Chapitre 4

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 Sur le chemin du retour, dans la voiture, personne ne parle. Elle est enceinte. Comment ? Suis-je le père de cet enfant ? Nous nous connaissons depuis longtemps mais je ne sais pas si je suis réellement près à devenir père. L’idée ne m’avait jamais traversé l’esprit depuis la disparition de Maria mais je ne sais pas. Je ne suis pas sûr de vouloir un bébé dans les pattes, je dois accomplir ma vengeance à tout prix et récupérer la femme que j’aime. Nous devrons en discuter, la connaissant, elle ne voudra probablement pas d’enfant. Tout chez elle laisse à penser qu’elle veut monter les échelons du succès et je pense qu’elle le verrait comme un obstacle. Moi aussi. En y réfléchissant bien, il m’empêcherait juste de me concentrer pleinement sur mon objectif, et puis, avec un peu de chance, il ne sera pas de moi.

 Je me concentre sur la route et tente d’oublier un peu les questions qui n’arrêtent pas de me trotter en tête jusqu’à ce que nous arrivions au manoir. Après avoir coupé le contact, je me tourne vers Tricia et découvre, à ma plus grande surprise, une toute autre femme. Son regard est plongé dans le vide, elle semble plongée dans ses pensées… Et pour une raison que j’ignore, ça me rend nerveux.

- Qui est le père ?

 Elle ne semble pas vraiment entendre ma question alors je la répète plus fort cette fois.

- Tricia, qui est le père de cet enfant ?

 Elle cligne plusieurs fois des yeux et me dévisage en fronçant les sourcils, comme si ma question lui semblait totalement absurde. Puis son regard se voile, elle semble blessée.

- Pourquoi me poses-tu cette question ?

 Cette fois c’est moi qui la regarde, totalement abasourdi. Je veux bien comprendre que ma question peut se montrer intrusive mais je dois savoir si ce bébé est le mien ou non.

- Il est de moi ?

 Son froncement de sourcil s’accentue et son regard outré me rend perplexe, d’accord, la question la dérange complètement, ou je suis totalement à côté de la plaque.

- De qui d’autre veux-tu qu’il soit ? Cela fait des années que je travaille pour toi, que je passe le plus clair de mon temps ici et les seuls moments où je rentre enfin chez moi, c’est pour faire des recherches, pour toi. Alors, excuse-moi mais je n’ai pas vraiment eu le temps ni la patience d’aller draguer des hommes tous les soirs.

 Sa révélation me laisse sans voix, je ne sais plus quoi penser, ni quoi faire. Ce bébé est le mien, mais comment ? Elle m’avait assuré que nous ne prenions aucun risque et qu’avec nos rapports non protégés nous ne risquions rien ? M’aurait-elle menti ? Je serre les dents, imaginant les pires scénarios possibles parmi lesquels elle m’aurait manipulé pour mon argent. Je ne la pensais pas comme ça, Tricia est une femme d’affaires, elle n’a pas besoin de moi pour se faire de l’argent, alors pourquoi ?

- Comment ?

- Tu veux vraiment que je t’explique comment faire un enfant ?

 Je secoue la tête, son ton sarcastique m’agace.

- Tu m’avais assurée que nous ne risquions rien, alors comment expliques-tu cette chose ?

- Et bien figures-toi que je suis toute aussi étonnée que toi ! La magie que j’utilise n’est pas sans conséquences et j’étais censé être stérile !

 La magie l’empêcherait donc d’avoir des enfants ? Visiblement, cette histoire n’est qu’une légende. Je suis furieux. Je ne veux pas d’enfants. Pas avant d’avoir récupéré ma femme. Je la trahie déjà un peu plus à chaque fois que je passe du temps avec Tricia, alors un bébé… Elle serait probablement déçue… Comment pourrait-elle me regarder et m’aimer après tout cela alors qu’elle souffre probablement depuis cinq ans maintenant. Je quitte rapidement la voiture en direction du manoir un claquant la porte. Je ne peux pas être père, c’est impossible. Les pensées se bousculent dans ma tête et je ne pense plus à rien d’autre. Trois jours d’inquiétudes pour apprendre que sans cet enfant, nous n’aurions pas eu autant de problème ce soir-là.

 Je me dirige vers le bar et me sers un verre de whisky avant d’y verser quelques petites gouttes de potion. J’avale le contenu de mon verre cul sec et me ressert sans réfléchir, augmentant par la même occasion la quantité de gouttes dans mon verre. Tricia entre à ce moment, le regard vide, avant de froncer les sourcils en fixant la fiole dans ma main. Une main sur son ventre, elle s’approche de moi et me la prend des mains. Que fait-elle ? Elle apporte le goulot à son nez et écarquille les yeux. Son regard se fige sur moi avec une expression horrifiée alors que je tente de lui arracher des mains.

- Rends-moi ça !

 Elle secoue la tête et recule, je contourne le bar alors qu’elle continue à mettre de la distance entre nous. Son regard est froid, glacial même. Mais pas autant que le mien. C’est un cadeau de ma femme, elle ne peut pas me le prendre de cette façon.

- Tu sais ce que c’est ?

 Je fronce les sourcils et lui arrache des mains. Pour qui se prend-elle ? Je fais demi-tour et retourne à mon verre avant d’y rajouter une goutte en la fixant, un rictus suffisant sur les lèvres. Je rebouche la fiole et la fourre dans ma poche alors qu’elle me fusille du regard.

- Depuis combien de temps utilises-tu ça ?

 Je hausse les épaules, je connais très bien la date mais je n’ai pas envie de la lui confier. Ça ne la regarde pas.

- Six ou sept ans, maximum.

 Elle écarquille les yeux avant de passer une main dans ses cheveux. Elle semble à la fois stressée et énervée, nerveuse, je ne sais pas vraiment et je m’en fiche. Je veux juste qu’elle me lâche, qu’elle me laisse boire et qu’elle parte. Je fixe son ventre et serre ma mâchoire, elle remarque mon regard haineux et fait barrière de ses mains, comme pour protéger cette chose qui pousse dans son ventre.

- Tu sais ce que c’est, cette merde ? C’est du poison. L’homme qui a créé cette solution est malsain, il s’amuse du malheur des gens. Pour un loup-garou, à petite dose et vraiment occasionnellement, ce n’est pas trop méchant, mais pour un humain, c’est mortel.

 Je la fixe, abasourdit, cette chose ne peut pas me faire de mal, c’est impossible.

- C’était un cadeau…

 Elle me dévisage.

-Tu es vraiment en train de me dire qu'on t'a offert ça en cadeau ? Qui fait ce genre de cadeau en sachant que ça coûte presque plus cher que ton canapé ? Tu es con ou tu le fais exprès ? C’est un composé d’Aconitum napellus.

-C’est à dire ?

-C’est une plante extrêmement toxique, c’est une neurotoxine. Elle agit sur le système nerveux, c’est très nocif.

 Je me concentre un peu plus et réagis enfin. Si cette substance est vraiment nocive, cela veut dire que quelqu’un cherche à me nuire et ce quelqu’un ça ne être quelqu’un d’autre que cet enfoiré de Rosveltz. Cela voudrait dire qu’il a manipulé ma femme en lui faisant acheter ce présent avant de me l’enlever. Je vais le tuer. Je le ferais agoniser dans son propre sang. Je veux le voir pleurer, je veux le voir me supplier de l’achever et lui faire ressentir toute la douleur qu’il nous a infligé à ma femme et moi en nous séparant l’un de l’autre.

 Je me rappelle encore le jour où elle me l’a offerte, le jour de mon anniversaire. Elle était arrivée, le sourire aux lèvres, un gâteau au chocolat dans les mains où trônaient fièrement quelques bougies, en entonnant les premières notes de Joyeux Anniversaire avec sa douce voix. Elle avait déposé la pâtisserie devant moi avant de m’inciter à faire un vœu, toute enjouée. Je me souviens avoir fermé les yeux et mon loup trépignait d’impatience, nous savions déjà ce que nous voulions ; elle et son sourire étincelant jusqu’à la fin des temps. J’avais soufflé mes bougies avant qu’elle ne me tende fièrement son cadeau, entouré d’un papier plein de couleurs. Je l’avais saisi avec la même joie qu’un enfant et avait déchiré avec la joie et l’enthousiasme d’un enfant le paquet. Une boite rectangulaire noire mat n’apparaisse devant moi.

- Attention, c’est fragile !

 Je lui avais souri avant de retirer le couvercle avec précaution et de découvrir une magnifique bouteille en cristal sertie d’argent et remplie d’un liquide translucide. Elle est magnifique. Elle était accompagnée d’une petite fiole assortie, et les odeurs qui se dégageaient de la bouteille une fois ouverte étaient délicieuses…

- C’est un nouveau cocktail de différentes plantes, tu places seulement deux à trois gouttes maximum dans ton verre d’alcool et son effet est presqu’immédiat. J’ai réussie à te l’avoir en exclusivité ! C’est le nouveau Chrysó Dilitírio !

 Je l’avais remercié, reconnaissant qu’elle se soit donnée autant de mal, même si je n’avais jusqu’à présent jamais entendu parler de cette boisson.

 Elle était belle ce soir-là, encore plus que d’habitude ; sa belle robe moulait son corps à la perfection et ses escarpins allongeaient ses jambes de façon délicieuse. Je m’étais rapproché d’elle avant de la prendre dans mes bras avec amour…

 Savoir que son cadeau m’est maintenant mortel me pince douloureusement le cœur. C’était une des dernières choses qui me raccrochaient à elle et penser à m’en séparer me fait mal, je veux la garder, je ne peux pas la laisser…

- Goran, je ne sais pas ce que tu comptes en faire, mais tu ne peux pas continuer à la consommer. Je ne sais pas combien tu y es attaché mais, je compte garder cet enfant et j’espère pouvoir compter sur toi, pour lui au moins… Qu’il puisse grandir avec un père…

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