enregistrement n°1 — foundfootage

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enregistrement n°1 — foundfootage

INT. SALLE DE BAIN - CONTINU

Le bruissement de l’eau qui coule sature la bande-son, de la vapeur monte dans la salle de bain, perle sur l’objectif de la caméra. Frappé dans le dos par l'ampoule qui asperge la pièce de son éclairage jaune fané, une silhouette se découpe sur le rideau de douche. L’ombre lève un bras. Sa main surgit dans le champ. Gantée de rouge, elle écarte le rideau. Éclatent les sons de métal coulissant et de vinyle froissé.

Sous le jet d’eau, un homme nu est assis en tailleur sur l’acrylique. L’eau clapote dans le bac au niveau de ses chevilles et de ses fesses. Une masse de cheveux perdus ondoie comme des algues en obstruant l’évacuation.

La caméra s’incline : plongée.

L’ombre de la silhouette glisse sur son corps blanc de l’homme, le cadre se stabilise à hauteur de son visage.

MONSTRE est très maigre. Ses poils pubiens sont gris, de même que ses cheveux, qui ruissellent devant ses yeux clairs et sur ses épaules. Les mains jointes devant son ventre, il tient un couteau.

MONSTRE lève les yeux vers l’objectif. Son visage est jeune. Il hoche la tête et lève son arme. Bras tendus, lame vers le bas, il l'abat, geste sec.

Le couteau disparaît dans son ventre.

Pliant les coudes, et lentement, il déchire son abdomen vers le haut. MONSTRE reste impassible. Son geste trahit une aisance que seul permet l’habitude. La lame ne cesse son tracé que lorsqu’elle rencontre la résistance osseuse et rigide de son sternum, là où se croisent les côtes comme des mains jointes.

Le couteau glisse des poings de MONSTRE et tombe sur le sol en tintant sur l’acrylique blanche qui se teinte de rouge.

MONSTRE glisse ses doigts à l'intérieur de son ventre, en agrippe les deux bords qu'il écarte comme deux rideaux. Du sang ruisselle sur ses mains, son pubis, ses cuisses, que le jet de douche rince, mais que des assauts sanglants colorent de nouveau.

La caméra zoome : plan taille.

La fente est assez large pour découvrir ses intestins, nœud de serpent visqueux qui remue sans couler. MONSTRE fait courir ses doigts à l’intérieur de lui-même, en caresse les plis mouillés, les détours grouillants, insère le bout de ses ongles les creux chauds des nervures roses.

La caméra zoome : gros plan.

Au-dessus du pubis de MONSTRE, les bords de son ventre ouvert se rejoignent. Du bas vers le haut, la fente se resserre, analogue à une fermeture éclair défectueuse. MONSTRE n’a pas retiré ses phalanges de lui-même, pas à temps. Les deux lèvres de la plaie se moulent autour d’eux comme une bouche aspirant un bâton de sucette. Lorsqu'il les retire, la peau de son ventre adhère à celle de ses doigts avec un bruit de succion.

Une membrane blanche recouvre la fente qui se réduit à une estafilade, paupière géante et sans cils scellée au-dessus de son nombril. La peau se bombe, redevient lisse, et l’instant d’après, il est impossible de deviner où s’est tenu la blessure.

L'eau chasse la dernière goutte de sang, qui se dilue à ses pieds dans une flaque de la plus douce des nuances de rose. Elle se faufile en tourbillonnant et en tournoyant dans l'évacuation. La caméra suit le regard de MONSTRE, qui fixe ses pieds blancs sur l'acrylique blanche. Pourtant, si la police passait la pièce au luminol, elle scintillerait comme une boîte de nuit.

La caméra suit ses gestes lorsque MONSTRE ramasse le couteau et le pose sur le lavabo, à côté des brosses à dent.

La caméra se fixe sur ses yeux, et MONSTRE fixe ses yeux sur l’objectif.

MONSTRE
C’est dans la boîte ?
Ou tu veux que je recommence ?

CAMERAMAN
Oui.

MONSTRE
Oui, quoi ?

CAMERAMAN
Oui, c’est dans la boîte.
Et oui, tu recommences.

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