I

2 minutes de lecture

La cellule était grise, intemporelle. Le sol rugueux sous ses pieds, témoin de ses pas par centaines, les murs nus lui criant l'étendue de sa faute.

Elle l’arpentait sans bruit, rêvant d'ailes translucides qui la feraient décoller. Elle se déjouait du temps, rêvait son chant du cygne.

Elle avait tout prémédité.

Elle s’arrêta et regarda son reflet dans le miroir, ses yeux bleu vide.

Elle regarda son corps. Il n’y avait rien de digne ; il y avait tout de faux. Imposture sur le front, dans ses os, sur sa peau.

Alors elle laissa ses doigts formuler son secret, dessiner l'inavouable. Elle aurait aimé étrangler l’envie dans ses mains, l’enterrer à jamais. Ne pouvait-elle disparaître ? À chaque fois qu’elle fixait une zone de son corps, ses perceptions se faussaient, son regard perdait toute objectivité. Tout se déformait. Elle tendait un doigt vers son reflet, les fragments de cristal s’émiettaient les uns après les autres. Un ballet troublant, instable, un poids qui ne la quittait pas.

S’agrippant à son trouble, elle réajusta sa vue. Elle chercha les creux, les ombres, les signes.

Ce n’était pas assez.

Ce n’était jamais assez.

Et comme toujours, elle était trop faible pour aller jusqu’au bout. L’incompréhension se lisait sur ses traits.

Qu'avait-il fallu pour tordre ainsi sa pensée ?

Tout était inversé.

Elle laissa les deux camps s’affronter, observant la partie en spectatrice. Elle aurait aimé dire que ça ne la touchait pas, que rien n'était réel. Que ce n’était pas grave. Mais c’était là. Depuis des mois, bientôt quatre ans peut-être. Elle ne savait plus. Elle ne pouvait ravaler ses regrets. Elle ne parvenait pas à repousser l’exaspération qui ébranlait son être. Elle aurait un instant, juste un instant, voulu taire sa culpabilité. Elle planta son regard dans le sien. Elle était seule face à cette aberration, ce dilemme qui n’aurait même pas dû exister.

— D'où c’est venu ? articula son esprit.

Les mots tanguèrent au bord du vide, se perdirent en chute libre.

— D'où c’est venu ?!

Les yeux ne lui répondaient pas.

Elle ne savait plus si elle serrait son paradoxe dans ses bras, ou si lui l’étouffait.

Elle s'en voulait tellement. D'habitude on réfute, d'habitude on se tait. Au contraire, en pleine conscience, elle avait su dès le début vers quoi elle se jetait. Elle aurait aimé ne pas avoir cette lucidité, cette envie désespérée de tendre vers quelque chose qu'elle savait être mauvais. Elle n'avait rien fait correctement. Elle avait tout fait à l'envers.

Tout avait été feint, elle les avait dupés. Avait mangé leur cœur, espéré les questions, guetté la compassion, la peur dans les regards, cherché les inquiétudes.

Elle l'avait fait si timidement que rien ne s'était vu.

La souffrance ne devrait pas être appelée. Elle ne devrait pas être une perche vers laquelle on essaierait de tendre. Elle devrait être naturelle, elle devrait être vraie. Elle devrait être un cri du cœur, assécher nos entrailles et nous couper le souffle, s'étaler devant nous telle une mare où miroiterait notre pure impuissance ; elle ne devrait pas être pensée.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Parallel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0