Chapitre 9 : Les choses ont changé
" Avoir connu l'amour partagé, un amour plein, fort, fécond et noble, avoir fait un chef d'oeuvre pour la quel homme après fortune pourrait se plaindre de la destinée et réclamer des dieux une autre vie ? Charles Dollfus "
Après cette nuit-là, cela avait été plus fort qu'eux... Ils avaient fait l'amour un peu partout où ils avaient pu dès qu'il n'y avait personne en vue. Ainsi Nobuyuki avait dévoré Kazuma trois fois sur le bureau de la bibliothèque alors qu'ils étaient en train de travailler et Kazuma l'avait pris à son tour, à deux reprises sur le canapé. Lors d'une balade dans le jardin, Kazuma avait chevauché Nobuyuki entre deux buissons, puis n'étant pas suffisamment repu, Nobuyuki l'avait poussé dans la cabane à outils avant d'y rester une bonne heure à s'enflammer l'un l'autre. Bref, la luxure battait son plein au sein de la maison Suzuki.
Ce qu'ils n'avaient pas imaginé, c'est qu'un beau matin, le majordome était arrivé en toute hâte dans la salle à manger et avait déposé une enveloppe entre les mains de son maître. Monsieur Suzuki ouvrit celle-ci en fronçant les sourcils. Il fut extrêmement choqué et désemparé, inquiétant les autres membres autour de la table. Il tendit fébrilement le contenu à son fils, qui après l'avoir lu, perdit tout contrôle et frappa à plusieurs reprises sur la table, faisant sursauter sa mère, son amant, et son père qui était en proie à de sombres pensées. Kazuma saisit la lettre et l'enveloppe que Nobuyuki venait de balancer avec fureur sur la table. Le contenu le choqua au plus haut point. On y voyait des photos de Nobuyuki et lui. La première, ils étaient sur un banc dans le jardin en train de s'étreindre. La deuxième était exactement comme la première, prise certainement au même moment, sauf qu'ils se donnaient un baiser très passionné... La troisième photos et certainement, la plus choquante de toutes, ils se trouvaient dans la douche de Nobuyuki et étaient en train de faire l'amour contre la paroi, le jeune Yakuza maintenait son amant par les cuisses, posées sur ses avant-bras et le danseur se tenait accroché à son cou. Ils échangeaient un baiser doux et leurs yeux plongés dans le regard de l'autre, étaient remplis d'amour. La lettre jointe, était tapée à l'ordinateur et stipulait que s'il n'y avait pas de démission de la famille Suzuki, tout serait dit aux clans ennemis et aux médias. Fébrilement, Kazuma replia la lettre et remis le tout dans l'enveloppe. L'envie de manger avait été remplacée par des nausées, il préféra se lever et quitter la pièce sans regarder derrière lui. Madame Suzuki voulu rattraper son petit protégé mais son mari l'en empêchant, la fit éclater en sanglots sans pouvoir se calmer. Le chef Yakuza donna des ordres discrets à son majordome. Trouver le coupable qui devait certainement être une taupe pour un clan adverse et surtout continuer les affaires normalement. Le majordome mit donc tout en œuvre pour retrouver rapidement le maître chanteur pendant que son chef s'enfermait dans son bureau dans le but de trouver une solution à tout ça. Il fut soutenu par sa femme qui ne quitta pas le bureau avant la nuit, forçant son mari à venir se coucher avec elle.
En parallèle, Nobuyuki avait rejoint son amour, se trouvant sous le saule qu'il affectionnait tant. Il était en position du lotus et paraissait méditer. Le jeune Yakuza fut agréablement surpris, car il n'avait jamais vu son amant en pleine méditation. Il le trouva encore plus magnifique que d'habitude. Il pouvait presque voir l'aura dorée et la lumière entourant son secrétaire, lui donnait une expression extrêmement sage et détendue. Sans faire de bruit, il s'approcha et s'installa à un mètre de Kazuma. Il se mit dans la même position et commença une méditation contemplative. Elle lui permettrait certainement de trouver plus facilement une solution à leur problème. Il n'avait su contrôler son élan de violence auparavant, surtout lorsqu'on s'attaquait à sa famille et son âme-soeur. Cependant, il avait vite changé en réalisant que c'était inutile de régler le problème avec ses poings. Ils restèrent ainsi toute la journée et la soirée. Lorsque l'air se rafraîchit, il sentit du mouvement à côté de lui et tournant la tête, il s'aperçut que son amant le regardait avec un sourire lumineux et rassurant. Ils avaient trouvé une solution et elle était d'une simplicité qui ferait couler de l'encre, des larmes et du sang dans les clans adverses. Mais ils s'en fichaient, le plus important étaient de préserver leur famille et leur amour. Ils prirent le chemin vers la demeure et après une bonne douche, sans manger pour ne pas déranger la maisonnée, ils se couchèrent dans les bras l'un de l'autre, dans une parfaite harmonie de paix et d'amour.
Le lendemain matin, après un petit déjeuner en tête à tête, ils furent convoqués dans le bureau du Yakuza. Cela tombait bien, étant donné qu'ils devaient lui faire part de leur décision. Ils n'eurent pas le temps de donner leur idée que le chef de famille déclara avec fermeté mais tendresse qu'il démissionnait. Assumant totalement la relation de son fils et son secrétaire, cela ne regardant qu'eux et en aucun cas, le clan et la famille devaient être divisés. Nobuyuki se permit tout de même de prendre la parole pour émettre l'idée qu'ils avaient eu la veille. Faire une conférence pour annoncer qu'ils quittaient le gang Suzuki et créer le-leur afin que Monsieur Suzuki n'ait plus de problème lié à son fils.
- Nobuyuki ! Il en est hors de question, tu m'entends ! hurla Eikichi en se redressant de son fauteuil. Je refuse que tu quittes ma succession pour quelque chose qui ne devrait pas être mal jugé au vingt-et-unième siècle !
Le fils hocha la tête, mais refusa que son père prenne sa retraite aussi tôt et surtout sous le coup du chantage.
- Ne t'en fais pas ! s'adoucit le yakuza. J'y réfléchissais depuis un moment, j'en avais parlé à ta mère, car nous avons, depuis un petit moment déjà, le projet de partir en voyage. L'arrivée de Kazuma est plutôt bien tombée, parce que nous savons que les affaires familiales sont entre de bonnes mains. Cette histoire de chantage m'a conforté dans le choix de te céder ma place ! Mon fils, je vais organiser la cérémonie rapidement et-
- Hors de question que ce garçon prenne ta place Eikichi ! cracha le grand-père Suzuki en faisant irruption dans le bureau.
- Mais Père ? Que faites-vous là ? s'étonna celui-ci.
- Je suis venu dès que j'ai appris la sombre affaire dans laquelle coule notre famille ! ragea-t-il. Je refuse que ce...sodomite prenne ta place, il n'en est pas digne !
- Cet homosexuel comme vous le dites si bien Père, c'est votre petit-fils, que vous êtes sensé soutenir et aimer de tout votre cœur ! gronda le chef. Nous le soutiendrons quoi qu'il arrive, avec ou sans votre accord ! Mais ! s'exclama Eikichi en écarquillant les yeux. Comment se fait-il que vous soyez déjà au courant ? Le courrier ne nous ait parvenu qu'hier seulement !
- Moi aussi ! Alors je te prierai de faire déguerpir ce garçon que je ne considère dorénavant plus comme un membre de ma famille. Et change de secrétaire, histoire de ne pas te salir un peu plus !
- Maintenant ça suffit ! hurlèrent de concert Nobuyuki et son père.
- On a assez entendu vos idioties Grand-père, continua Nobuyuki en coupant son père. J'ai été suffisamment patient pour subir votre éducation qui est pire que celle qu'on voit en prison ou à l'armée, donc maintenant vous allez ouvrir vos oreilles et écouter ce que l'on a à vous dire. Les choses ont évolué bien difficilement malheureusement néanmoins, si maintenant il n'est pas possible d'aimer en toute liberté une personne, alors à quoi cela sert de continuer à vivre ! Alfred Tennyson a dit ' Mieux vaut avoir aimé et perdu ce qu'on aime que de n'avoir jamais connu l'amour ' et vu le discours que vous avez tenu à mon père et à moi une grande partie de notre vie, il semblerait que cet amour, vous ne l'ayez jamais connu. Alors cessez de cracher votre frustration sur nous et fichez-nous la paix. Nous avons assez de problèmes à régler comme ça, sans que vous n'ayez toujours à fourrer le nez dans les affaires familiales. Vous êtes à la retraite Grand-père, il serait temps de lâcher prise et de faire confiance à mon père. Je ne vous demande pas de m'accepter, mais laissez au moins votre fils vivre sa vie comme il l'entend... finit-il des sanglots dans la voix.
- Je ne te considère plus comme quelqu'un Nobuyuki, sache-le... Tout ça c'est à cause de ta m-
- Sortez d'ici ! hurla Eikichi qui sortit de ses gongs encore une fois. Si c'est pour vous entendre encore dénigrer mon fis et maintenant ma femme, vous n'avez plus rien à faire ici Père. Ce n'est plus votre maison et sauf votre respect... Vous n'êtes plus le bienvenu parmi nous !
- Vous l'aurez voulu ! maugréa-t-il en s'avançant vers la porte, mais sachez que si l'affaire tourne mal, je ne viendrai en aucun cas vous aider ! s'exclama-t-il en quittant le bureau.
La porte claqua et un silence pesant se fit. Nobuyuki s'effondra sur le sol en pleurant, rejoint par sa mère, qui elle, sauta dans les bras de son mari, toujours interdit, debout, devant son bureau.
- Mon amour... balbutia-t-elle, vous venez de m'offrir un des plus beaux cadeaux qu'il m'était espéré d'avoir, après notre fils...
- Quel est-il mon ange ? demanda le Yakuza le regard toujours fixé sur la porte attendant que celle-ci se rouvre, sur son père armé, qui les abattrait tous à la mitraillette.
- Amour ? s'enquit sa femme. Tu m'écoutes ?
- Oh pardon, j'étais en train d'imaginer mon père rentrer dans le bureau et nous dézinguer. Que dis-tu ? sourit-il.
- Je disais que mon plus beau cadeau avait été de te voir confiant devant ton père, et nous défendre bec et ongles malgré que tout le monde soit au courant de la sexualité de ton fils ! s'exclama-t-elle en resserrant son étreinte.
Ils furent coupés par Kazuma qui s'inquiétait de l'état de son amant.
- Je pleurs parce que c'est le contre-coup... Ne t'en fais pas... le rassura-t-il en séchant ses larmes. J'ai tellement flippé devant mon grand-père que je ne savais même plus si ça valait vraiment le coup que je me rebelle, mais après réflexion j'ai bien fait de ne pas me dégonfler, sinon je n'aurais pas été crédible un seul instant ! rit-il.
- Tu as été parfait, je suis fier de toi et tu mérites ce siège ! concéda Kazuma en lui donnant un baiser sur le front.
- Je suis de son avis Nobuyuki, intervint Monsieur Suzuki un tendre sourire lui barrant le visage. Tu mérites cette place plus que n'importe qui, alors je te le demande de nouveau... Veux-tu être mon successeur quand nous aurons retrouvé la taupe ?
- Oui Père, merci beaucoup, je le souhaite de tout cœur ! s'exclama-t-il, des larmes de joie perlant au coin des yeux.
Madame Suzuki fit appeler le majordome et lui demanda de préparer un petit festin pour célébrer la nouvelle. Celui-ci félicita son nouveau chef et lui fit serment, comme à son père, d'une fidélité sans équivoque.
Alors que tout le monde était couché, le vieux majordome détourna, secrètement, les lignes téléphoniques et portables de toute la maison, vers sa chambre, pour espionner les messages et appels. Un des nouveaux jardiniers passa un appel tardif. Le langage codé qu'il employa ne fut aucunement difficile à décrypter et il le prit la main dans le sac. Le majordome se pressa de réveiller Akito et les autres hommes de main afin d'enfermer le coupable à la cave. Les hommes de Suzuki le torturèrent toute la nuit, jusqu'au lendemain midi afin de connaître son clan. Il avoua enfin, entre deux respirations difficiles, qu'il était un fidèle de Yamamoto et qu'il voulait venger son chef de Nobuyuki. Akito n'attendit même pas la tombée de la nuit. Après avoir prévenu son patron de l'identité du coupable, il poussa l'homme dans sa voiture, accompagné de deux confrères, il amena le traître à la mort. Celui-ci finit pendu à Aokigahara.
La famille Suzuki prépara la cérémonie de succession avec une étrange émotion. Un mélange de peur et de joie. Ils avaient décidé que le plus important pour eux, était de rester liés quoi qu'il arrive. Une semaine passa sous les harcèlements téléphoniques des chefs ennemis et quelques médias qui voulaient confirmer la véracité de cette rumeur. C'est en soupirant que Monsieur Suzuki ne démentit pas. S'attirant les moqueries de beaucoup, la pitié de certains et la compréhension de peu d'entre eux.
Suite à ça, beaucoup d'hommes avaient démissionné, cela ne découragea pas pour autant le futur chef du clan Suzuki qui eut du baume au cœur lorsque d'autres arrivèrent en lui promettant fidélité.
Le grand-père Suzuki envoya une lettre de son avocat et de son notaire, stipulant que le père et le fils étaient déshérités, ce qui eut bon de les faire rire car ils s'en lavaient bien les mains !
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