Point zéro

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Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai pas envie d’ouvrir les yeux.

La chaleur est presque insoutenable, j’ai un mal de crâne épouvantable, et ce sifflement dans mes oreilles… insupportable.

Je sens une lumière blanche, juste au-dessus de ma tête, qui me frappe le front. Malgré mes yeux fermés, elle tente inlassablement d’y pénétrer.

Je passe ma langue sur mes lèvres, elles sont salées et du sable pénètre dans ma bouche.

Je fais bouger légèrement mes mains, je sens aussi du sable, brulant, glisser entre mes doigts.

Je reste là, allongé. Ma tête me fait souffrir atrocement, je ne ressens rien sur le reste de mon corps.

Je sais pourquoi je ne veux pas ouvrir les yeux : parce qu'à ce momen-là, je vais me rappeler, et je sens que je n’en ai aucune envie.

Puis j'entends un grésillement…

Ce bruit là n’est pas dans ma tête, je crois que j’entends une radio crachoter, je n’en suis pas certain.

Les paupières toujours fermées, je tends mon bras vers la source du bruit, sur ma droite, et je sens une main.

Un nom me vient à l’esprit : Céline, ma femme ? Je n’en suis pas certain non plus. Je ne pense pas que ce soit elle à mes côtés, la main est trop rugueuse cela doit être celle d'un homme. Mais le souvenir de ce prénom et sentir cette présence à côté de moi me donne un peu de courage.

Je décide d’ouvrir les yeux.

Alors je vois cette main, c’est bien celle d’un homme. Mon regard se dirige vers le bras, les épaules, puis son visage, tourné vers moi :

Alex !

Je ne sais pas encore pourquoi je le connais, il est allongé sur le flanc, et je n’arrive pas à comprendre ce qui cloche.

J’essaie de me relever légèrement, une douleur fulgurante au niveau de ma hanche me cloue au sol. Avec la main droite, je tente de le secouer pour le réveiller,

— Alex !

Le corps d’Alex bascule sur le dos. J’ai du mal à appréhender ce que je vois, jusqu’à ce que mon cerveau admette enfin ce que mes yeux voulaient lui montrer : toute la partie gauche du corps d’Alex est carbonisée, il lui manque le bras et la jambe gauche. Les plaies béantes sont calcinées, il ne saigne même pas.

— Putain, PUTAIN ! c’est quoi ce merdier !

Je savais qu’il ne fallait pas que j’ouvre les yeux !

A nouveau j’entends le grésillement. Je porte mon regard au-delà du corps d’Alex et vois un talkie enfoncé à moitié dans le sable. Cette fois, je distingue une voix :

« Delta Fox Charlie, répondez, où êtes-vous ? »

Delta Fox Charlie….

Tout me revient soudain… dans un éclair :

Le Sahel, Le V.A.B.*, le retour de mission antiterroriste menée à la perfection, les rires d’Alex, mon coéquipier, qui conduit l’engin, puis l’éclair, l’explosion, les cris… puis plus rien.

Mon cerveau se remet à mouliner en mode combat. On a été touché par un tir de roquette, ils ne doivent pas être Loin, il me faut une arme. Où est le V.A.B. ?

Toujours allongé, je relève la tête vers le haut, au-dessus de la dune, il est là… Une fumée noire sort du capot du véhicule. Le pare-brise est explosé et la cabine de pilotage éventrée. On a été éjectés. Où se trouve le reste du convoi ?

Puis j’entends des tirs, des cris, des mots hurlés en arabe.

Il faut que j’attrape le talkie. Je rampe en passant sur le corps d’Alex, ma hanche me fait souffrir terriblement.

Au moment de saisir l’appareil, une ombre me cache le soleil. A nouveau je porte mon regard vers le haut de la dune et à côté du V.A.B. je vois un homme debout, vêtu d’une djellaba et d’un pantalon ample kaki, un chèche noir autour du visage me pointant avec une kalachnikov.

— "La yazal hunak wahid huna"

Une autre voix lui répond :

— "Aiqtalh"

L’homme remet son arme en bandoulière et descend la dune en glissant vers moi.

J’essaie désespérément de trouver une arme sur le corps inerte d’Alex, rien. L’homme est au-dessus de moi. Il me prend par les cheveux de sa main gauche et me soulève à moitié, je hurle de douleur.

Je vois juste le scintillement d’une lame qui brille au soleil, je vois Céline.

Mes yeux se sont refermés, ils ne s’ouvriront plus.

* Véhicule blindé de l’armée.

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