Coeur de pierre, coeur de verre

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ELLIE

11 février 2306

15 : 58

Eden ne prononça plus un mot pendant le reste du voyage. Quand elles arrivèrent à leur appartement, une personne les attendait à l’entrée. Ellie sortit de la voiture la première pour s’adresser à l’inconnu. Ses longs cheveux bruns aux reflets orangés étaient noués et retombent le long de son épaule, une mèche tressée dans laquelle était lacé un ruban. Lorsqu’elle se trouva face à lui, elle ne put s'empêcher d’admirer son teint hâlé, ses pommettes droites et ses iris d'un vert profond.

  • Tu es nouveau ici, non ? Je ne t’ai jamais vu.

Sa veste laissait deviner une musculature développée.

  • Effectivement , je viens tout juste d’arriver. J’ai été assigné en tant que nouveau garde du corps de Mademoiselle de Clarant.

Ellie écarquilla les yeux. Personne ne l’avait prévenue de son arrivée. Cependant, cela ne sortait pas de l’ordinaire. Ellie n’était pas du genre à s’occuper de ce genre de chose. C’était le rôle de sa soeur : Mademoiselle de Clarant. Ellie était aussi une de Clarant, mais jamais elle n’était désignée ainsi. Elle était le mouton noir de la famille. La jeune femme reporta son attention sur le jeune homme qui l’observait.

  • Vraiment ? demanda-t-elle, plus curieuse que ce qu’elle avait voulu montrer.

Il sourit en voyant sa réaction.

  • Oui, vraiment.
  • Dans ce cas ne cherche pas plus loin, elle est juste derrière.

Elle lança un regard vers la limousine.

  • Fait attention à toi, heu …?
  • Léo. Leonardo da Costa, mais on m'appelle Léo.
  • Dans ce cas Léo, prend garde à toi, la vie avec elle n'est pas facile. Tu risques de regretter d'avoir pris ce job.

Elle ne prit pas le temps d'écouter sa réponse et partit en direction du bâtiment.

  • Merci !

Elle se retourna quand elle l’entendit crier.

  • Ne me remercie pas, répondit-elle, je te préviens juste pour que tu ne viennes pas te venger si ça tourne mal pour toi.

Elle partit, et cette fois, elle ne se retourna pas.

Traversant l’imposante porte de verre pour pénétrer dans la Maison de Verre, la jeune femme se dirigea vers l'ascenseur, entendant l'écho de ses mocassins sur le sol brillant et glacé du hall. Les quelques baies vitrées invitaient un semblant de lumière, mais l’architecture empêchait celle-ci d’être diffusée pleinement. Le peu de meubles, mis à par le bureau de réception en forme d’une immense demi-lune, aurait habituellement semblé accueillant, mais le trop plein d’espace donnait plutôt à Ellie l’impression de marcher dans une arène. Trop d’espace, aucun endroit où se cacher, et en même temps pas assez de lumière pour se sentir à l'extérieur, libre. Le son de ses pas étaient le seul signe de vie.

La réceptionniste ne bougea pas, ne daigna pas lui jeter un regard. Accélérant sa cadence, la jeune femme put enfin se détendre quand elle se trouva seule dans l'ascenseur. La montée lui paraissait interminable. Lorsqu’elle leva les yeux pour vérifier à qu’elle étage elle était (le 10ème), elle croisa sa réflexion dans le miroir. Pendant un instant, elle ne reconnut pas. Son teint blafard, son visage fin restaient inchangés. Ses yeux turquoises en amande, ainsi que le grain de beauté près de son oeil droit qui embellissait son visage, autrement plutôt banal. Ses cheveux bruns foncés, tirant vers le noir lui arrivaient normalement juste au dessus de l'épaule, mais elle avait décidé de les nouer en queue de cheval pour la cérémonie, mettant ainsi en valeur sa frange droite.

Cependant, ce n’était pas son visage qui l’avait surprise, c’était ses vêtements. En effet, cela faisait des années qu’elle n’avait pas fait d’efforts sur sa tenue. Elle portait un pantalon noir taille haute qui épousait la forme de ses jambes et un haut blanc soyeux avec un décolleté en V en addition d’ un blazer noir, les manches retroussées jusqu’aux coudes. En accessoire, elle avait seulement mis une large montre à son poignet.

Comme par hasard, tu n’est jamais mieux habillée que lors des funérailles de ton père, quelle bonne blague hein, Ellie ?

Son visage se déforma en un sourire, ou plutôt un rictus. Cette expression qui lui venait à chaque fois qu’elle ne savait pas quoi ressentir. C’était comme un réconfort de revenir en terrain connu, de revenir aux bonnes habitudes, ou aux mauvaises, elle ne savait plus. Les portes s’ouvrirent enfin et elle put sortir. Ses jambes lui semblaient soudainement lourdes et elle ne fit pas attentions aux alentours jusqu’à arriver à sa chambre. Elle sentit son coeur se serrer en voyant l'inscription sur sa porte. Ellie de Clarant. Elle était la dernière, ou plutôt elles étaient les dernières avec Eden, sa soeur Eden. La belle et intelligente Eden, la froide et impartiale Eden. La jeune et fière héritière de Amsan de Clarant, le N°1 de la Liste, celui qui avait régné sur la Cité pendant près de quarante ans. Ellie savait que la jeune fille serait à la hauteur. Elle avait été élevée pour ça après tout. Le sang n’avait rien avoir la dedans. Même si Ellie était la fille biologique de Amsan, et qu’Eden était adoptée, c’était elle qui serait le nouveau porte parole de l’esprit de leur père.

La jeune femme entra dans sa chambre, puis referma la porte aussitôt pour se précipiter sur son lit.

Sa chambre était dans un incroyable désordre, comme si une tornade était passée. Des vêtements jonchaient le sol, étant accrochés aux portes des armoires ou encore débordant des tiroirs de commode. Le mobilier était simple, en bois gris mais de bonne qualité. Un grand lit en baldaquin auquel étaient accrochés de voiles noires et transparentes aux motifs fleuris trônait au centre de la pièce, seul élément trahissant sa confortable situation financière. En décoration, un simple horloge rouge en retard de quelques minutes, une bibliothèque débordant de vieux livres et un bureau sur lequel traînait quelques feutres et pinceaux, vestiges de ce qu’elle faisait à ses heures perdues. La pièce était dans une semi obscurité, créée par le lourd rideau violet qui bloquait les rayon du soleil venant de des vitres du balcon.

Allongée sur ses draps soyeux, Ellie eut enfin l’impression de respirer. L’odeur de renfermé mêlé aux bougies parfumées qu’elle allumait de temps à autre chatouillait ses narines et lui donnaient une impression de familiarité, comme si elle était rentrée chez elle après un long périple. Cependant, elle n'était pas chez elle, elle ne le serait jamais. Mais il lui était confortable de se bercer de cette illusion.

Un miaulement se fit entendre et elle sourit, d’un vrai sourire cette fois, pour la première fois de la journée. Un chat noir qui s’était discrètement faufilé sous les draps encore défaits de son lit avait été réveillé par sa soudaine arrivée. Ellie le prit dans ses bras, le chat se laissant faire, ses iris jaune fixant la jeune femme en toute confiance. Posant l’animal sur ses genoux, elle se mit à le caresser doucement, et le chat se mit à ronronner de plaisir. Après un moment, elle le reprit dans ses bras pour le porter plus haut, le tenant entre son épaule et sa joue, comme pour étreindre un enfant. Elle hoqueta, avant de se mettre à sangloter dans le plus grand silence, comme si le fait de ne pas faire de bruit pouvait faire taire la douleur qu’elle ressentait, comme si le silence pouvait nier l’existence du puit sans fond qui se creusait dans son coeur. Elle ferma les yeux, cajolant son chat comme si c’était lui qui avait besoin d’être consolé, et non l’inverse.

  • Il est mort, Yoru, Il est mort et je ne sais plus quoi faire.

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