II

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Prostré dans le canapé, mon père hurlait, ivre, ces « aux chiottes Descartes » comme au début. Bière à la main, il beuglait dans le vide, pantalon gris et bide à l’air. Sa mauvaise humeur se sentait dans sa mauvaise haleine. Le vieux alternait soupir, vin et bière (le rouge avait perdu son monopole). Je le regardais, une fois ou deux, ou vingt, n'est pas coutume après tout, dégoûté. Tout de puant ! Tout de dégoulinant de la gueule de mon père m’anéantissait comme naguère ! Encore la répétition ! Toujours. Partir, loin ! « Je veux partir le plus loin possible ! » . Fuir mon village, fuir mon ombre ; fuir l’ombre du village, fuir l’un comme son contraire ; fuir mon père et ses humeurs ; fuir mon père et son mal être, fuir la tombe de Francky et de ma grand-mère (les souvenirs, le passé, l’héritage...) ; Fuir l'école et la sale méchanceté des élèves, fuir la bêtise de ces « petites gens » ( feu Harry et feu Claudine et malgré leur gentillesse) ; Fuir la satanée répétition, les dimanches, l’inertie, l’anomie, l’ennui, fuir cette condamnation… ! Simplement fuir la vie.

Vivre, ce n'est rien d’autre que faire l’expérience continue, douloureuse, de la seule dialectique qui compte et qui nous traverse :

La Pesanteur et l’Apesanteur

À présent – éternel présent – la vie se présentait en moi comme une croix trop lourde à porter, mal calibrée pour mes épaules et les « autres », comme la pierre d’achoppement. Sur eux, je trébuchais sans cesse. J'en avais peur. Je ne pouvais les enjamber sans aussitôt en payer les frais (l’ancre de la solitude m’entraînant toujours plus, me noyant au fond d’un puits, puits noir présumé pour les écrivains fin-de-siècle et à raison, sans fond ). Les « autres », ah les « autres » ! Comme le Pharmakon chez le Grec, qu’on loue pour ses vertus et qu’on maudit pour ses méfaits, les « autres » m’étaient néanmoins tout aussi indispensables qu’insupportables. Mais pourquoi ? Je ne savais et ne sais toujours pas. Il est des choses que je n’arrive toujours pas à m’expliquer encore à cette heure.

Je serrai les poings et l'idée, claire comme de l'eau de roche, ressurgit.

Toutefois, je pris, et ce, sous l’effet d’un décret que l'on pourrait qualifier de divin, la résolution d’écrire quelque chose avant ; quelque chose ayant eu lieu le dimanche dernier au centre de mon village.

Pour la première fois de mon existence, je sentis en moi un devoir prégnant d’écrire, je veux dire de donner du sens aux choses m’environnant, je le sentis dans ma chair que je devais écrire.

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