1 - Thomas

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Nous nous sommes mis d’accord tous les trois : nous allons écrire notre histoire pour qu’on en garde notre souvenir à nous, pour quand nous serons adultes. Nous sommes quand même passés à la télé, deux soirs de suite au journal télévisé, avec en grand titre : « Les enfants disparus de Montmartre », vous vous souvenez ? Avec nos photos qu’on pouvait voir partout ! Enfin, nous, on ne les voyait pas ! Je vous expliquerai pourquoi.

Donc, c’est moi qui écris. Éloïse veut relire, mais ça, on verra plus tard ! Fatine, il sait très bien raconter, c’est toujours lui qui parle. Écrire, ce n’est pas son truc. Alors, dans ce qui va suivre, c’est souvent repris de l’histoire que raconte Fatine. On nous l’a tellement demandée ! Je rajoute des choses à moi, un peu.

Nous avons été célèbres, heureusement pas très longtemps. Après, ça a continué un peu. Dans le quartier, on était déjà connus avant, comme tous les autres enfants. Tout le monde avait remarqué que nous étions toujours tous les trois ensemble. Alors, quand l’un de nous se retrouvait seul, les gens nous demandaient si nous étions perdus ! Histoire de se moquer gentiment de nous, tellement ça arrivait rarement. Le quartier n’est pas bien grand et on repère tout de suite un nouveau visage, on sait qui est avec qui. Après, pendant longtemps, les gens disaient en souriant « Tiens, revoilà les disparus ! ». Nous avons compris alors qu’ils avaient tous été très inquiets quand ils nous cherchaient.

Nous, c’est Éloïse, Fatine et moi, Thomas, enfin Tom, pour tout le monde. J’ai treize ans, tout juste comme Éloïse, ma jumelle : nous avons une semaine de différence. Avec Éloïse, nous sommes dans la même classe depuis la maternelle et nous avons toujours été ensemble. Fatine, il a treize ans et demi.

De mon côté, mon papa, c’est Pierre et j’ai une sœur ainée, Mélodie. Maman, Sabine, n’est plus là depuis cinq ans. Les parents d’Éloïse, ce sont Isabelle et Sébastien. Plus son petit frère, Alexandre. Alexandre, il est un peu bizarre. Il est souvent dans ses pensées, mais il est très mignon et il sourit dès qu’il entend qu’on l’appelle.

Fatine, c’est le fils de la concierge, Fatima. Il a un petit frère aussi, Rayane. Il est dans la même classe que nous depuis son arrivée au collège, quand ils sont arrivés dans l’immeuble. Comme nous faisions le trajet ensemble, on est forcément devenus copains. Fatine, il est un peu magique. Je ne sais pas comment il fait, mais quand il est là, on a l’impression que tout le monde va bien, que tout le monde est content. Avec Éloïse, on aime bien être avec lui. Mais qu’est-ce qu’il est bavard ! Il cause sans arrêt, mais comme il parle bien et de choses intéressantes, nous sommes tous à l’écouter.

En fait, sa mère n’est pas vraiment la concierge, mais plutôt la gardienne, ou je ne sais pas comment on dit, des immeubles des trois ilots. Elle est vraiment gentille avec tout le monde et surtout pour nous. Son père, Amir, est veilleur de nuit, ce qui fait qu’on ne le voit qu’en fin d’après-midi quand il se réveille. Mais il est tout aussi gentil que Fatima.

Nous sommes constamment tous les trois plus des copains des ilots qui font le trajet avec nous. Quand nous sortons, c’est pareil, toujours tous les trois et plein d’autres, les bandes du quartier. Chaque clan a son coin préféré de regroupement, où on est sûr de les trouver. Comme chacun appartient à plusieurs bandes, en fait, selon l’humeur ou l’envie, on va à tel ou tel endroit. Nous trois, nous avons notre square préféré et notre banc, rien que pour nous.

Le quartier est très tranquille. C’est nous, les ados, qui mettons de l’ambiance, mais ça reste sage. Au collège, il y a des gars et des filles qui viennent de plus loin, mais il n’y a pas de racailles chez nous. Il y en a bien qui ont essayé, mais ça n’a pas marché. D’abord, il y a eu ceux qui ont voulu jouer au caïd alors qu’on les connait depuis qu’ils sont tout petits. Personne ne les a pris au sérieux et ils ont dû aller jouer les durs plus loin. À un moment, dans notre ilot, il y a eu une famille cheloue qui s’est installée, avec deux grands au collège. Ils mettaient le bordel en classe et ont essayé de racketter des petits sixièmes. Dès qu’on l’a su, par un petit frère, toutes les bandes des trois ilots se sont regroupées et on leur a fait comprendre qu’ils n’avaient rien à faire ici, qu’ils devaient arrêter leurs trucs. Ils ont abandonné sans trop rien dire et nous n’avons même pas eu à prévenir les parents ou les profs ou le CPE.

***

Avec Éloïse, c’est un peu spécial. Il faudra que je demande à papa, mais je crois que nous sommes tous arrivés en même temps dans l’immeuble, juste après sa construction. Ils habitent l’appartement au-dessus de nous. J’étais tout petit et je ne me souviens plus du tout. Je ne sais pas si mes parents connaissaient ceux d’Éloïse avant de venir ici, mais très vite, les deux familles se sont complètement mélangées. Avant que maman parte, puis, bien sûr, après. Isabelle, surtout, et Sébastien, nous ont aidé, beaucoup. Pour moi, ils font tous partie de ma famille.

Éloïse, je crois que c’est mon amoureuse. Je ne sais pas si je l’aime, mais si elle n’est pas avec moi, je me sens tout seul. Souvent, elle m’énerve quand elle me dit ce que je dois faire ou quand elle veut commander. Et puis, elle est trop forte en tout, même au foot. Mais dès que je ne la vois plus, je suis perdu, il me manque quelque chose. Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais quand elle me lance un sourire, j’en suis retourné.

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