Chapitre 6

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J’ai chaud. Trop chaud. Il me faut de l’air. Qu’est-ce qui m’écrase ainsi ? Ouvrant péniblement un œil, j’observe la masse pour m’empêche de bouger et qui m’étouffe. Ou plutôt l’homme fort et imposant qui m'aplatit contre le matelas. Dans son sommeil, Daniel s’est enroulé autour de moi, nichant sa tête sur un de ses seins, tétant l’autre et son érection repose contre ma cuisse. Mes mains partent à la découverte de ses cheveux et de son dos. Il soupire, marmonne un « Je t’aime » et glisse un de ses mains entre les replis de mon sexe déjà prêt à le recevoir. Quand mon désir pour lui s’évanouira-t-il ? Je n’en sais rien et je ne veux pas savoir car j’espère qu’il durera éternellement. Mais qu’en est-il de son désir à lui ? Il est aussi connu que son frère pour changer de partenaire comme de slip, notre relation doit être la plus longue qu’il n’ait jamais eue.

Sa main me change les idées ou m’enlève toute pensée cohérente. Mon bassin bouge tout seul, ses doigts ayant trouvé mon entrée et mon centre de plaisir. Il grommèle, replie les doigts qui sont en moi et tète plus fort mon téton qui n’en peut plus de plaisir. Je gémis, lui tire les cheveux. Il se réveille, se rend compte de notre situation, sourit et rend la pareille à mon autre sein. Mes gémissements ne tardent pas à devenir frénétiques et il balance son pénis contre moi. Il me retourne, me soulève le cul avec les doigts enfuis dans mon vagin, les retire, s’attirant mes cris de frustration, et les remplace par sa bite.

Les petits coquins qui m’ont donné tant de plaisir glissent vers l’arrière de mon corps et commencent à titiller mon anus. D’instinct, il se resserre sur eux pour qu’ils n’aillent pas plus loin mais mon amoureux n’aime pas qu’on se refuse à lui et me donne un grand coup de reins pour me punir. Je crie et diminue la pression sur les intrus. Il commence les allers-retours, jouant sur trois tableaux différents, sa seconde main mettant au supplice ma poitrine mal menée. Il me dit de résister, de ne pas laisser l’orgasme exploser mais c’est si dur ! Je suis partout et nulle part en même temps ! Je ne sais plus où donner de la tête tant les informations sont nombreuses et partent d’endroits différents. Il ne tarde pas me donner l’autorisation de jouir, ce que je ne saurais pas m'aviser de ne pas faire. J’explose dans un feu d’artifice géant, hurlant de plaisir, serrant son membre tellement fort qu’il me rejoint une seconde plus tard.

C’est alors que je me rends compte que nous n’avons pas mis de préservatif. Mince ! Je ne prends pas la pilule parce que mes parents refusent que je la prenne. Et mes règles ne se sont terminées qu’il n’y a une semaine ! J’ai peur de tomber enceinte. Ce n’est pas le bon moment. Même si je souhaite secrètement qu’il devienne le père de mes enfants, je ne sais pas s’il en veut et, de toute façon, nous ne pouvons pas encore officiellement dire que nous sommes ensemble. Tremblante de gêne et de vulnérabilité, je lui fais remarquer le manquement et ma situation gynécologique.

Son visage se ferme, ses yeux verts se figent comme des émeraudes et sa bouche se transforme en une ligne sous des sourcils tellement froncés qu’on dirait qu’il n’en a qu’un seul. Il serait drôle si la situation l’était nettement plus. Je n’ose plus respirer et j’attends sa réponse. Ou sa colère. Je ne sais pas comment il va réagir et ça m’embête énormément. Que faire ? M’excuser ? De quoi ? De ne pas lui avoir dit plus tôt que je ne prends pas la pilule ? Un oubli qui n’est pas de ma volonté. De ne pas l’avoir arrêté pour mettre un préservatif ? Dans l’action, toute pensée censée m’a échappée, comment aurais-je pu faire ? J’attends, me triture les mains en angoissant et espère un changement dans son expression qui me dirait comment il va répercuter nos carences. Finalement, après un très très trèèèèès long moment, ses sourcils retournent à leurs places, ses lèvres se desserrent mais ses yeux restent durs.

« - Pourquoi ne pas me l’avoir dit ? Pourquoi ne pas m’avoir stoppé ?

- Parce que ça va être de ma faute si mes parents m’obligent à ne pas prendre la pilule ? Ou est-ce que ça va être ma faute de ne pas t’avoir arrêté, le temps de mette une capote ? On est deux, dans cette situation ! Alors ne m’en veut pas trop, parce que tu es aussi fautif que moi !

- Je sais. Je suis désolé. J’admets que ne pas m’avoir dit pour la pilule, c’est quand même ta faute mais pour la capote, on est deux. Et si bébé il doit y avoir, bébé il y aura. D’accord ? On assume. À deux. Je t’aime et je ne veux pas te perdre parce que nous avons été inattentifs.

- Moi aussi, je t’aime. Tu es sûr que tu veux des enfants ? À la vue de nos familles, ce n’est sans doute pas la meilleure des idées…

- Mais nous ne sommes pas comme nos familles. Nous sommes Magdalena et Daniel. Ensemble, je sais qu’on peut tout faire, y compris élever des enfants et leur donner une éducation meilleure que celle que nos parents ont manqué. La question est, est-ce que TOI, tu veux des enfants.

- Oui. C’est vrai que nous ne sommes pas des manipulateurs, ni des manipulés, ni des imbéciles, ni des violeurs. Je t’aime et si tu veux des enfants, alors on en fera parce que je ne veux porter que nos enfants.

- Mon cœur, tu n’aurais su me rendre plus heureux ! Tu veux qu’on essaye d’avoir un enfant ?

- Quoi ? Maintenant ? Mais ça ne fait pas une semaine qu’on est ensemble ?! Je t’aime de tout mon cœur mais ce n’est pas un peu précipité ?

- Je rigole, trésor ! Je veux juste te refaire l’amour encore et encore, jusqu’à ce que tu ne saches plus t’asseoir et que je sois complètement vidé ! »

Riant, il prend une capote et l’enfile et me fait l’amour encore une fois. Plus tard dans la journée, nous allons au cinéma, nous offrant un premier rendez-vous, maintenant qu’une des menaces à notre bonheur a été arrêtée. Tout au long de la séance, il me tient la main, me nourrit et me pelote. Je finis par jouir au milieu de la salle, mes bruits camouflés par les cris des acteurs. Très fier de lui, il me tire chez un italien du coin pour aller manger. Son sourire attire l’attention des gens mais personne ne semble nous reconnaitre, avec nos lunettes de soleil et un bonnet. Dieu que je l’aime mais il m’énerve à me narguer avec mon orgasme en plein dans le film. Je lui décrète une grève du sexe mais nous savons tous les deux que je ne résisterai pas longtemps à ses tentatives de séduction.

Le reste de la journée, je suis enjouée et heureuse mais aussi légèrement frustrée à cause de mes représailles. Au moins, je réagis mieux que lui. Je jubile quand, sortant d’une cabine d’essaye d’un magasin de lingerie dans lequel je l’ai trainé, je lui montre un ensemble qui ne cache presque rien de mon anatomie avant de rentrer dedans pour en essayer un second. Puis un troisième, un quatrième et un cinquième, chacun montrant plus qu’ils ne cachent. Je ne sais pas faire mon choix alors je les réessaye tous en lui demandant lequel il préfère. À chaque sortie, je vois sa braguette se tendre de plus en plus. Il craque quand je remets le troisième ensemble et entre dans la cabine avec moi. Je ne suis qu’en soutien-gorge et mon sexe est déjà tellement mouillé que je suis étonnée qu’une flaque ne s’est pas encore formée à mes pieds. Il m’embrasse, cherche à passer sa main là où je le voudrais tant mais je m’y refuse. Je ferme les cuisses, glisse ma culotte jusqu’à mes hanches et commence à me rhabiller, le frustrant. Très contente de mon petit effet, je prends tous les ensembles. Au soir, même chose. Je mets une nuisette en dentelle légère pour me moquer de lui et m’endors instantanément. Tout au long de la nuit, je sens son érection contre mon ventre ou contre mon dos.

Quelque chose me dérange. M’empêchant de bouger, deux mains entourent ma taille et une langue lèche ma féminité, faisant monter mon excitation. C’est un peu trop parfait. D’un coup, mes yeux s’ouvrent et descendent vers mon ventre. Daniel m’a coincée dans mon sommeil et me baise avec sa bouche. J’ai envie de le laisser faire, il est tellement doué avec sa langue mais non. Il essaye de faire quoi ? De m’amadouer pour que j’arrête ma grève ? Non, non et non ! C’est moi qui déciderai quand arrêter ! Je me relève, me dégage et cours dans la salle de bain. La porte à peine fermée qu’elle s’ouvre à nouveau et va taper sur le mur violement. Je sursaute, me retourne et toise mon homme. Sa bouche mouillée de mon désir est entrouverte, les lèvres retroussées sur ses dents blanches et ses yeux me fusillent. Si un regard pouvait tuer, je serais déjà morte…

Il s’approche doucement, à la manière d’un prédateur, me tourne autour, cherchant le meilleur point d’attaque. Je tourne sur moi-même pour le suivre, voulant montrer que je ne suis pas faible mais tout autant que lui. Il passe à l’attaque. Je me baisse, il passe au-dessus de moi et rentre dans le mur. Le bruit qu’il fait m’inquiète mais je préfère partir avant qu’il ne se relève et ne repasse à l’action. Il n’est pas comme d’habitude, quelque chose ne va pas. Ce n'est pas le Daniel que je connais, ce n'est pas l'homme avec lequel je suis sortie cet après-midi. Je ne connais pas cet homme en colère et violent.

Mais qui contacter ? Je n’en sais strictement rien. Le Roi ? Pas besoin de l’inquiéter pour un petit truc comme ça. Le docteur Gyman ? Pourquoi faire ? Il ne me serait d’aucune aide pour l’instant. J’enfile un pantalon et un tee-shirt en vitesse, pas le temps de mettre des sous-vêtements, puis descends vers la cuisine au pas de course. J’arrive, à bout de souffle, et me glisse entre l’îlot central et le mur. Je m’accroupis et attends, tendue. Je voudrai le laisser faire et me baiser mais tant qu’il n’arrêtera pas d’afficher cette fierté par rapport aux événements d’hier, je me battrais s’il le faut.

Je ne l’entends pas arriver. D’un coup, je suis dans ses bras et ses lèvres dans mon cou. Je crie, me débats mais rien n’y fait. Il m’a coincée. Il me porte sur le plan de travail et grogne à la vue de mes vêtements. Il ne parle pas, il n’est plus que grognements et gestes brusques. Il me mord le cou assez fort que pour que j’arrête de me débattre, me fige, étonnée de son geste. M’a-t-il vraiment mordue ? J’ai envie de poser ma main sur le coup mais sa bouche y est toujours et aspire ma peau entre ses dents, formant un suçon. Je sais qu’il me marque, qu’il me revendique comme sienne. Mon cœur a un raté. Que dois-je faire ? Le laisser faire ? Tenter de le repousser et m’enfuir loin de lui ?

Finalement, mon corps décide avant que ma tête n’ait prit une décision et se cabre vers lui. Tant pis pour ma résolution de grève du sexe, il est plus fort que moi. Daniel sent mon changement d’état d’esprit et relève la tête pour me fixer droit dans les yeux. Il reste froid et distant d’abord puis la chaleur l’envahit petit à petit. Ses lèvres se font plus douces sur mon visage, ses mains desserrent leur étreinte sur mes hanches et les caresse pour apaiser la douleur persistante qu’elles ont laissées.

Lentement, il m’allonge sur le plan de travail et tire mon bassin au bord de la surface froide. Ses yeux ne quittent pas les miens mais le reste de son corps ne reste pas aussi fixe : ses mains me déshabillent rapidement et il se colle à moi, son érection glissant entre mes replis sans me pénétrer. Je bouge, voulant la faire entrer, soulevant la partie supérieure de mon corps pour m’accrocher à lui néanmoins, il me repousse sur le carrelage et ses mains pétrissent ma poitrine, savant mélange entre plaisir et douleur. Comment ai-je pu penser que je ne pourrais pas le laisser faire de moi ce qu’il voulait ? Je gémis, lui demandant, le suppliant même, d’en faire encore plus.

Un sourire froid étire ses lèvres et il me fait peur. Je me fige à nouveau, je n’aime pas ça. À nouveau, je tente de lui échapper en l’implorant d’arrêter mais il n’en fait qu’à sa tête. Non ! Je ne veux pas ça ! Pas avec lui ! Devant mes yeux défilent des flashs des hommes qui m’ont fait la même chose. Mon père, un sourire cruel sur les lèvres, un ceinturon dans les mains qui me prend de force après m’avoir battue, le jour de mes treize ans ; Lionel Hubert et ses yeux de merlan fris qui m’attache à une croix avant de me flageller et de me violer ; Kojun Kim qui me prend en levrette, les mains et les pieds enchainés ; et le pire de tous, Trinon Ren qui alterne le viol et toute la panoplie du SM. Non ! C’est du passé ! Daniel ne me ferait jamais ça ! Si ? Mais à le voir, on dirait que ce que je lui ai dit ne sert plus à rien. Non ! Pas ça ! Par pitié ! Je hurle, me débats, lui dit d’arrêter mais il ne m’entend pas. Les larmes coulent le long de mes joues, mes mains le frappe pour me le ramener, mes pieds lui massacrent les reins mais rien ne le fait réagir. Je n’en peux plus, mon corps et mon esprit se brisent et je sombre avec soulagement dans les ténèbres de l’oubli.

Je me réveille douloureusement. Que s’est-il passé ? Pourquoi mon corps est-il si endolori ? Chaque centimètre carré de mon anatomie me brule et me tire. J’ai l’impression que ma tête va exploser. Quelque chose de froid frôle mon front, me faisant tressaillir, ce qui réveilla la douleur. Je grimace et ouvre très lentement les yeux. Je suis dans notre chambre, nue sous la couverture. Un mouvement attire mon attention vers l’autre côté du lit. C’est Daniel qui replie une serviette humide. Il a l’air coupable. A-t-il réagi quand je me suis évanouie ou m’a-t-il tout de même prise ? Ma gorge me fait trop mal que pour parler.

« - Mon cœur ? Ça va ? Je… Je… Je suis désolé, tellement désolé. Je ne sais pas pourquoi j’ai agi ainsi. Je… J’ai perdu le contrôle, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Tout est flou, je ne me rappelle que de tes hurlements mais je ne pouvais pas m’arrêter. C’est comme si quelqu’un avait pris le contrôle de mon corps. J’avais mal et je ne savais pas pourquoi j’agissais ainsi. Était-ce parce que tu t’étais refusée à moi parce que j’ai agi comme un imbécile fini ? Ou parce que j’étais trop frustré de ne pas pouvoir te toucher comme je le voulais ? Je n’en sais rien. Excuse-moi, mon amour. Je… Je comprendrai que tu me repousse et que tu ne veuilles plus de moi mais sache que je t’aime et que je préfèrerai me tuer que de recommencer et de te faire du mal. Je… »

Tout au long de sa tirade, il n’a cessé de pleurer, faisant couler mes larmes. Je l’interromps en posant un doigt tremblant sur sa bouche. J’ai peut-être mal partout et être incapable de parler pour le moment mais le voir souffrir comme ça est encore pire. Je ne comprends pas comment il ne se rappelle de rien ni pourquoi il avait la sensation que quelqu’un avait pris le contrôle de son corps mais, en me souvenant de son sourire sadique, je revois l’image de mon père et me demande si, depuis sa cellule de prison et s’il y est toujours, il n’est pas derrière tout ça. Après tout, l’entreprise familiale est une experte dans la pharmacologie et dans l’aide humanitaire, avec des laboratoires capables de créer des psychotropes très puissants. Je suis bien placée pour le savoir vu que je suis officiellement la directrice générale de la branche pharmaceutique, même si je n’ai mis les pieds dans les laboratoires que deux fois, je sais ce qu’ils sont capables de faire.

Mon père m’a placé à ce poste pour me ridiculiser, en pensant que je serai inefficace et inutile mais il s’est trompé sur toute la ligne. Malgré le fait que je ne connaisse pas les laborantins et que leurs recherches ne faisaient pas partie de mes attributions, j’ai réussi à faire évoluer cette partie de la firme pour en faire la plus grande et la plus puissante du continent tout en sachant très exactement sur quoi ils travaillaient en bas. Et je sais qu’ils viennent de commencer à travailler sur des substances qui devraient aider les gens à être plus sensibles, plus manipulables et pour les aider à s’endormir. Juste pour contrôler les gens et leur façon de penser, d’en faire une parfaite petite armée.

Je réfléchis rapidement, me remémorant qui a demandé ces études et en me repassant la journée d’hier encore et encore dans le but de trouver une personne qui se serait approchée de Daniel pour lui injecter cette drogue. Si ma mémoire ne me joue pas des tours, la demande venait de la Cour, de la Seconde Reine plus précisément. Mais son but m’échappe. Et je ne vois dans mes souvenirs aucun visage familier. Peut-être pendant que je me changeais dans la cabine au magasin de lingerie ? C’est à ce moment-là ou alors ils ont trouvé un moyen de rendre le produit rétroactif et le faire agir bien après l’injection. Dans ce cas, Père pourrait l’avoir piqué lui-même.

Je me redresse difficilement et déshabille Daniel en vitesse, vérifiant sous toutes les coutures qu’il n’a pas de trace de piqure. Là ! Juste au milieu de la nuque, sous ses cheveux. Et je suis certaine que si je faisais une analyse sanguine, je trouverai des traces de ce produit. Dans le tiroir de la table de chevet se trouve un calepin et un Bic avec lesquels j’écris parfois quelques poèmes en écriture automatique. J’écris en vitesse ma demande de matériel et s’il se souvient d’avoir senti une piqure. Il me répond que j’aurai l’équipement dans l’heure et que mon père l’ait frappé lors de leur seconde dispute, juste avant l’arrivée des policiers. Cependant, il ne semble pas comprendre pourquoi ces questions et je ne veux rien lui dire tant que je ne serais pas sûre.

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