Chapitre 10

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Après la visite de l’appartement aussi grand que notre maison, nous nous rendons dans le bureau du Roi. Malheureusement, cette fois-ci, nous croisons la Seconde Reine et Jean-Alexandre sur notre route. Ils sont furieux et c’est compréhensible, après tout, ils viennent de tout perdre en moins d’un jour. Ils demandent des explications et tentent de justifier leurs actes mais personne ne les écoute. Ils nous suivent, hurlant dans nos oreilles, jusqu’au cabinet privé. La seule réponse qu’ils obtiennent, c’est un rapport d’analyse qui leur est jeté à la figure par le monarque excédé par tous ces cris. Je reconnais ce rapport. C’est celui que j’ai fait, détaillant toutes leurs intrigues et le résultat des tests ADN. Oups… Sorry not sorry, mon nom revient dans tous les bas de pages, leur disant clairement qui les a mis dans la mouise… Je ris sous cape et un regard échangé avec les deux hommes me confirment que je ne suis pas la seule à le faire.

Soudain, je me retrouve à terre, la Salope à califourchon sur moi et son poignard à un centimètre de ma gorge. Mon éclat de rire a disparu, remplacé par la peur. Elle me hurle dessus, rouge de rage, ses postillons venant atterrir sur mon visage. Elle me menace, menace Daniel et le Roi. C’est trop pour moi. Elle m’énerve de trop. D’un coup de hanches, je renverse notre position, lui enlève le coutelas des mains mais elle me maintient contre elle avec ses jambes. Je ne suis plus qu’une colère noire qui éclaircit mes pensées, me rendant plus efficace au combat et plus dangereuse pour elle. Je lui balance un coup de poing à l’extérieur du genou et entend le craquement voulu. Un sourire froid étire mes lèvres et elle arrête de hurler, à son tour morte de peur.

Je pourrais la tuer en une seconde mais ça m’apporterait trop d’ennuis alors je préfère me dégager de son étreinte, me relève et vais rejoindre Daniel qui me regarde comme si une deuxième tête m’était poussée. Il m’enlace et recule assez loin de son ex-belle-famille. Le Roi a dû appeler les gardes à un moment car ils débarquent en grande troupe mais se figent quand ils voient leur ancienne Reine à terre, le visage en larmes et se tenant le genou d’où sort un morceau d’os, son fils la tenant contre lui. Ils reprennent rapidement consistance et, après avoir demandé une civière, embarquent les deux traitres.

Mon fiancé se détend, relâche un peu ses bras et continue de me regarder bizarrement. Soulagée de la pression et de la colère, mon visage et tout mon corps se détendent. S’en suivent les questions. D’où me vient cette maîtrise de moi ? Où et quand ai-je appris à me défendre ainsi ? Pourquoi est-ce que je n’ai pas utilisé cette force plus tôt, pour me défendre lors de la manipulation de Daniel, par exemple ? Je leur apprends que j’ai appris à me défendre dès le plus jeune âge, poussée par mes parents vers les arts martiaux mixtes, que je n’aurais jamais pu frapper Daniel comme je viens de le faire parce que je l’aime trop que pour lui faire mal, que la maîtrise totale ne me vient que quand je suis en danger extrême et que la personne qui m’attaque m’a assez énervée que pour s’attirer mes foudres. Leur regard sur moi a changé, passant de celui pour une jeune femme douce et innocente à celui pour une jeune femme forte, déterminée mais toujours aussi douce et amoureuse qu’ils respectent beaucoup.

Nous devons quitter notre maison aujourd’hui, laissant derrière nous les souvenirs de notre rencontre, de l’attaque de mon père et de la découverte des origines de Jean-Alexandre. J’ai le cœur gros mais je sais que c’est pour un mieux. Après tout, le prince héritier ne peut pas vivre dans une maison de banlieue, sans protection alors que la moitié de la population de la ville sait où il habite… Nos affaires sont emballées et partent avant nous au palais car nous avons convenu de nous rendre d’abord chez ma mère avant de regagner notre nouveau chez nous. Je suis tendue, je ne sais pas comment Mère va réagir à mon arrivée après presqu’un mois de « fugue ». Daniel a compris mon malaise et ne me lâche pas d’une semelle.

Comme je m’y préparais, Mère ne veut pas me voir et refuse de me parler, reléguant la tâche à mon frère qui, contrairement à elle, nous accueille avec un grand sourire et me prends dans ses bras pour la première fois depuis des mois. Je n’avais jamais remarqué à quel point il avait grandi. Il est maintenant bien plus grand que mon mètre soixante, presque autant que Daniel. Enthousiaste, il nous submerge de questions plus ou moins intimes mais je ne peux rien cacher à Lucas, même quand il nous demande comment on se débrouille au lit. Daniel rougit et j’éclate de rire, gênée. Nous prenons notre temps, profitant de la présence des uns et des autres, les domestiques passent souvent, s’arrêtent pour bavarder sans crainte de remontrances depuis que mon père est parti.

Mère finit par descendre, curieuse sur l’origine des éclats de rire et des discussions qui montent jusqu’en haut des marches, mais se fige quand elle nous voit jouer au Twister, jambes et bras entremêlés. Quand Daniel tombe, il nous entraine tous à terre, nous rions encore plus fort. Du moins jusqu’à ce que ma mère se fasse entendre. D’un seul coup, le silence se fait, les visages se font graves et les sourires disparaissent. Je me relève, aidée par Lucas, puis me dirige vers elle pour l’embrasser mais elle recule. Je ne veux pas m’excuser. Je n’ai rien fait de mal, au contraire, je n’ai fait que me défendre, utilisant les seules méthodes que je avais à ma disposition pour me libérer du joug de mon salopard de père. Elle ne sait pas ce qu’il m’a fait et ce qu’il m’a obligée à faire et je ne lui dirais pas, elle n’a pas besoin de souffrir plus. Les lèvres tremblantes, des larmes plein les yeux, elle nous ordonne de partir, même si elle sait qu’elle n’a plus d’ordre à nous donner. Le cœur brisé, je ne lui résiste pas et nous partons. Dans la voiture, je fonds en larmes. Quand pourrais-je revoir mon frère ? Je n’ai pas envie de le forcer à choisir entre Mère et moi mais je ne veux pas non plus passer ma vie à l’éviter et à le voir s’éloigner de moi. Mon homme me console avec quelques mots doux mais mes pleurs ne se tarissent pas.

Arrivés au palais, mes yeux et mon nez sont rouges mais je m’en fiche. On peut penser ce que l’on veut de moi, il n’en demeure pas moins que ma mère me rejette et que mon père m’a fait assez de mal pour toute une vie. Je ne veux plus souffrir, je veux ma part de bonheur et de reconnaissance. Je sais que Daniel peut m’offrir ce bonheur. Notre arrivée se fait dans le calme mais, contrairement à ce qui nous avait été annoncé, l’appartement n’est pas encore prêt. Comment ça se fait ? On leur a laissé plus d’une semaine pour tout préparer et ce n’est pas encore fait. Daniel s’emporte contre les domestiques qui s’écrasent face à lui. Pourquoi est-il si méchant ? Une seule chambre est prête pour nous, celle dans laquelle Jean-Alexandre a failli me violer. Il ne sait toujours rien de cet événement mais restera-t-il secret encore longtemps ? Je sais qu’on nous a entendu et que l’ancienne Reine a pu et a dû donner l’ordre de faire courir le bruit que je couche avec n’importe qui, que ce soit son beau-fils ou même son propre fils. Pas besoin d’attendre, les chuchotements me poursuivent où que j’aille, quoi que je fasse, me traitant de trainée et de Marie-couche-toi-là pour monter dans la société, exactement comme mon père avait prévu de faire de moi.

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