les abeilles

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« Zlough »

J’étais en train de dormir quand une douleur me réveilla. Je bondis dans mon lit.

« Aïe ! C’est quoi ça ?

Encore ce maudit truc ; ça s’arrête jamais ce machin-là ?», maugréai-je.

Cette fois je voyais à travers les yeux d’une personne que je ne connaissais pas – Génial si je me mets à vivre les émotions de chaque habitant du bled, je suis pas sorti de l’auberge – pensai-je.

Il s’agissait d’une femme, dans la quarantaine, qui se déplaçait en titubant, après avoir trop forcé sur le bourbon. Elle avait une odeur de chacal !

« Heureusement que je suis là pour eux car ils feraient comment sans moi ? Je suis la reine du bistrot, sans moi ils peuvent le fermer leur bouge. Je les aime bien quand même va, ils ont de la bonne », marmonna la femme en zigzaguant dans le village.

Elle continua avec une voix un peu plus forte.

« Vous m’entendez, vous. Je suis pas ivre, j’ai bu un tout p'tit peu. Je vais bien. Je rentre chez moi. Et pourquoi c’est de plus en plus loin ? Hein, vous répondez pas. Comme toujours. C’est pas bien de pas répondre à maman Pauline, c’est pas bien. Je vais encore devoir me débrouiller toute seule. Vous êtes vraiment pas sympas », débita-t-elle.

« Pourquoi faut-il que je voie ça ? Quel est l’intérêt d’écouter les jérémiades d’une saoularde », murmurai-je.

*

Encore une fois, ces paroles sonnent faux pour un enfant de son âge, mais bon je commence à en avoir l’habitude. Je me demande bien qui est cette personne et ce qu’elle va apporter par cette vision.

*

La femme avait fini par retrouver sa maison et elle tenta d’insérer la clé dans la serrure tout en commentant son geste de phrases salaces.

« Pourquoi les clés sont-elles si petites ? Est-ce que j’ai un trou si petit, moi ? », s’énerva Pauline.

Une fois rentrée, elle appela son fils.

« Coucou mon petit Brissou, tu vas bien ? »

Elle s’attendait à ce qu’il grommelle. Il détestait qu’elle le nomme ainsi, mais pour une fois, il ne répondit pas. Il devait sans doute dormir.

Elle pouvait se resservir un verre avant de monter le voir.

*

« Zlough »

Un petit tour gratos. Youpi !

Cette fois, je me retrouvai dans la chambre d’un garçon, sûrement le fils de l’ivrogne.

En fait je disais ça, mais ça pouvait également être n’importe quel autre ado du bled !

Je ne voyais pas bien le visage du gamin : ce dernier était flou.

Le garçon ne dormait pas. Il se trouvait près de la fenêtre extérieure, qu’il ouvrit dès qu’il entendit les pas de sa mère. Il aimait bien cette maison, une ancienne ferme abandonnée et retapée au minimum pour y vivre décemment. Sa mère se l’était offerte avec l’héritage de son père, un puissant homme d’affaires.

Il n’y avait pas de voisin, et il était libre de faire tout ce qui lui plaisait quand il le souhaitait, y compris se balader à poil quand ça le chantait : il aimait admirer sa musculature...

Il se tenait debout, en tenue d’Adam, devant la fenêtre ouverte. Il s’égarait dans ses pensées. En particulier, il revivait le match de foot de cet après-midi.

Il se rappela plus spécifiquement cette sotte de Juliette qui avait osé se moquer de lui après le superbe arrêt qu’il avait effectué, et ce même si ce dernier avait provoqué, par la suite, une onde de douleur dans ses parties intimes.

Je n’avais pas besoin de voir avec netteté le visage pour connaître son identité. Le gamin était bien le fils de l’ivrogne, qui l’avait nommé Brissou – quel surnom ridicule d’ailleurs –. Le jump-look concernait Brice.

Juliette, cette moins que rien avait osé le taquiner, lui le grand Brice… Elle n’allait pas tarder à le regretter. La vengeance est un plat qui se mange froid et elle allait commencer cette nuit.

« Je le sens moyennement, ce coup-là. Qu’est-ce qu’il compte faire à Juliette ? », m’inquiétai-je.

Tout en continuant de songer à Juliette, Brice commença à …

« C’est quoi ces conneries ? »

*

Je me débats dans tous les sens, je n’ai pas envie de voir la suite, car je ne le sens pas du tout. La sueur coule de nouveau le long de mon corps. Mes pieds battent frénétiquement dans le vide. Des minutes interminables passent ; ils sont décidés à me laisser me fatiguer tout seul.

Je leur donne raison, car au bout d’un certain temps, je finis par inspirer un grand coup pour me calmer. J'avale goulûment de l'air, que je recrache en toussant. Mes soubresauts s'affaiblissent. Enfin.

Un docteur vient m’éponger le front, avec un large sourire.

Je tente de le mordre. Il ne le prend pas bien et d’un signe appelle un de ses comparses.

C’était une diversion, l’un d’eux était posté derrière et m’a injecté leur produit dans la nuque. Je tombe dans un sommeil artificiel.

Puis je reprends connaissance, mais pas totalement : la drogue agit toujours sur mon corps, sur mon esprit. Je sais juste que je suis prêt à visionner ce "souvenir".

Le passage recommença au moment où Brice…

*

Sous la surprise, je reculai précipitamment et me cognai la tête contre le montant du lit. Le dégoût remplaça l'étonnement. J’avais subitement envie de vomir ; ça gargouillait dans mon ventre et ça commençait à remonter…

Je me chaussai et me précipitai aux toilettes. Rapidement, je levai l’abattant avant de rendre une grande partie du dîner.

Je restai quelques minutes, sous le choc, avant de tirer la chasse et de nettoyer. Je remontai ensuite dans ma chambre en essayant de ne plus penser à ce que j’avais vu…

« Zlouuugh »

Satané truc… Le film se remet en marche arrière et il reprend là où je m’étais arrêté tout à l’heure. Vraiment pervers ce machin-là…

Je revis donc Brice se masturber, d’abord doucement, puis frénétiquement, afin d’obtenir un résultat surprenant :

C’était là que ça devenait flippant et que l’envie de vomir était venue me chatouiller les narines…

À la place du sperme jaillit de son sexe une armada d'abeilles !

Elles sortirent miniaturisées avant de grossir à l’extérieur du corps de l'adolescent.

Ce dernier resta calme et ne fut nullement intrigué par la présence des insectes. Au contraire, il leur donna même des ordres !!!

« C’est quoi ces conneries. L’autre commande une armée d'abeilles. On aura tout vu ici. », pestai-je.

« Et maintenant, vengez-moi. Attaquez cette effrontée de Juliette. Elle doit payer pour ses crimes. », ordonna Brice.

L’essaim s’envola par la fenêtre, que Brice referma ensuite avant de remettre ses habits.

« Zlough »

« Et on repasse par la case ivrogne maintenant ! Je sens que la nuit va être longue… » me plaignis-je.

Pauline prit son temps pour avaler le dernier verre de la soirée, elle se sentait apaisée ce soir.

Une fragrance légère voltigea dans les airs. Seul un odorat averti pouvait la percevoir. La jeune femme se fendit d'un sourire en reconnaissant cette odeur si particulière...

Après un temps certain, elle décida de monter souhaiter la bonne nuit à son gamin.

Ils ne se comprenaient pas en permanence, mais s’aimaient malgré tout, même si ce n’était pas toujours de manière conventionnelle.

Elle le trouva allongé dans son lit, serein, ce qui lui fit plaisir.

« Tu as l’air d’avoir passé une bonne journée. C’est bien, commença Pauline.

– Une agréable journée maman, et ça fait du bien. », approuva Brice.

Pauline posa un baiser sur le front de son fils avant de quitter sa chambre pour regagner la sienne.

« Je sais ce que tu as fait mon fils, j'ai senti le «délicat» parfum de tes abeilles. Tu as raison c’est une inoubliable nuit qui attend ton amie Juliette », déclara-t-elle en se mettant à sourire.

*

Comment est-elle au courant ? À moins que d’une manière ou d’une autre, elle soit mêlée à tout ceci. Ce qui ne serait pas étonnant, après tout c’est sa mère, il est donc normal qu’elle sache que son fils a certains pouvoirs.

*

« Zlough »

Décidément… Je me retrouvais avec Juliette maintenant… Non mais ça va pas la tête de dormir les fenêtres grandes ouvertes… Mais réveille-toi et ferme ces putains de fenêtres !

L’essaim se rapprochait de la chambre de Juliette à vitesse grand V…

« C’est pas possible. Elle a pris des cachetons ou quoi ? Elle n'entend pas le bruit des insectes ? Elle va se faire piquer si ça continue. », m’angoissai-je.

La fenêtre de l’adolescente, au premier étage, était ouverte, pour laisser entrer la fraîcheur de la nuit, les abeilles s’y engouffrèrent prestement.

« Le carnage va commencer… Putain, j’espère que je vais pas ressentir les piqûres moi, sinon je suis mal. », m’alarmai-je.

« Rachzloug »

« Hein, c’est quoi ça ? »

Je ne comprenais plus rien cette fois. J’étais enfermé dans une sorte de bulle protectrice. Je continuais à voir à travers les yeux de Juliette mais ne percevais plus ses sensations physiques ! Remarquez, je préférais ça même si je n’avais aucune explication qui me venait. Du moment que je ne me faisais pas piquer par des centaines d’insectes en furie, tout m’allait !

*

Forcément ce n’est pas à proprement parler à travers les yeux de Juliette, car cette dernière dort. C’est plutôt comme une caméra qui se trouve dans la chambre de l’adolescente pour l’instant. Cependant quand elle se réveillera nous (moi et mon double) ressentirons la douleur ainsi que sa panique. Du moins c’est cela que je perçois, car je commence à comprendre leurs méthodes désormais.

*

Un premier groupe fonça à travers les draps, les piqûres réveillèrent Juliette, qui, en se frottant les yeux, reçut des attaques sur ses bras.

Tout compte fait, je ressentis sa douleur, cependant je sus qu'elle ne pourrait pas me tuer. C’était comme si j’étais immunisé contre les dards. Toutefois la souffrance me gagna en même temps que l'adolescente : ça faisait un mal de chien ! Comme elle, je désirai ouvrir la bouche pour appeler au secours…

Je me tournai dans tous les sens pour atténuer la douleur et c’est alors que je vis l’essaim se scinder en deux. Un groupe resta près de Juliette pour continuer de la piquer tandis que l’autre se rapprocha de la serrure menant au palier.

« Non, mais c’est pas possible, c’est un cauchemar ! », criai-je affolé.

Les insectes se miniaturisèrent afin de le franchir !

« Zlough »

L'une des abeilles me fixa intensément avant de rejoindre son groupe ; j'en frissonnai.

Les insectes bourdonnèrent de plus en plus fort dans le couloir et de nouveau se rétrécirent pour passer dans la chambre de la mère de Juliette.

J’étais terrifié. Je voyais deux meurtres en direct !

« Zlough », « Zlough »

Ma tête allait exploser ; je passais alternativement de la chambre de Juliette à celle de sa mère. À chaque fois, les animaux attaquaient l'une ou l'autre.

Ce manège sembla durer une éternité.

Puis, les deux groupes chargèrent ensemble le gosier des deux victimes. Des dizaines de dards traversèrent leur palais simultanément…

La souffrance s’intensifia pour nous trois : le venin se diffusa dans notre bouche pour descendre ensuite dans notre gorge. Nous avions l’impression d’étouffer. Nos joues avaient triplé de volume et nous n’arrêtâmes pas de nous gratter. À force de nous acharner sur notre épiderme, des cloques de sang et de pus apparurent. Pour finir, notre peau bleuit. Juliette et sa mère n'arrêtaient pas de trembler, mais essayèrent malgré tout de respirer. La panique les gagnait, car elles se rendaient compte que les insectes obstruaient le passage...

Quelques minutes plus tard, leur calvaire se termina : Juliette et sa mère décédèrent.

Le mien s’acheva en même temps. Mes joues retrouvèrent un aspect normal et la douleur disparut comme par magie.

Peu après, les deux groupes d’insectes se rejoignirent et quittèrent la maison de Juliette.

« Zlough »

Encore une fois, je les suivis. Ils se dirigèrent dans la chambre de Brice et…

« Mais quelle horreur. Putain comment il fait pour vivre avec ça lui ? », m’exclamai-je.

Brice attendait, de nouveau en tenue d’Adam, que les insectes rentrent dans son sexe !

Ensuite, il se rhabilla et se recoucha comme si rien ne s'était passé.

Brice sourit béatement !!!

« Justice a été rendue, pauvre sotte », conclut Brice avant de s’endormir.

« Zlough »

« Non mais quel connard celui-là. J’espère qu’il va pas lancer ses abeilles contre moi. », frissonnai-je.

Je me levai de mon lit pour faire les cent pas dans ma chambre. Je ne pouvais pas dormir après avoir été spectateur de ces meurtres !

Plus tard, je réussis à me calmer et regagnais mon lit pour dormir un peu.

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