la rencontre

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Au bout d’un certain temps, une femme assise sur un banc croisa notre regard. Elle se leva et s’approcha de nous.

« Bonjour, c'est vous qui venez d'emménager ?

– Oui, nous sommes arrivés hier. Voici Valentino, mon mari, mon fils Fabien, et moi, c’est Marie.

– Jolie famille. Moi, c’est Hélène.

– Vous avez des enfants ?

– Oui, les deux plus âgés sont un peu grands pour s'amuser ici ! Ce sont des ados. Ils doivent traîner dans les rues à taper dans un ballon. Par contre, ma petite dernière joue là-bas près des tourniquets.

– Quel âge ont vos deux grands ? demanda maman, sans se soucier le moins du monde de la gamine !

– J’ai une fille de seize ans et un garçon de quinze ans. Il va passer son brevet à la fin de l’année. Et lui, il entre en quelle classe ? interrogea Hélène en me désignant du regard.

– Il va rentrer en sixième.

– Il passe un cap là ! s’exclama Hélène.

– Et comme en plus, on vient de déménager, ça fait beaucoup de nouveautés.

– Je me disais bien que vous aviez un accent plus chantant que le nôtre !

– Le collège est loin d’ici ?

– Non, il y en a beaucoup à Strasbourg. Vivien va à Mermoz, c’est le plus proche du village. Il n’est pas situé en centre-ville, du coup le trajet est assez rapide. D’ailleurs, c'est là qu'ira votre jolie petite frimousse ? interrogea Hélène en m’ébouriffant les cheveux puis elle continua de parler : dites donc, il n’est pas sauvage le vôtre ! Le mien, m’aurait déjà repoussée si je lui avais fait ça. Vous avez un très gentil garçon. »

Ma mère resta coite de surprise. Elle ne s’attendait pas à ce qu’une inconnue soit aussi tactile avec moi ! Elle décida de se fier à son instinct, qui lui disait qu’elle pouvait faire confiance à cette femme. Elle choisit de lancer une plaisanterie.

« Oh, ne vous fiez pas à son air angélique. Là, il fait son timide, mais il faut le voir à la maison ! »

Je n'émis aucun commentaire. J’avais juste envie de me poser, surtout après la nuit que j’avais passée, entrecoupée de rêves bizarres où j’entendais des jappements tantôt joyeux tantôt gémissants… mais c’était désormais le jour et on était loin de la cabane du verger. Je pensais pouvoir souffler lorsque la tornade avait débarqué. Décidément, je n'avais pas beaucoup de chance depuis mon arrivée dans ce village.

Mon regard se tourna vers les tourniquets où quelques bambins se chamaillaient. Une petite fille assise sur un banc les observait sous l’œil bienveillant d’une femme qui se tenait à ses côtés. Soudain, un changement s’opéra. Quelques mouches, venues de nulle part, se posèrent sur le visage de la gamine !

Je divaguais sans doute et décidai de fermer les yeux quelques instants avant de les rouvrir, mais c’était pire : des centaines d'insectes s'agglutinaient – si l'on peut dire car ils picoraient plutôt – sur le visage de l'enfant. L’essaim semblait vouloir lui arracher la peau avant de l’aspirer, et malgré cela, la petite fille riait !

C’est alors que des lettres se mirent à flotter dans l’espace – c’était reparti pour un tour !

Je me levai d’un bond en criant. Je devenais cinglé. Je fermai les yeux pour reprendre mes esprits. Quand je les rouvris, les lettres ainsi que les mouches avaient disparu.

« Fabien, Fabien, tu vas bien ? brailla ma mère, mais je ne l’entendis que faiblement.

– Pourquoi as-tu hurlé ? Qu’est-ce qui t’a fait peur ? Réponds-moi ! déclara-t-elle.

– Cette fois on rentre. Tu dois te reposer pour être en forme pour la rentrée, affirma mon père.

– Non, tout va bien, je vais bien. Ce n'est qu'un peu de fatigue, ça va passer, répondis-je, légèrement paniqué avant de reprendre mon souffle et de poursuivre sur un ton qui se voulait plus rassurant : le grand air me fait du bien. C’est juste que je n'ai pas encore récupéré du trajet en voiture.

– Ce n’est rien, me dit Hélène d’un ton affectueux. Il faut que je te présente Vivien, vous allez bien vous entendre. Bon c’est pas tout ça, mais il se fait tard. Je vais aller chercher ma petite fille. Je l’ai laissée auprès de mon amie Evelyne. Elle ne va pas jouer la baby-sitter toute la journée !

– Pourquoi n’est-elle pas venue avec vous ? demanda ma mère.

– C’est que... commença Hélène.

– N’ayez crainte, nous n’allons pas vous manger », tenta de rassurer mon père.

Hélène prit une grande inspiration avant de reprendre la parole :

« En fait, Zoé est un peu fatiguée en ce moment. Rien de bien méchant, mais j’ai préféré qu’elle reste assise avec mon amie. Elle ne parvient pas à tenir longtemps debout ces derniers temps. Et puis, j’avais envie de vous parler.

– Ah bon ? C’est bizarre ça. On ne se connait pas et vous vouliez nous parler ? demanda mon père, suspicieux.

– Ne le prenez pas mal, j’ai su que nous allions nous entendre rapidement. J’ai un sixième sens pour ces choses-là. Et grâce à moi vous avez trouvé le collège de votre enfant. Je n’ai plus qu’à vous montrer l’arrêt de bus, rit la jeune femme.

– Arrête de te braquer. Tu vois bien que ce n’est pas une mauvaise personne, suggéra ma mère.

– Tu as raison, approuva papa. Je suis d’un naturel méfiant, dit mon père à la mère de Zoé.

– C’est tout à fait normal. Le contraire aurait été inquiétant, poursuivit Hélène avec un grand sourire.

– Par contre il y a une chose qui me chiffonne. Si votre fille est malade, pourquoi l’emmenez-vous au parc ?

– Elle n’est pas vraiment malade, elle est juste un peu fatiguée.

– Au point de ne pas pouvoir tenir debout ?

– C’est un peu ça. Je ne voulais pas vous inquiéter, mais si vous insistez…

– Non, ne tenez pas compte de ce que nous venons de dire. Nous n’allons pas insister. Votre petite fille a bien le droit de profiter de ce jour ensoleillé. », déclara amicalement maman qui voyait bien le malaise d’Hélène.

Cette dernière semblait leur cacher quelque chose sur la santé de sa fille, mais après tout elle avait le droit de préserver son jardin secret.

« C’est gentil à vous. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, il est grand temps que j’aille la chercher.

– Nous vous attendons ici.

– Pouvez-vous me rendre un petit service ? demanda timidement Hélène.

– Ne vous inquiétez pas. Si nous pouvons vous aider, la réconforta maman.

– En fait, j’aimerais que votre mari m’accompagne afin que nous soutenions tous les deux ma petite Zoé.

– Pas de problème, répondit mon père. Vous pouvez me rappeler où elle est ?

– Vous voyez la petite fille avec la barrette rose en forme de papillons ? C’est elle, c’est ma petite Zoé d’amour. »

Quand elle prononça ces mots, je discernai quelque chose, comme une tristesse qu'elle voulait enfouir profondément, mais qui s'évertuait à remonter à la surface. Je ne comprenais pas trop d'où me venait cette idée et décidai de regarder plus attentivement dans la direction du tourniquet. Un frisson parcourut mon échine lorsque je reconnus la petite fille aux mouches.

Papa suivit Hélène pour chercher Zoé. Plus tard, le trio nous rejoignit. Papa aida Hélène à installer la fillette sur le banc. Elle fit les présentations.

« Zoé, voici de nouveaux amis : Valentino, le papa, Marie, la maman et le petit Fabien. »

Zoé salua notre famille et quand elle me serra la main – j'aurais préféré la bise – je ressentis une sensation étrange.

« Je sais que tu sais que je suis malade. »

Je sursautai. J'étais un peu paumé là. Je me pinçai. La petite fille avait dû ouvrir la bouche sans que je m'en rende compte.

« Zoé, je m'appelle Zoé et parfois je peux parler sans ouvrir la bouche, répondit-elle malicieusement.

– C'est pas possible. C'est quoi ton tour de magie ?

– C'est pas de la magie. C'est de la télépathie. D'ailleurs, tu viens d'en faire aussi.

– Hein ? C'est quoi ce truc ?

– On parle par nos pensées. Les autres ne nous entendent pas.

– C'est cool ça. »



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