XXXVI

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Ce matin Séverine saute le petit déjeuner. Son anorexie se glisse encore par la porte, juste un peu, elle sait qu’elle restera. Il y a quelque chose de rassurant à être en contrôle de son mal-être.

Elle se rappelle le temps où chaque geste lui coûtait, tendre le bras pour attraper un livre sur l’étagère, pour se lever, tenir une conversation. Flotter dans ses vêtements, ce soulagement. Elle se souvient chercher sur Internet les activités qui brûlaient le plus de calories, combien brûlait une séance de repassage, de ménage, de marche rapide à 6 km/heure. Les Nutri-scores, les valeurs nutritionnelles, les calculs interminables avec son téléphone. Et cette splendeur, être dans un état où l’on perçoit mieux les choses.

Il faudrait dire adieu à tout ce monde d’avant.

La nostalgie était trop forte.


Lorsque Mme F. lui demande où elle en est, Séverine répond qu’elle est encore là. Elle ne la voit pas encore comme quelque chose du passé.

Elle aimerait se retrouver. Retrouver la vraie Séverine, qui elle était avant la maladie. Ses goûts, ce qu’elle aimait, et non ce que son mal lui dictait.


Aujourd’hui Manon a écrit sur leur groupe WhatsApp. Elle a repris les cours dans son collège parisien. C’était l’été. Les coquelicots poussaient entre les rails.

L’hôpital a invité une pair-aidante. Avec douceur et empathie, la femme leur parle de son expérience, explique que le rétablissement est un long processus, qu’il ne faut pas perdre espoir. Les jours se suivent, elle chemine. Elle écoute la diététicienne disserter sur le rôle hédonique, non négligeable, de l’alimentation, moteur de toute vie terrestre. Marie-Aude, Sophie et Lisa font des progrès, aussi. Elle est contente pour elles. Lentement, elles avancent.

Elle continue à se rendre aux ateliers de Mme Cassin. Dans le couloir d’art-thérapie, de grands cadres photo sont accrochés au mur, présentant des œuvres exposées au musée de l’hôpital. Où était-elle tombée. Amusée, elle se demandait parfois si les soignants n’étaient pas aussi fous que les patients.


Au retour un soir, Séverine passe devant la boutique de laine. Elle entre, feuillette un catalogue et achète la pelote qui lui manquait pour finir son ouvrage. Elle salue les vendeuses. Ces dames si gentilles et aimables. Depuis qu’elle a appris le tricot, un nouveau champ s’est ouvert devant elle. Un art minutieux, fait de toucher et de gestes méthodiques, méticuleux, rassurants. Elles l’avaient toujours accueillie avec le sourire, des compliments et des conseils. Elle voudrait leur dire merci. Elles lui ont indirectement sauvé la vie.


La phrase de Louise reste en elle comme un mantra. Essayer. Essayer et voir.

Elle verrait.

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