Chapitre 4 : Mattéo - Partie 2

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— Comment l’a-t-il découvert ?

— Par son banquier. Oui, oui. Se faire prendre aussi facilement, un débutant ce Lucas !

Qui était le tueur, finalement ? Un idiot. La scène de crime avait beau être déroutante, j’étais persuadé qu’il ne l’avait pas fait exprès. Que nous n’étions que des victimes de la stupidité d’un type au Q.I inférieur à cent. Mon frère aurait pu être le meurtrier. Parce que mon frère était vraiment très con. Un jour, il avait cassé la voiture de nos parents et il m’avait accusé de son acte, sauf que… Déjà, j’étais bien trop sage pour pouvoir faire une telle ânerie, mais surtout, il y avait une boisson alcoolisée à la myrtille dans le porte gobelet, or j’étais allergique à la myrtille. Je vous disais quoi : c’était un idiot profond.

Si mon frère commettrait un meurtre, j’étais persuadé qu’il se ferait prendre. Il l’aurait fait sous l’impulsion de la colère, tout en le préméditant. Genre : « Je vais aller le voir et advienne que pourra. Mais au cas où, je me pointe avec un pied de biche et s’il faut lui exploser le crâne, je le ferais. ». J’étais quasi sûr que le tueur des Abernathy était pareil que mon frère, son sosie en termes d’idiotie. Il était sans doute venu discuter, puis finalement, cela a dégénéré dès lors que George a pointé le bout de son nez à la porte d’entrée.

— Il y a une chose qu’on n’a jamais mentionnée, me coupa Theia dans mes pensées. L’arme du crime.

— Un flingue, oui.

— Pas n’importe lequel. Il appartenait à madame Abernathy.

Argh. J’avais totalement oublié ce détail qui contredisait toute ma théorie. Quoique… Pas vraiment. J’imaginais bien la scène : Lucas les suivit jusqu’au chalet avec la rage au ventre, déterminé à en découdre avec George qui venait de découvrir que son très cher ami l’arnaquait depuis des années. Son but : le faire taire. Probablement par du chantage ou que pouvais-je savoir. Mais je doutais qu’il eût l’intention de le tuer sur le moment. Enfin, bref. George ouvrit la porte alors qu’il mangeait, stupéfait de voir son ami l’arnaqueur face à lui. Une dispute éclata. Lucas tomba sur l’arme de Juliette, la prit et tira sur George pour le faire taire, car celui-ci n’en démordait pas : il comptait le balancer aux flics. Chose qu’il aurait pu faire durant le mois avant son meurtre, mais pour je ne savais quelle raison, il ne l’avait pas encore fait. Juliette descendit, attirée par le bruit de l’arme à feu. Lucas paniqua et la tua aussi. Puis, il monta les escaliers et en finit avec Chloé qui dormait encore.

Cela me paraissait plutôt crédible. Franchement, des histoires de meurtre pour faire taire un témoin qui dérangeait, c’était assez courant. Je savais que j’avais raison, tout tenait debout, tout était parfait. Il ne me restait plus qu’à convaincre mes camarades. Je leur racontai exactement ce que je venais de vous évoquer, et alors, je les vis tous concentrés sur mon visage. Sur mes lèvres, en fait. Ils buvaient mes paroles. C’était la première théorie qui nous convainquait tous.

— Et comme par hasard, ajoutai-je. Lucas a racheté l’entreprise après la mort de George Abernathy. Du coup, maintenant, l’entreprise n’appartient qu’à lui. Autant dire qu’il est devenu riche grâce au meurtre de son plus fidèle ami.

— Il est vrai que ça donne à réfléchir, lâcha enfin Enès. Yes ! pensai-je. Mais nous ne devons pas mettre la charrue avant les bœufs. Nous avons neuf suspects. Et je ne pense pas que nous puissions écarter aussi facilement les huit autres.

Vous savez à quoi jouait Enès ? À une guerre d’egos. Parce que nous voulions tous découvrir le coupable le premier. Et lui ne supportait pas d’avoir été devancé. Cela se voyait à sa tête frustrée, les sourcils froncés et les narines dilatées : il avait la haine d’avoir perdu.

D’accord, reprenons à zéro, pour faire plaisir au grand Enès :

Suspect un : Le mari, George Abernathy. Un blasé de la vie, violent avec sa femme, fou de rage. Persuadé d’avoir toujours raison, ne se remettait jamais en question, avait tous les défauts du monde selon ses proches. Bref, un sale type. Le genre qu’on déteste avant même de connaître, parce qu’il prenait de haut, il te regardait de haut en bas d’un air dédaigneux. Celui qu’on pensait massacrer chaque soir, mais sans jamais avoir le cran de le faire. Enfin… Sauf jusqu’à maintenant. Il y avait un coupable qui avait eu ce cran. Wahou. Félicitations. Car même moi, si je l’avais connu, à en lire les propos des autres, j’aurais pu craquer. Comme tout le monde. On pourrait tous craquer, un jour ou l’autre. Lever la main un peu trop haut et claquer trop fort. Prendre une arme à feu et tirer à bout portant. Récupérer un couteau de boucher et l’enfoncer dans la chair.

Oui, en tant que profiler, je me doutais bien que nous étions tous sensibles au point de tuer. Je lisais à travers les lignes, et je vous l’assure, ce n’était pas joyeux à voir.

George, furieux contre sa femme pour une bêtise dont on s’en fichait bien, avait pris son revolver et l’avait froidement tuée. Style, c’est la goutte de trop, tu me fais chier. Bam. Un coup. Juliette s’écroulait au sol. Il ne savait plus s’arrêter, alors il avait recommencé. Bam. Bam. Trois coups. Il continua et fonça dans la chambre de sa fille puis… Bam. Quatre coups. Il se fit un petit repas pour décompresser, faire redescendre la haine, et là, il réalisa ce qu’il avait fait. Il se sentit comme un con. Merde, j’ai tué ma famille. Merde, je vais aller en taule. Alors il pointa l’arme vers son crâne et… Bam. Cinq coups.

Mais cela ne collait pas : qui avait tiré sur la fenêtre ? Pourquoi était-elle brisée ? En sachant que la fenêtre se trouvait derrière George. Cela voudrait dire que, peut-être, était-ce Juliette qui avait pris le flingue. Peut-être, c’était elle qui voulait tuer George, elle avait pointé l’arme vers lui, puis au dernier instant, il l’avait repoussé. La balle est partie seule vers la fenêtre. Et voilà. Affaire résolue. Bien sûr que non. On aurait forcément retrouvé des traces de luttes sur Juliette, or, il n’y avait rien. En tout cas, rien de récent. Donc…

Suspect deux : la maîtresse. Nom inconnu. Surnommée Le garagiste. Ce n’était jamais facile d’être l’autre. Je le savais parce que j’avais été l’autre de mon ex. Cette salope qui n’avait jamais quitté son mari pour moi. Elle avait beau me le répéter : « Ce n’est juste pas le bon moment… Mais je vais le faire, je te le promets. », elle ne l’avait jamais fait. Jusqu’au jour où je lui avais fait du chantage : c’est lui ou moi. Cela avait fonctionné, l’espace de quelques mois, puis qu’est-ce que je découvre ? Qu’elle ne l’avait jamais quitté. Alors je l’avais lâchement abandonnée. J’avais rompu, et je m’en portais tellement mieux. Parce qu’être l’autre, c’est perdre son estime de soi. Nous méritions bien mieux que d’être l’autre. Nous méritions d’être heureux dans une relation saine.

J’avais découvert cette joie d’être dans une relation saine grâce à ma copine : Léonie Deschamps. Et je pouvais vous jurer que vous méritiez tous de connaître cela. Je ne supportais plus de voir des relations toxiques qui nous pourrissaient jusqu’à la moelle. Je pouvais tuer pour cela. Pas au sens propre. Quoi que… Bref. Cela me tuait de voir mes proches subir leur histoire d’amour. Amour en italique, car il s’agissait davantage d’histoire de haine, de rancœur, de possessivité et de jalousie. De haine… C’était ce que je ressentais pour mon ex, bien avant de la quitter. J’avais trop de haine en moi à son égard, parce que nous nous disputions toujours au sujet de son mari. Maintenant, j’étais heureux avec Léonie, je ne pensais qu’à elle, cette femme, ma femme. Enfermé dans ce chalet, je n’avais qu’une envie : la retrouver. Elle me manquait à mesure que les heures passaient. J’étais accro à elle. Et même quand je réfléchissais au tueur du chalet, je pensais à elle. J’étais tant heureux grâce à elle. Vraiment.

Donc la garagiste était l’autre. Nous ne savions rien d’elle, si ce n’était qu’elle était allée chez George une semaine avant leur départ en vacances Nous le savions grâce aux SMS retrouvés sur le téléphone de George. Cet idiot n’avait pas supprimé la conversation. Ridicule. Et s’ils s’étaient quittés ? Du moins, s’il l’avait quittée ? « Bébé, désolé, mais je compte renouer les liens avec ma femme. ». S’il avait été un peu moins idiot et il avait enfin assumé qu’il ne quitterait jamais sa femme ? Qui pouvait savoir. Peut-être qu’elle avait pété un câble, qu’elle avait décidé de le suivre jusqu’au chalet, qu’elle s’était retrouvée nez à nez devant Juliette et là, tout avait dégénéré. Juliette découvrit qu’elle était cocue. Et si elle était revenue avec son arme, tentant de la tuer. Ou le tuer. Par de la légitime défense, la garagiste ou George avait réussi à détourner l’arme, la balle traverse la fenêtre. Puis, par je-ne-savais-quel-moyen, la maîtresse réussit à prendre l’arme et tue toute la famille.

Ou plus crédible encore : George ouvrit la porte et vit sa maîtresse. Sa tendre et douce maîtresse qu’il venait de larguer deux semaines plus tôt, parce qu’ils étaient morts aux alentours de leur première semaine de vacances. Surpris, il lui ordonna de partir. Elle le refusa, pour x raison. Sa femme, intriguée par ces hurlements, descendit et les écouta discrètement. Prise de rage en découvrant la vérité, oui, mon mari me trompe, avait-t-elle probablement pensé, elle remonta prendre son pistolet. Une dispute éclata, une balle traversa la fenêtre. La garagiste réussit à prendre le pistolet. Bam. Elle tue le couple, puis monta dans la chambre pour en finir avec leur fille.

Pourquoi tuer leur fille, me direz-vous ? C’était simple. Bon nombre de tueurs tuaient les enfants pour qu’ils ne souffrent pas du manque de leurs parents. Oui, c’était idiot. Mais que voulez-vous, certains pensaient qu’il était préférable de mourir que de vivre ainsi. C’était un peu égoïste, parce qu’ils ne leur laissaient pas le choix. En réalité, je pensais que la raison était moins élégante : ils avaient peur de leur vengeance. Laisser des témoins en vie, c’était prendre le risque que la rancune prenne le dessus sur la morale. M’enfin, qu’est-ce qu’on s’en foutait de la morale quand un connard t’avait laissé orphelin ? Évidemment qu’ils méritaient de mourir, évidemment que cela devrait être sous les coups de l’enfant. Comme quand on battait des murs ou des objets électroménagers pour se défouler avec une batte de baseball. Sauf que là, on tabasserait un corps. Mais pas n’importe lequel, celui du tueur. Cela ferait un bien fou. C’était un concept à creuser, sincèrement.

Donc la garagiste pouvait très bien être la meurtrière. Notre plus grand problème était de ne rien connaître d’elle. Et le fait qu’elle ne se soit pas dénoncée à la police comme étant la maîtresse de George était davantage louche. C’était comme si elle se cachait. Comme si elle ne voulait pas qu’on la retrouve pour ne pas être mêlée aux meurtres. Bon, c’était compréhensible. Mais si elle n’avait rien à se reprocher, pourquoi aurait-elle peur ? Samuel, lui, s’était bien dénoncé comme l’amant de Juliette. Il avait donné tous les détails de leur relation, sans exception. Et pourtant, cela ne faisait pas de lui un innocent.

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