Quelque part, dans un lieu envahi par l’odeur de la mort, se dresse une tombe sans prétention.
Au pied de celle-ci, une silhouette sanglote.
« Personne ne vous a jamais vraiment comprises, mes belles. Sauf moi.
Vous souvenez-vous de nos escapades ? Nos plongées dans les marais putrides de l’Achéron, nos courses effrénées sur la rivière Occluada, nos traversées du Styx au nez et à la barbe de Charon… Ah, comme nous avons ri. Comme nous étions insouciantes, alors.
J’ai chéri chaque instant passé à vos côtés. Je n’oublierai jamais nos nuits au clair de lune, à bavarder de tout et de rien, à refaire l’Olympe et les Enfers jusqu’à l’aube.
Et nos chasses ? Quelle jubilation de traquer ces humains stupides, ces nymphes égarées, ces centaures trop curieux.
Mon pauvre nez… il ne sentira plus jamais votre haleine délicieusement pestilentielle.
Adieu étreinte puissante de vos quatre pattes, enlacement sensuel de vos cous démesurés, abandon d’amour dans un gouffre de haine et de férocité.
Vous me manquez déjà tant.
Acta, Lyris, Loctésias, Murna, Kapya, Jugate, Konione, Raptis… et toi surtout, Trissope l'éternelle : ici, à Lerne, je vous promets vengeance. Avec vos têtes, je forgerai le plus terrible des fouets, arme implacable de justice. Ni les mondes souterrains ni ceux des vivants ne seront assez vastes pour se cacher de moi.
Et nous commencerons par lui : ce maudit Héraclès paiera votre meurtre, je vous en fais serment. »
C’est ainsi que Tisiphone devint l’Érinye qui traque et torture les meurtriers.