L'emménagement (partie 1)

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« Nous sommes enfin arrivés, déclara papa. J’espère que ce travail en vaut la peine.

– J'en suis sûre. Ton patron t’a fait une offre que tu ne pouvais pas refuser. Tout va bien se passer. Nous allons nous plaire ici, le rassura maman, en posant affectueusement sa main sur son épaule.

– Il serait peut-être temps de réveiller la marmotte ! », s’exclama mon père en riant.

Je continuais à somnoler, ne voulant pas comprendre que nous étions enfin parvenus à notre destination, ce minuscule village de Ruelham, dans un coin reculé de l’Alsace. L’interminable voyage depuis notre agréable bourgade provençale était enfin terminé.

Bientôt, la vie reprendrait son cours. Je devrais m’éveiller et découvrir notre nouveau chez nous. En attendant, je me remémorais les raisons de notre départ.

Mon père aurait préféré rester dans le Sud mais la destination n’était pas négociable. Il avait été promu responsable de la sécurité informatique au sein de la maison-mère de MasterWorld : une multinationale du recensement et de la transmission des données numériques du globe. Pour compenser ce départ précipité, son patron avait gracieusement proposé de nous loger dans l'une de ses villas alsaciennes entièrement meublées.

Du haut de mes douze ans, j'avais dû suivre mes parents à travers la France. Après une escale, la nuit précédente, dans un hôtel à bas prix — papa n'ayant pas l’habitude des longs trajets — nous étions arrivés à Ruelham. Heureusement, le temps clément nous avait fait échapper aux chaleurs estivales.

Je m’étais assoupi à l’arrière, bercé par le doux ronron de la voiture. J’avais du mal à accepter ce déménagement, j'allais perdre beaucoup, y compris mes amis. Pour autant, mon avis ne comptait pas. Et tout ça à cause du boulot de mon père !

Dans cette nouvelle région, le soleil faisait pâle figure et les hivers rudes n’allaient pas nous épargner, mais de toute façon je n’avais jamais mon mot à dire. C’est ce que je lui avais balancé en apprenant la nouvelle.

D’ordinaire, je n'étais pas comme ça. J'aimais tendrement mes parents. J'étais juste agacé, mais bon ça allait passer. Je n'allais pas bouder toute la journée !

Au fait, je ne me suis pas encore présenté : j’aime tendrement mes parents et je m'appelle Fabien. Papa, c’est Valentino et maman, Marie. Je suis le fruit de leur bonheur et je les aime tendrement.

*

Tendrement, tendrement, tendrement...

Je répète ce mot en boucle. Hagard. Mes yeux se révulsent. Mon souffle est saccadé. Ce mot résonne sans cesse dans mon crâne.

Un docteur frappe avec un marteau mon genou qui se contracte. Le geste accentue mon délire, je lui crie « tendrement ». Malgré la surprise, le choc n’a pas compensé la singularité de la situation – juste un temps d’arrêt –, le manège recommence. Ce cercle vicieux me fait encore plus flipper.

Pour le briser, le médecin pose sa voix. Calme, douce, à la limite de l’hypnotique.

« Prends une grande inspiration. Inspire puis expire. Recommence plusieurs fois. »

Je suis perplexe, mais il insiste. Je dois lui faire confiance, il ne me veut aucun mal. Il s'aperçoit que je tremble et s’approche de moi. Tel un animal apeuré, je tente de me recroqueviller, toutefois des sangles retiennent la totalité de mon corps : bras, jambes et torse. Il parle doucement et distille les mêmes conseils sur la respiration tout en me serrant la main de manière amicale. Je décide de l’écouter, je dois forcer mon cœur à ralentir.

Au bout de quelques exercices, je retrouve mon calme. Il poursuit :

« Nous allons corriger l’anomalie le plus rapidement possible. »

Je le regarde, les yeux écarquillés.

« Ano... malie ? Qu'est-ce que... Que voulez vous... Que voulez vous dire ? Quelle anomalie ? dis-je d'une voix tremblotante.

– Ne t'inquiète pas, c’est juste une question de rodage. Un mauvais paramètre lié à une précédente expérience. D’ici quelques minutes, nous aurons gommé ceci et nous poursuivrons. Tu ne te souviendras même plus de cet incident. Fais-nous confiance. »

Plus facile à dire qu’à faire ; ce n’est pas lui le cobaye. Il m’a pourtant aidé à me relaxer et je sens que je peux lui faire confiance. Du moins, sur ce point-là.

Je reprends ses exercices jusqu’à ce que mon rythme cardiaque redevienne normal. Je suppose alors que je peux poursuivre le test...

*

Concernant mon apparence physique, j'étais plutôt "pitchoune" ; du genre demi-portion si vous voyez ce que je veux dire ; ni bien grand pour mon âge, un mètre quarante, ni bien gros (trente-trois kilos, « dites docteur ! »). J'avais les cheveux blonds coiffés en brosse et les yeux bleus.

Mes parents avaient vécu une quinzaine d'années dans une petite maison typiquement provençale qui respirait la joie de vivre et l'insouciance.

Le soleil, les cigales et la lavande allaient me manquer. Tout comme mon voisin de classe Nicolas, mon confident Dimitri et la rigolote Eva.

Ce mas constituait l'héritage des parents de maman, car ma tante Isabelle n'aimait pas le Sud et avait préféré s'installer à Paris. Elle nous avait donc vendu sa part de la maison et c'est ainsi que mes parents en étaient devenus les uniques propriétaires. « Cependant, la roue tourne. », comme dit l'autre, et mon père avait été obligé d'accepter cette satanée promotion ! Du coup, direction le froid.

Je n'avais plus qu'à espérer me faire de nouveaux amis ici.


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