AUTOPSIE

3 minutes de lecture

Comme prévu, l’autopsie a lieu le lendemain matin. Pour un homicide, il y a souvent un peu plus de monde que d’habitude, raison pour laquelle j’attends la fin des opérations et le départ des deux légistes, des internes ainsi que des autorités pour faire une apparition. Moins bruyant, moins agité. Océane est en train de suturer le dos.

Alors, on en sait plus ? me renseigné-je.

Pas sur les causes de la mort, assez évidentes. Y a juste beaucoup de suspects vu le nombre d’histoires et de conflits qu’il a créés.

Excellente nouvelle.

Un blanc. Océane est concentrée. Moi, j’observe mon sanglier ouvert en long et en large sur la table en inox. Crevées multiples au niveau des membres, incision verticale devant et derrière le tronc, crâne ouvert avec « couvercle » posé aux pieds tel un bol viking abandonné. Tableau habituel d’une autopsie médico-légale. De mon côté, je commence à rassembler les instruments, nettoyer les restes liquides et solides de ce bon vieux Daniel, désormais attendu par son caveau. Pas de crémation possible sur un cas pareil. Dans le procès verbal aux fins d’inhumation – document qui libère le corps des mains de la justice, permettant ainsi à la famille de récupérer le corps et de mettre en place les obsèques –, l’OPJ posera un obstacle à la crémation pour laisser la possibilité d’un contre-examen éventuel. Ce qui n’arrive quasiment jamais.

L’enquête fera chou blanc. Trop de liens, trop de possibilités et de pistes avant de concevoir ne serait-ce qu’une bribe du bon scénario. Et puis, toutes les précautions ont été prises, notamment grâce à mon fournisseur de matériel de dissimulation préféré : le CHU où je travaille. En veux-tu, en voilà. J’aurais même pu mettre Daniel en housse mortuaire avant de partir, mais ç’eut été surfait. Quant à mon ADN, un dégradé mensuel presque à blanc combiné à du gel qui colle bien, me permet de ne pas laisser, en théorie, un seul cheveu sur place. J’en mets même sur mes sourcils pendant mes petites sorties. Et quand bien même je commettrais cette faute un jour ou l’autre – si ce n’est pas déjà fait, qui sait – je n’en serais pas beaucoup inquiété puisque mon casier est plus vierge que la sainte Marie. Donc rien à comparer, ni le FNAEG ni dans le FNAED. Le diable se cache dans les détails.

Depuis l’arrivée de mes enfants, je me dis souvent qu’il est grand temps que j’arrête la dératisation. Mais demeure cette soif à étancher, sans cesse attisée par les nuisibles que je rencontre. Il y a quand même des périodes où je n’en croise aucun, ce qui reste relativement rare sur la planète Terre. J’ai bien conscience que c’est un combat sans fin. Un de tué, dix ajoutés. Je constate néanmoins les bienfaits de mon passage, à l’image de ces animaux dont la souffrance a cessé, du moins, je l’espère. Je n’ai souvent que peu d’informations sur les suites. Ce peut être aussi des enfants et des femmes battus, des dealers qui polluent le voisinage, des harceleurs, toutes ces vies qui n’ont pour moi plus aucune raison d’être, sinon de dégrader celles des autres.

Quand je vois le travail déjà abattu à mon petit niveau, je n’ose pas imaginer la quantité de personnel qu’il faudrait pour achever l’intégralité de ce chantier, ne serait-ce qu’à l’échelle communale. J’évite de voir plus grand, ça me donne le vertige.

Trente minutes plus tard, la salle est presque comme neuve. Difficile d’en dire autant en ce qui concerne Daniel, malgré la restauration tégumentaire exemplaire d’Océane. Prêt pour les oubliettes judiciaires ou, plus tard, les tiroirs de Nanterre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Thomas Morgan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0