Chapitre 11 : "Abyssombre en Marche !" - partie une

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Assise face à mon “époux”, je lis attentivement les feuilles de compte qu'il m’a autorisée à consulter. Un détail attire alors mon attention :

  • Comment calcule-t-on exactement la quantité d’esclaves à acheter chaque mois ?
  • Comment ça ? s’étonne-t-il en haussant un sourcil.
  • Vous achetez toujours exactement la même quantité d’esclaves tous les mois. Comment est-ce possible ?
  • Je. . . je suppose que le nombre d’esclaves à remplacer est toujours plus ou moins le même.

L’hésitation que j'entends dans sa voix me surprend. Il semblait bien plus sûr de lui lorsqu'il me présentait le fonctionnement général des mines et des usines, quelques minutes plus tôt.

  • Systématiquement ? insisté-je en levant à mon tour un sourcil sceptique. Cela me paraît étrange. . . Pourquoi est-ce que le nombre d'esclaves à remplacer est toujours aussi élevé ?
  • La plupart sont envoyés dans les mines ou les usines. Ce sont des tâches difficiles à accomplir et les accidents ne manquent pas.
  • J'ai remarqué, souligné-je avec une mine sombre en serrant les dents de frustration.

Je chasse tant bien que mal les images déchirantes de ma visite dans les mines afin de me reconcentrer sur notre discussion :

  • Je vois aussi que vos dépenses en matière d’équipements sont très basses, surtout pour les mines. Comment cela se fait-il ?
  • Simple question d’économie budgétaire, se justifie-t-il en haussant les épaules.
  • Hum. . . lâché-je, peu convaincue, en examinant attentivement une autre fiche. Mais cela ne coûte-t-il pas au final plus cher d’acheter continuellement de nouveaux esclaves pour remplacer ceux qui sont victimes d'accidents à cause de l'équipement défectueux ?

Il reste un instant silencieux, l'air à la fois surpris et embarrassé, puis finit par répondre :

  • Je. . . Demandez à Laïus, c'est lui qui s'occupe de ces choses-là.
  • Hum. . . fais-je, déçue par sa réponse.

Plus je lui pose de questions et plus ses réponses sont vagues et évasives. L'embarras que j'ai perçu dans son regard et sa voix me laissent comprendre que je le dérange avec ces questions qui doivent lui sembler si stupides. . . J'avais beau aider mes parents dans la gestion du royaume, le fonctionnement de celui des vampires est bien différent. Les questions d'argent me sont si étrangères ! Ce sont surtout elles qui me posent problème. Cependant, pour quelqu'un comme Forlwey qui a toujours vécu dans cette société, mon incompréhension doit être au niveau de celle d'un petit enfant. Ce dernier ne se dérange d'ailleurs pas plus longtemps pour me signaler la gêne que je lui impose :

  • Vous savez quoi ? Pourquoi ne prendriez-vous pas tous ces documents pour les étudier tranquillement à votre rythme ? Si vous avez des questions, vous pourriez me les poser ensuite.
  • D'accord ! accepté-je aussitôt. Je vais étudier tout cela et j'essaierai de ne pas vous déranger pour rien.
  • Ne vous gênez pas, me dit-il avec un sourire ravi. Si vous avez besoin d'explications supplémentaires, je me ferais un plaisir de vous aider.
  • Merci beaucoup, déclaré-je en ramassant la pile de papiers.

Je suis si touchée par cette rare marque de générosité que je ne peux retenir un petit sourire de reconnaissance.

*


Toc ! Toc ! Toc !

Je sursaute presque en entendant les coups contre la porte de mon bureau. J'étais si plongée dans mon travail que je n’ai entendu personne approcher.

  • Oui ? demandé-je.
  • C'est Laïus, Madame.
  • Ah ! m’exclamé-je avec un sourire ravi. Entre, Laïus ! J'ai justement besoin de toi !

La porte s'ouvre et l'intendant plonge dans une révérence, puis me demande :

  • En quoi puis-je vous être utile, Madame ?
  • Le comte d’Abyssombre m'enseigne la gestion du domaine et une idée m’est venue à la lecture des fiches de compte et des rapports d’activités, mais. . . Certains points m'échappent. J’aurais besoin de confirmer quelques incertitudes afin d'être sûre de pouvoir convaincre ton maître du bien-fondé de mon projet.
  • Je suis à votre service, m’assure-t-il en posant sa main sur son cœur.
  • Merci, repondé-je avec un franc sourire. J’aurais besoin que tu m’expliques le fonctionnement de l’argent dans le Royaume Submergé. J'aimerais également des renseignements supplémentaires sur l’organisation des mines et des usines, ainsi que les conditions de travail des esclaves.

J’ouvre les yeux et me redresse. Je suis dans mon lit à baldaquin. Je ne me souviens pourtant pas être allée me coucher.

  • J’ai compris. C'est bien ce que je pensais. Je vais pouvoir peaufiner mon plan et convaincre le comte d’Abyssombre de le mettre à exécution. Merci infiniment, Laïus !
  • Je vous en prie, Madame. Je n'ai fait que mon devoir.
  • Au fait, de quoi voulais-tu me parler ?
  • Monseigneur et Madame de Véresbaba vous attendent pour dîner.
  • Oh, il est déjà l'heure de manger ? m’étonné-je en jetant un coup d'oeil à la petite horloge en or sculpté posée sur un meuble. Remercie-les de leur patience, Laïus, mais je n’ai pas faim. Dis-leur que j'aime mieux rester ici pour me consacrer à mon travail.
  • Bien, Madame.

Il s'incline et sort. Je me repenche aussitôt sur mes papiers pour reprendre mes calculs et mes schémas, qui me semblent désormais bien plus simples à réaliser grâce aux explications de l'intendant.

Quelques minutes plus tard, de nouveaux coups retentissent contre la porte.

  • Oui ?
  • Je viens vous apporter votre repas sur les ordres de Monseigneur, me répond la voix d'une femme.

Je reste bouche bée pendant quelques secondes. Est-ce vraiment Forlwey qui a pensé à faire monter mon repas, ou serait-ce Élisabelle qui l’en aurait persuadé ?

  • Merci, finis-je par répondre. Tu peux entrer.

La servante dépose le plateau sur mon bureau en me souhaitant un bon appétit, puis sort avec une révérence.

L'odeur des légumes et des fruits frais m'ouvre l’appétit. Je poursuis donc mon travail en picorant dans mon assiette de temps à autre. Quelques heures plus tard, un soupir de triomphe m'échappe.

Ce sont mes derniers souvenirs de la veille. Sans doute que Judith ou l'une de ses camarades est venue me mettre au lit, en me trouvant affalée sur mon bureau. Je sors du lit en lissant ma robe pour la défroisser, puis vais me laver le visage et les dents. Je détache ensuite ma tresse, dont de nombreuses mèches de cheveux se sont échappées durant la nuit et brosse ma chevelure. Je retourne dans le bureau afin de revérifier mon projet et l'approuve d'un hochement de tête satisfait. Il valait la peine que je reste éveillée aussi tard. Je quitte mes appartements pour me rendre dans ceux de Forlwey. Il est grand temps de lui présenter mon travail et de le convaincre d'appliquer ce plan. Il en va du bien-être des esclaves. . .

*

Je pousse un long soupir d’ennui et regarde à nouveau l'horloge. Voilà déjà deux bonnes heures que je suis assise là, attendant que le comte d’Abyssombre daigne se montrer. Que peut-il bien faire ? Je quitte la chaise et fais les cents pas afin de me dégourdir les jambes. La porte s'ouvre alors sur Laïus, qui se fige un instant en me voyant, mais se ressaisit rapidement :

  • Bonjour, Madame. Je ne m'attendais pas à vous trouver là.
  • Bonjour, Laïus. Sais-tu où est le comte ? Cela fait des heures que je l'attends ! J'ai hâte de lui parler du nouveau projet que j'ai mis en place avec ton aide ! Quand pourra-t-il me recevoir ?
  • Monseigneur dort encore. Je vais justement le réveiller. Cependant, je crains qu’il n’ait pas le temps de vous recevoir, ajoute-t-il avec un air contrit.
  • Pourquoi cela ?
  • Une journée chargée attend Monseigneur.
  • Oh. . . lâché-je avec déception.

Alors que l’intendant reprend sa marche, une idée me vient. Je l'interromps donc :

  • Je sais ! Je vais aller le réveiller. Comme ça, nous pourrons parler un peu avant qu'il ne doive remplir ses obligations et cela te permettra de gagner du temps aussi. Tu dois être bien occupé. Qu'en dis-tu ?

L’esclave me lance un regard surpris, puis se frotte le menton. Il ne lui faut que quelques secondes de réflexion pour se décider :

  • Bien, Madame. Je vous remercie.
  • Parfait ! m’exclamé-je en ramassant la pile de documents et le stylo que j'ai apportés. À tout à l'heure !

Je marche dans la direction que prenait Laïus et ouvre la porte. Je constate alors que la disposition des appartements sont similaire. Je n'ai ainsi aucun mal à deviner quelle porte donne sur sa chambre. Je frappe à celle-ci. Quelques secondes plus tard, une voix bourrue me répond :

  • Entre, Laïus.

Je retiens à grand peine un rire amusé et m'exécute.

  • Bonjour ! lui lancé-je joyeusement en lui adressant un grand sourire. Vous avez bien dormi ?
  • Mais qu'est-ce que. . . Que faites-vous ici ?

La surprise est clairement visible dans son regard. Je m’empresse de lui répondre :

  • Oh, eh bien, j'ai travaillé hier. . . et une bonne partie de la nuit sur une nouvelle stratégie révolutionnaire afin d’améliorer la productivité de votre. . .
  • Je ne parle pas de ça, me coupe-t-il avec agacement. Que faites-vous dans ma chambre ? Où est Laïus ?
  • J’y viens : comme cela faisait deux heures que je vous attendais dans votre bureau, j’ai fini par demander à Laïus où vous étiez et quand est-ce que vous pourriez me recevoir pour qu'on discute ensemble de mon travail. Il m'a répondu que vous dormiez encore et qu'il ne savait pas si vous auriez le temps de m'accorder une audience, car vous aviez apparemment une journée très chargée. Alors je lui ai demandé si je pouvais venir vous réveiller à sa place, histoire qu'on ait le temps d'examiner ensemble la stratégie que j'ai mise au point avant que votre emploi du temps ne vous en empêche. Laïus a accepté, du coup. . . me voilà ! Sur ce, mettons-nous au travail ! déclaré-je en posant ma pile de papiers sur le secrétaire installé à côté de moi. Vous allez être épaté, j'en suis certaine. J'ai baptisé ce nouveau programme “Abyssombre en Marche” !

Je me tourne vers ma pile de documents pour les trier afin de lui présenter plus facilement mon plan, puis me retourne pour lui expliquer avec entrain :

  • Alors ! Savez-vous que. . .

Le reste des mots s'évanouit dans ma gorge. Je reste bouche bée face au comte, les yeux écarquillés par la surprise. Ce dernier vient tout juste de se lever et il est. . . En sous-vêtements ! Heureusement, le fait qu'il se tienne de profil par rapport à moi limite mon champ de vision, mais mon malaise n'en reste pas moins extrême. Je sens mes joues s’enflammer. Lui qui ne cesse de me reprocher mon “indécence” se montre à moi presque nu sans aucune pudeur ! J'inspire vivement et me retourne en m’écriant :

  • Pourquoi est-ce que vous êtes déshabillé ? ! Où sont vos manières, par Gaïa ?
  • Premièrement : j’ai toujours mes sous-vêtements, je vous signale, rétorque-t-il avec indignation, alors que je dois être la seule à l'être. Deuxièmement : je viens de me réveiller, et. . . Et en plus, vous êtes encore pieds nus !
  • Ce n'est pas pareil ! m’insurgé-je sans oser me tourner à nouveau vers lui. Je ne montre pas ma. . . ma poitrine à la première personne venue !
  • Vous n'êtes pas la première personne venue, réplique-t-il avec agacement. Vous êtes mon épouse et. . .

Je tressaille, abasourdie par ses paroles. J'ai du mal à en croire mes oreilles, mais le silence pesant qui s'installe ne laisse aucun doute sur ce qui vient de se dire. . . Il est heureusement rapidement brisé par la voix de Forlwey :

  • Vous pouvez vous retourner, maintenant. Je suis. . . présentable.

J’hésite pendant une seconde, puis, me rappelant qu’il n'est pas un menteur, je risque un discret coup d'œil dans sa direction. Il porte une chemise écarlate. Je me retourne avec un soupir de soulagement, même si mes joues continuent de me picoter.

  • Merci, lui dis-je. Ce sera plus facile de me concentrer.

Un sourire amusé étire ses lèvres :

  • Oh ? Parce que j'étais en train de vous déconcentrer ?

Mes joues s'enflamment à nouveau et mes mains se crispent sur les feuilles que je tiens. Son sourire s'élargit, tandis qu'il fait un pas dans ma direction, ses yeux rouges brillant de malice et d'une certaine. . . convoitise ? Encore plus déstabilisée, je brandis une fiche entre nous pour l'arrêter.

  • Savez-vous que vous dépensez plus de trois-cent-soixante mille inferis par an dans l’achat d’esclaves bon marché. . . alors que vous pourriez n’en dépensez que la moitié en achetant de l’équipement de qualité pour protéger vos ouvriers ?
  • Que. . . Comment ça ? lâche-t-il avec incrédulité.
  • J'ai fait les calculs, vous pouvez tout vérifier ! insisté-je en rapprochant la feuille de son visage pour qu'il puisse mieux voir. Vous achetez systématiquement trois-cents esclaves par mois pour la modique somme de cent inferis par servilis. . .
  • Nous n’avons pas d’argent sur Gaïa, alors j’ai dû demander à Laïus de m’expliquer comment fonctionnait l’économie du Royaume Submergé. . . mais j’ai fini par comprendre que cent inferis pour un esclave est une somme dérisoire. Certains esclaves valent des dizaines, voire des centaines de milliers d’inferis !
  • Et alors ? réplique-t-il avec impatience en m'arrachant violemment le document. Nous prenons toujours les esclaves les moins chers pour les mines ou les usines de traitements. Ce sont des travaux qui ne requièrent quasiment aucun savoir-faire, sans parler du taux de mortalité assez élevé. . . Pourquoi investir de l’argent dans des esclaves de qualité, s’il finissent systématiquement par mourir au bout d’un mois ?

Sa réponse est si prévisible que je ne peux retenir un sourire de triomphe :

  • C'est là tout le problème ! Regardez ça ! ajouté-je en lui montrant un autre papier. Les nouveaux esclaves que vous achetez sont tous faibles, parfois même souffrants ou très jeunes. . . mais surtout complètement inexpérimentés. Une fois aux mines ou aux usines, on leur assigne un poste et on les fouette s’ils font la moindre erreur. On les fait travailler toute la journée à une cadence infernale et dans des conditions déplorables, on les nourrit avec du sang coupé d’eau salée… Tout ça pour faire des économies ! Pas étonnant que la plupart des nouveaux esclaves meurent en quelques semaines. . . Les plus résistants apprennent à supporter la cadence, mais eux aussi finissent par mourir d’épuisement ou à cause d’accidents. Accidents qui, d’ailleurs, sont manifestement bien plus courants que je ne le pensais, si j’en crois tous les rapports que j’ai pu lire. . .
  • Où voulez-vous en venir ?
  • J’ai fait le calcul : actuellement, vous avez plus d’esclaves que vous n’en avez besoin pour faire tourner vos mines et vos usines, même en prenant en compte la dernière catastrophe. Je comprends que l’idée est d’avoir toujours une main d’œuvre aisément remplaçable à disposition. . .

J'inspire profondément, craignant que les mots que je m'apprête à prononcer ne le blessent ou ne le fassent entrer dans une rage incontrôlable, mais il faut que je lui fasse prendre conscience des résultats de mon travail, si je veux le convaincre de mieux traiter ses esclaves. Je soutiens donc son regard en poursuivant :

  • Mais c'est complètement idiot. Vous avez trop d’esclaves à chaque poste. . et la plupart ne sont même pas suffisamment expérimentés ou qualifiés pour y travailler ! Ajoutez à cela les conditions atroces dans lesquelles ils survivent tant bien mal jusqu’à ce qu’ils meurent d’épuisement ou de maltraitance. . . et vous vous rendrez très vite compte que vos mines et vos usines ne sont finalement que des abattoirs à esclaves. En résumé : vous êtes plus efficace à les tuer qu’à les faire travailler correctement.
  • Vous réalisez que ce domaine est géré de la même façon depuis presque trois-mille ans ? s’indigne-t-il. En insultant son fonctionnement, c’est mon grand-père et mon père que vous insultez. . .
  • Oh ! Loin de moi bien sûr l’idée de remettre en cause la. . . sagesse, des grands Comtes d’Abyssombre. . . m’excusé-je sans retenir mon ironie. Mais en l'occurrence oui, ajouté-je d'un ton plus sérieux, votre grand-père et votre père avaient tous les deux tort. Votre domaine est extrêmement riche et continue même à être incroyablement rentable malgré une gestion aussi déplorable. . . Toutefois, si on regarde bien vos comptes, on remarque que vos bénéfices s’amenuisent petit à petit depuis des siècles. Et ces dernières années, le rythme s’est encore accéléré.

Un long silence s'installe, durant lequel il semble réfléchir à mes déclarations. Il finit par croiser ses bras sur sa poitrine en avouant :

  • Vous avez piqué ma curiosité. Que proposez-vous pour remédier à cela ?

Je souris avec assurance. Tout se passe exactement comme prévu. Espérons que cela continue. Je me tourne vers le secrétaire pour m'emparer d'un long rouleau sur lequel j'ai soigneusement dessiné plusieurs schémas, que je lui montre avec fierté.

  • Oh, je vois ! s’exclame-t-il aussitôt en hochant la tête d'un air entendu. C'est très. . . astucieux.

Je hausse un sourcil, confuse, puis lui demande d'une voix perplexe :

  • Ce schéma représente l’évolution de vos pertes financières. Qu’y a-t-il d’astucieux là-dedans ?
  • . . . Le tracé est très fin.

Je l’observe avec étonnement. Je ne pensais pas qu'il serait du genre à s’émerveiller face à de tels détails. . . Je scrute attentivement ses traits. Il semble extrêmement sérieux, bien que je ressente une certaine gêne entre nous. . . Enfin, ça n'a pas d'importance. Je dois encore le convaincre de mettre en application mon programme. Je hausse donc les épaules et me reconcentre sur le rouleau pour pointer un graphique :

  • Voilà ce que je propose : une restructuration profonde de la gestion du domaine. Pour commencer, l'achat d'esclaves bon marché en bloc tous les mois, c'est terminé.
  • Mais notre main-d’oeuv. . .
  • . . . Ne sera pas impactée. Les recrues que vous achetez meurent généralement au bout de quelques semaines en travaillant dans vos mines ou vos usines. Du coup vous gardez votre argent. . . et eux restent en vie. Je pense personnellement que c’est un bon échange.
  • Dans ce cas, comment allons-nous garder notre rythme de production actuelle sans la nouvelle main-d’œuvre pour remplacer les esclaves défaillants ?
  • Tout simplement en renforçant votre main-d'œuvre actuelle, le rassuré-je en pointant le graphique suivant. Nous allons redistribuer les tâches pour que les esclaves aient un poste qui soit à la hauteur de leur capacité, et nous allons surtout faire en sorte que chacun ait les connaissances et les moyens de faire son travail correctement. Cela va passer par la formation des nouveaux esclaves par les plus expérimentés, histoire de s’assurer que le savoir est transmis autrement que par les coups de fouets des contremaîtres. . .

Je passe au troisième graphique :

  • Ensuite, nous allons investir dans la modernisation des équipements miniers et usiniers. J’ai vu de mes yeux les esclaves creuser les galeries avec des pioches et des pelles rouillées. . . sans parler des wagons de transports usés et des poutres de soutien à moitié pourries. Pas étonnant que les catastrophes soient courantes là-bas !
  • Cela n'a jamais empêché les mines de fonctionner, marmonne-t-il.
  • Je n'appellerai pas vraiment cela “fonctionner”. . . lui avoué-je avec scepticisme.

Je lui montre ensuite le quatrième graphique :

  • Enfin, nous allons modifier les méthodes de travail. D’après ce que m’a dit Laïus, ce sont les contremaîtres qui décident arbitrairement quand les esclaves terminent leur journées, et surtout qui peut aller se reposer. C’est aussi eux qui décident de la distribution des rations. . . et il semble qu’ils n’hésitent pas à en priver ceux qui ont eu le malheur de leur déplaire. Cela doit cesser.
  • Absurde, réplique-t-il. Comment voulez-vous que les esclaves obéissent si les contremaîtres n’ont pas le pouvoir de se faire respecter ?

Je fronce les sourcils. Voilà une chose que ne parvient pas à comprendre ce vampire : ce n'est pas par la violence et la cruauté qu'on se fait réellement respecter. Je n'ai jamais usé de telles méthodes et cela ne m'empêchait pas d'être respectée par toutes les autres fées et les animaux de mon île. Même ici, j'ai réussi à gagner le respect des serviteurs, de Jorenn et d’Élisabelle sans recourir à la menace. Il faudrait que je le fasse comprendre à Forlwey, mais ce n'est pas le moment. Nous verrons cela plus tard. Pour l’instant. . .

  • Oh, je suis certaine que si vos contremaîtres possèdent ne serait-ce qu’une once de votre cruauté, ils arriveront à se faire respecter sans problème. . . ironisé-je.
  • Je retiens le compliment, dit-il avec un sourire narquois.
  • Ce n'était pas un. . .

Je m'interromps. Je ne dois pas rentrer dans ses petits jeux. Je lui lance tout de même un regard agacé et poursuis :

  • Bref. . . Passons. Vos contremaîtres auront toujours leur pouvoir, seulement ils ne pourront plus s’en servir afin de maltraiter vos esclaves pour leur petit plaisir personnel. Ils useront donc uniquement de leur autorité afin de veiller au bon fonctionnement de vos propriétés. Pour ce faire, nous allons simplement établir un cadre de travail général : des heures de travail fixes avec des pauses pour les esclaves, des rations complètes à chaque repas. . .

Je me fige face à l'expression choquée du comte.

  • Qu’y a-t-il ?
  • Vous. . . Vous avez perdu la tête ? ! explose-t-il. Des pauses, des heures de travail fixes. . . Ce sont des esclaves, par Némésis ! Ils sont là pour obéir ! Vous ne voulez pas leur offrir un salaire, aussi ?
  • Aucun salaire ne serait suffisant pour travailler dans ces conditions, répliqué-je en levant le menton avec indignation. Mais si vous y tenez, ce serait un merveilleux geste de votr. . .
  • Hors de question d'implanter tout ça, me coupe-t-il strictement, faisant s'évanouir le sourire d'espoir qui se dessinait sur mon visage.

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