. Il ressentait beaucoup de choses, mais certainement pas de la haine. Non, il se sentait enfin complet. Il connaissait à présent toutes ses origines.

Soudain, sa mère Eldyrienne s’approcha plus près de lui et le prit dans ses bras. Il fut surpris et désira la rejeter, mais il resta pétrifié. Étrangement, cette simple étreinte clama un peu la tempête d’émotions qui grondait en lui.

— Je sais que tu penses que je suis une mère indigne, mais je n’avais pas le choix. Le divin Eldyr m’a ordonné de te laisser dans cette charmante famille. Mais je n’ai jamais cessé de t’observer depuis l’Eldyrie. Te donner à une autre femme que moi a été la chose la plus dure que j’ai dû faire de toute ma longue vie. J’en ai pleuré pendant des semaines, expliqua-t-elle d’un ton triste.

Elle le serra plus fort. Kaldor sentit son cœur se serrer. Il eut honte de lui, de la colère déversée dans ses paroles et aussi ressentie pour elle. Des larmes lui embuèrent les yeux, à nouveau. Il lui rendit alors son étreinte.

— Oh ! Je suis désolé, s’excusa-t-il. Depuis que je sais être né pour devenir une simple marionnette dans des évènements qui me dépassent, j’ai une constante fureur qui m’habite et que je n’arrive pas à refouler, avoua le jeune homme.

— C’est compréhensible, Kaldor. Mais ne te laisse pas dominer par ce sentiment. La colère mène à la haine et l’Ombre aura alors une emprise sur toi. Dis-toi que chaque être vivant est un pion, que ce soit entre les mains des dieux ou celles de chefs ou de rois. Ton destin est simplement plus grand que celui des autres et tes compagnons seront là pour t’épauler. De même que moi, si je parviens à nous sortir d’ici.

Ces paroles le réconfortèrent et le jeune Eldyrien se sentit un peu plus serein. Il lui demanda où ils se trouvaient. Elle lui parla alors du divin Tyrnon qui créa ce lieu, un immense labyrinthe changeant dans l’Imaginys, afin de la piéger elle et le couple royal d’Eldyrie. Son but, empêcher que ce royaume ne se mêle de ses affaires. Kaldor se souvint avoir été blessé lors de son combat dans la grotte. Lapaza lui expliqua que son esprit vint se réfugier dans l’Imaginys à l’écart de la douleur.


Ils se mirent en route, à la recherche du roi et de la reine d’Eldyrie, avec pour seul compagnon le silence. Kaldor ne savait pas quoi lui dire et, comme son mentor Valdir, sa mère Eldyrienne ne semblait pas bavarde. Il se demanda si c’était une caractéristique chez ce peuple.

Soudain, des cris retentirent un peu plus loin dans le labyrinthe. La mère et le fils coururent vers la source des hurlements. Au détour d’un virage, ils aperçurent deux silhouettes humaines. Une était étendue à terre, tandis que l’autre se tenait à genoux à côté. Un immense monstre leur faisait face, qui ressemblait aux loups-garous des légendes.

Kaldor se pétrifia de peur instantanément. Comment une telle chose était-elle possible ? Que devait-il faire ? Il sentit qu’on le secouait. Lapaza lui intimait de prendre l’épée Cérim dans ses mains et de déclencher son pouvoir.

— Je… Je ne sais pas comment agir, lâcha-t-il, résigné.

— Pointe la lame vers la bête. Tu dois penser à la foudre, la relique fera le reste. Vite, où ils mourront ! le pressa-t-elle.

Alors que le jeune homme se mettait en place, la créature le repéra et fonça vers lui. La panique le gagna une nouvelle fois. Le loup-garou lui assena un coup de patte qui l’envoya à terre quelques pas plus loin.

— Kaldor ! s’écria Lapaza. Ressaisis-toi, mon fils. Tu peux y arriver ! J’ai confiance en toi.

L’Eldyrienne s’interposa entre lui et la bête. Le jeune homme put ressentir sa forte concentration et une épée apparut dans la main droite de sa mère. Elle se rua sur la créature et lui infligea plusieurs entailles.

Le jeune Eldyrien reprit ses esprits et se focalisa sur la foudre. Il sentit la relique se réchauffer et vibrer. Il déclencha son pouvoir, alors que Lapaza effectuait une roulade arrière pour se mettre hors de portée. Un éclair partit de la lame et percuta le loup-garou. Ce dernier hurla de douleur et s’enfuit, suivi par une odeur de chair grillée.

— Kaldor ! Tu as réussi, je suis fière de toi. Tu n’as rien ?

— J’ai mal dans toute la poitrine, mais rien de cassé, lui assura-t-il. Par contre, le roi a l’air mal en point.

La mère et son fils s’approchèrent du couple royal. La grande prêtresse les salua en effectuant une révérence. Le jeune homme ne sut pas quoi faire et inclina le buste. Le souverain était blanc comme un linge. Il perdait beaucoup de sang de la blessure que lui avait infligée le monstre. La bête lui avait lacéré le torse de ses griffes. De ses vêtements déchirés coulait un flot de larmes rouges. La reine les implora de son regard embué de pleurs.

— Grande-prêtresse faites quelque chose, je vous en prie, la supplia-t-elle.

— Je suis désolée, je ne peux rien faire. Vous avez dû le remarquer aussi, la magie ne fonctionne pas dans l’Imaginys.

— Je ne comprends pas, osa Kaldor, une épée est bien apparue dans ta main, non ? Et si nous sommes dans l'Imaginys, toute blessure que l’on y reçoit ne devrait pas être réelle.

— C’est compliqué. Il s’agit d’un monde parallèle situé entre le rêve et la réalité, dont les dieux se sont servis pour faire leurs essais de créations. Si tu as un esprit assez fort et entraîné, tu peux en partie influer sur l’Imaginys, comme je l’ai fait avec l’arme. Certaines blessures peuvent donc être vraies, expliqua Lapaza.

— Mais, comment se fait-il que le pouvoir de l’épée fonctionne si la magie ne le peut, demanda le jeune homme, perdu.

— C’est un cas différent. Comme cette relique est issue d’un dieu, c’est normal.

— S’il vous plaît… Vous nous ferez un cours théorique plus tard… Aidez-moi à penser mes plaies et trouvons la sortie, leur ordonna le roi.

— Oui, sire. Je vous prie de m’excuser. Mais, bien sûr ! s’exclama Lapaza. L’épée à la capacité de guérir son porteur et ce pouvoir devrait aussi fonctionner ici ! Elle soignera un peu vos blessures, mais seulement en partie, car elle puise l’énergie nécessaire à la guérison dans le corps du blessé. Or, vous êtes déjà bien affaibli, mon roi.

— Abrégez ! commanda le souverain. Nous n’avons que trop traîné.

Lapaza opina du chef et demanda à son seigneur et Kaldor de tenir la relique ensemble. Puis le jeune Eldyrien se concentra. L’épée s’illumina et les plaies se refermèrent, laissant le blessé encore plus pâle et fatigué. Ils l’aidèrent tous à se relever, puis le jeune homme le soutint pour qu'il puisse marcher.

Ils déambulèrent dans le labyrinthe à la recherche d’une porte de sortie vers le monde réel, qu’ils supposaient tous être au milieu de ce dédale végétal. Après plusieurs jours d’errance dans la crainte d’être de nouveau attaqué, le petit groupe d’Eldyriens arriva enfin au centre, où trônait une arche en pierres noires.

— Vous êtes plutôt résistants ! constata une voix que seul Kaldor connaissait, pour l’avoir entendu dans ses rêves. J’espérai qu’au moins deux d’entre vous passent l’arme à gauche. Mais c’était sans compter sur cet irascible vermisseau que voilà. Il faut toujours que tu apparaisses là où tu ne devrais pas être.

Mastar sortit de la pénombre à gauche de leur position et leur adressa un sourire condescendant. Puis, il déploya ses ailes et prit son envol au-dessus du groupe. Cette fois-ci, c’est à ton tour de souffrir, pensa Kaldor. Le jeune homme ne se laisserait pas pétrifier par la peur ! Il jeta un regard de défis à la créature et pointa l’épée vers elle.

— Non ! Ce n’est pas possible… Tu l’as déjà récupérée ?! s’étonna Mastar.

Un éclair fusa de la relique, frappa l’adversaire sur le torse et l’envoya à terre. Les quatre Eldyriens en profitèrent pour fuir à travers l’arche de pierre et retrouver enfin l’intégrité de leurs corps.

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