Le premier loup

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 Mais le garçon n’était pas un chasseur. Il ne savait comment s’y prendre pour pister la bête. Il s’était dit que retrouver la trace d’une si grosse et pataude créature ne lui prendrait pas beaucoup de temps. Pourtant, le soir venu, le garçon n’avait toujours rien trouvé. Pis encore, le temps se gâtait, et une pluie battante l’obligea à aller se réfugier dans une grotte toute proche.

 Exténué et trempé, le garçon haleta un moment avant de se rendre compte qu’il n’était pas seul dans la grotte. Un homme était assis sur un rocher, un peu plus loin. Si on ne pouvait voir ses yeux à cause de son étrange coiffe, un chapeau trop grand pour sa tête, de longs cheveux s’en échappaient jusqu’au-delà de ses épaules. Par contre, et malgré la pénombre, il exposait ses dents blanches et étincelantes dans un étrange et large sourire. Il portait une toge rapiécée, garnie de trous, lui donnant un aspect de pauvreté. Lorsque l’inconnu se releva, il était grand, si bien qu’il dut voûter le dos pour ne pas se cogner au plafond. Le garçon, effrayé, fit un pas en arrière et trébucha sur lui-même.

 — N’aie pas peur, lança l’homme en ricanant. Tu me sembles à la recherche de quelque chose… Je me trompe ?

 — Qui êtes-vous ? demanda le garçon en reculant, toujours à terre, pris d’un mauvais pressentiment.

 — Quelle question ! s’écria l’homme. Mais celle qu’on doit se poser, c’est qui tu es, toi ? Bien peu de chose, en vérité…

 — Je ne vous permets pas ! s’écria le jeune homme en se relevant d’un bond, cette fois blessé dans son amour propre.

 — Tu n’as encore rien accompli d’intéressant, je me trompe ?

 — …

 Le jeune garçon déglutit. L’homme, qui qu’il soit, avait raison. S’il avait prévu d’enfin se montrer brave, il avait fait chou blanc, et peut-être n’aurait-il plus d’autres occasions d’enfin prouver sa valeur. Il baissa la tête, honteux, et soupira.

 — Hé bien, c’est ta chance, alors ! s’écria l’homme en souriant de plus belle. J’ai une proposition à te faire.

 — Une proposition ? répéta l’enfant dans un souffle.

 — Je pense que tu sais t’occuper des jeunes animaux ? demanda l’inconnu.

 — Oui…, confirma le garçon en plissant les yeux, surpris. Je m’occupe des nouveau-nés du troupeau…

 — Hé bien, je te propose de t’occuper de ce jeune animal que j’ai avec moi, lança l’homme en faisant volte-face, se baissant pour ramasser quelque chose derrière lui. Vois… n’est-il pas charmant ?

 Le jeune garçon se rapprocha et observa l’animal, intrigué. La petite créature, qui tenait facilement dans les bras de l’homme, avait quatre pattes, une queue touffue et un pelage gris-argenté. Il avait un museau pointu et des yeux encore fermés, comme s’il dormait paisiblement. Il ne devait pas avoir plus de quelques jours.

 — Qu’est-ce que c’est ? s’étonna le garçon, qui ne reconnaissait pas la créature.

 — Tu as devant toi le premier loup, répondit l’homme en souriant de toutes ses dents alors qu’il tendait l’animal au garçon. Je compte sur toi pour l’éduquer et le faire grandir. Quand il sera assez fort, il donnera naissance à ses semblables, mais uniquement si tu le nourris correctement.

 — C’est n’importe quoi …, souffla le garçon en prenant néanmoins le louveteau dans ses bras, presque fasciné. Mais … comment je dois faire ? Qu’est-ce que ça mange ?

 — Il mangera ce que tu voudras qu’il mange, répondit l’homme en reculant dans la pénombre de la grotte. C’est à toi de façonner ce loup à ton image, comme tu le chantes…

 — Mais pourquoi moi ? demanda l’enfant en relevant la tête. Je suis juste un berger vous l’avez dit vous m…

 L’enfant se tut, interloqué. L’homme avait disparu dans l’obscurité, le laissant seul avec l’animal. Le jeune berger essaya d’abord de retrouver l’inconnu, pensant à une mauvaise farce, en vain. Puis, très intrigué, il s’assit sur cette même pierre que l’homme avait occupée avant lui, le louveteau toujours dans les bras, pour réfléchir, tandis que la pluie battait encore son plein au dehors.

 C’est après de longues minutes que le garçon finit par ricaner, observant l’animal avec un sourire narquois. Voilà qui pourrait peut-être l’arranger en fin de compte. Il n’avait qu’à dresser l’animal pour paraitre féroce et dangereux, au point que tout le monde le craigne. Et, quant à lui, il pourrait s’en servir pour se faire bien voir des gens du village. Il serait le seul à pouvoir éloigner la bête et prévenir de ses dangers, comme il l’avait fait la veille pour l’énorme lézard avant de se faire voler la vedette.

 Enhardi par cette idée, le garçon dressa le louveteau devant lui. L’animal ouvrit ses petits yeux sombres comme s’il se réveillait enfin. Il mit ses doigts dans la bouche du premier loup, pour constater avec plaisir qu’il avait déjà quelques dents pointues. Puis, réfléchissant, il décida de le nommer « Friner », décidant que ça sonnait bien ainsi.

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