Chapitre 52B: mai - juillet 1803

5 minutes de lecture

Une petite semaine passa avant que l’artisan charpentier, sans doute intéressé par l’urgence à laquelle nous étions confronté et la certaine somme qu’il demandait pour les travaux, revint par un après – dîner de mai frapper à notre porte. Comme nous ne pouvions pas grand – chose pour lui tant que Léon – Paul n’était pas rentré, nous lui demandâmes de repasser en début de soirée.

Nous écoutâmes les deux hommes discuter un moment de leurs voix graves et sérieuses, pensives et légères, souriant parfois de la tournure que cela prenait. En effet, le ton monta plusieurs fois sans doute à cause des rudes négociations qui s’effectuaient, mais chacun savait qu’il avait un bénéfice à tirer de l’autre et qu’il lui fallait se contenir. Lorsque monsieur Robinet pris congé, mon fils soupira en alignant la paperasse sur la table. Nous nous retournâmes dans nos fauteuils.

—''Alors ?''

—''Eh bien, il m’a proposé un large étalement du paiement sur dix ans, mais j’ai refusé car c’est justement le problème, j’ai encore deux crédits à rembourser. En revanche, il a accepté de me baisser la facture si je cède sur le fait qu’il prenne plus de temps et que je lui donne un coup de main le dimanche. Je n’avais pas bien réalisé mais c’est un énorme travail, il faut retirer toutes les tuiles, la couverture du toit, retirer l’ancienne charpente qui s’effrite et tout remonter.''

—''Et ça prendrait combien de temps ?''

—''Il m’a dit qu’en travaillant cinq heures par jour six jours sur sept sans pluie, il faudrait compter environ deux mois. Mais ça dépend de plusieurs facteurs, dont la météo…''

Comme solution pour réduire la douleur au portefeuille, mon fils opta pour le coup de main a l’artisan. Il restait cependant très inquiet pour les finances de la famille.

Un soir quelques temps plus tard, il rentra tout sourire, et nous annonça que lorsque ses collègues de l’hôpital avaient appris qu’il avait besoin d’aide, ils avaient décidé de se mobiliser pour aller frapper chez le charpentier et revoir les prix si ils s’y mettaient tous sur leur temps libre. L’artisan, étonné de cet élan de solidarité, avait décidé de diviser le prix des travaux par quatre, si ils restaient motivés jusqu’au bout. Pour couronner le tout, les collègues comptaient se partager entre eux une partie de la somme finale à régler, comme pour parfaire en beauté leur geste déjà exceptionnel. Cependant, je restais lucide, car tout était encore à faire.

Pour préparer les lourds travaux, nous descendîmes avec Jeanne tous les lits des chambres occupées de l’étage au rez – de chaussée autour de la cheminée, et nous réaménageâmes ainsi le salon en dortoir. Cela ne durerait qu’un mois ou deux, et heureusement, car Marie n’était pas ravie. Parcourant le salon avec son fils dans les bras, elle avait l’air de déplorer une catastrophe.

—''Je cherche encore l’intimité mais je crois que c’est désespéré.

—'' Ça ne durera pas longtemps normalement. Enfin, il faut qu’ils gardent leur motivation jusqu’au bout. C’est toujours facile de promettre, mais pour passer a l’acte…

Les filles elles, étaient toutes excitées par ce changement dans leurs habitudes. Malgré les sermons, elles avaient bien du mal a se calmer. Le soir, une fois Léon – Paul rentré, nous lui fîmes part de nos inquiétudes. Marie s’adressa d’abord a son époux.

—''Pour les bains, j’espère que tu ne comptes pas installer le baquet au milieu de la pièce de vie.''

—''Non, non. Ne t’inquiète pas, nous n’aurons qu’a profiter du ciel étoilé.''

—''Sans blague ?''

—''C’était sans ironie ma chère. Tu pourras continuer à te baigner dans la chambre, sauf qu’il n’y aura plus de toit. Pour dormir, c’est assez embêtant d’être mouillé, mais dans son bain, quelle importance ?''

Peu de temps avant le début du démontage, tout les meubles de l’étage furent bâchés, pour les protéger de la pluie éventuelle, et Marie, qui ne supportait déjà plus cette promiscuité, décida d’aller vivre chez son père avec Frédéric en attendant la fin des travaux. Léon – Paul quitta donc tôt la maison le dimanche pour la conduire à la Poste d’où partait une voiture commune, jusqu’à Forges – les – Eaux où une de ses sœurs, préalablement prévenue, irait la récupérer.

Ils furent finalement six sur les dix au départ à être au rendez – vous pour le premier dimanche des travaux, où ils devaient retirer les tuiles. Les enfants, subjuguées de voir leur père ainsi perché sur le toit, ne le quittait pas des yeux.

Je montais souvent à l’étage avec les enfants pour observer le charpentier, qui travaillerait durant la semaine seulement aidé de son jeune apprenti. Alice me posait de nombreuses questions, auxquelles je n’étais pas forcément en mesure de répondre.

Les deux première semaines, tout sembla avancer vite, et puis l’orage et la pluie vinrent tout perturber. Chaque dimanche, bien qu’il ne fasses pas forcément mauvais temps, les collègues étaient de moins en moins nombreux à venir aider. En juin, un drame eu lieu : le jeune apprenti tomba du toit et se brisa les deux jambes. Mon fils l’opéra à l’Hôtel Dieu, en espérant avec culpabilité qu’il puisse rapidement se remettre au travail.

Cela ne fus malheureusement pas le cas, mais le charpentier eu malgré tout fini un peu avant l’anniversaire de Léon – Paul, dont on pouvait considérer le beau geste comme son cadeau pour l’entrée chez les trentenaires de son client.

Celui – ci alla bientôt chercher son épouse radieuse et reposée à La Houblonnière, avec Frédéric, quinze mois, qui en avait profité pour effectuer ses premiers pas. Marie nous rapporta notamment que Zoée était enceinte d’un enfant pour décembre.

Même si ils n’avaient pas toujours tous pu être présents pour aider au chantier, les collègues ne manquèrent pas a leur promesse de se partager en dix une partie de l'argent qu’il y avait encore à payer. Léon – Paul n’eut plus qu’à se rendre à la banque pour emprunter sur un an les derniers francs à sa charge. Quant au généreux artisan, qui avait travaillé d’arrache – pied assez seul sans augmenter sa facture, nous l’invitâmes pour le remercier avec les mécènes autour d’une bouteille de vin et d’un cochon de lait, lors d’un copieux et délicieux dîner de remerciement.

J’étais soulagée de revenir au calme, de quitter ce chahut des dernières semaines et de retrouver ma chambre paisible. Alice paru le premier jour assez triste, car elle m’expliqua avoir adoré observer les étoiles chaque soir avant de descendre dormir et passer quelques semaines sans son frère qui selon elle, ‘’ pleurait tout le temps et lui cassait les oreilles’’.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0