Chapitre 5
Tricia est partie depuis quelques heures maintenant et des milliers de questions n’arrêtent pas de me tourner en tête. Elle veut garder l’enfant. Très bien, qu’elle le garde. En revanche, je ne suis vraiment pas sûr de vouloir en assumer les responsabilités, pour l’instant, venger ma femme est ma priorité et rien d’autre. Je fais les cent pas dans le salon avant de me rendre au bureau, en ouvrant mon ordinateur, je me rends compte que mes suppléants m’ont laissés une bonne quantité d’email d’affaires à régler. Je leur fais confiance pour régler tout ce qui concerne la gestion et la logistique de la meute. C’est comme une grande entreprise qu’il faut faire tourner. Même si chaque foyer est indépendant financièrement, il ne nous reste pas moins d’affaires à régler. Et je sais que je peux compter sur eux pour gérer ça. Pour le moment, je dois m’occuper de renouer les liens avec mes alliés et de les consolider. Si nous devons partir en guerre, il me faudra un maximum de soldat sur le coup. Kurtis possède beaucoup plus d’hommes que moi et sa meute est bien plus puissante, je dois donc faire en sorte que nous soyons à égalité, mais pour cela, il me faut des combattants ainsi que des hommes pour veiller sur l’arrière.
Chers alliés,
Je me permets de m’adresser à vous aujourd’hui car la situation est grave. Comme vous le savez sans doute, il y a maintenant cinq ans de cela, ma femme m’a été enlevée par notre ennemi commun, Kurtis Rosveltz, et aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de vous.
Une humiliation telle que celle qui m’a été infligée nous a tous touchés, de près ou de loin, et il est en mon devoir de récupérer ma femme et de lui rendre toutes ces années de souffrances. Les hommes de Rosveltz sont puissants et nombreux, nous le savons tous, c’est donc pour cela que je fais appel à vous mes amis pour que vous vous joignez à moi et me fassiez l’honneur d’être présent à mes côtés pour récupérer ce qui m’appartient de droit.
Nous avons dès à présent moins d’un an pour accomplir cette vengeance et j’espère pouvoir compter sur votre soutient aussi minime soit-il. Chaque personne est importante, autant de soldats que d’infirmiers seraient les bienvenus dans notre bataille contre l’ennemi. Les volontaires seront bien entendus, également, accueillis avec joie.
Je compte sur votre réponse et à la moindre question, n’hésitez pas à me contacter, nous pourrons nous voir par la suite pour de réels échanges en face à face.
Cordialement,
Goran Van Sacksen.
Après avoir fait la liste de chacun d’eux, je leur envois le mail et me plonge dans les nombreux messages reçus, près pour une journée particulièrement intense de travail.
***
Quinze jours. Quinze jours que le sort a été effectué et je n’en ressens toujours aucun effet. La frustration grandit un peu plus de jours en jours et je suis sur le point d’appeler Tricia pour une petite discussion. Nous ne nous sommes pas revus depuis la fameuse annonce et je ne sais pas comment me comporter avec elle. Nous devions rester professionnel et plan cul uniquement, sa soi-disant infertilité avortée me frustre d’autant plus que je sais qu’elle veut garder l’enfant et qu’elle ne pourra plus réaliser aucun sort avec cette chose dans son ventre. Nous devons donc clairement discuter, et calmement. J’attrape donc mon téléphone et compose l’appelle. Sans réponse. Je réessaie et tombe une nouvelle fois sur sa messagerie. Ce n’est pas normal, à cette heure si elle est toujours éveillée et répond rapidement au téléphone. Elle doit être occupée, je ne sais pas, je rappellerais plus tard.
Une heure après, personne ne répond non plus et un mauvais pressentiment me tord le ventre. Il y a un problème, elle m’a clairement dit qu’elle voulait que je fasse parti de la vie du bébé donc elle n’aurait aucune raison de m’ignorer de cette façon, même après nos plus grosse disputes ces dernières années, elle est toujours restée disponible quand je l’appelais et nous discutions avant de nous réconcilier au lit comme nous le faisions à chaque fois. Mais jamais elle ne m’a laissée sans réponse après un appel. Jamais. Inquiet, je prends mes clé de voiture sans prendre le temps d’enfiler un manteau et file jusqu’à son appartement. La route me paraît interminable et plus je m’approche de chez elle et plus l’angoisse me monte, je ne comprends pas, pourquoi me prendre autant la tête ? Elle ne veut peut-être juste pas me parler, je l’ai envoyé baladé et ne lui ai donné aucune nouvelle depuis, elle aurait tous les droits de ne pas vouloir m’adresser la parole ; alors pourquoi cette inquiétude ? Pourquoi ce mauvais pressentiment refuse de quitter mon esprit ? Je l’ignore ; mais quand j’arrive enfin devant sa porte, mes mains tremblent quand je découvre qu’elle n’est pas fermée à clé. Ce n’est pas normal, je me souviens d’une de nos discussions pendant laquelle elle m’avait avoué être particulièrement paranoïaque et qu’elle fermait à chaque fois sa porte à double tour.
J’entre sur mes gardes mais la lumière est éteinte, bon… J’allume et regarde autour de moi, rien. Je l’appelle et entend du bruit vers le couloir. Je m’approche et la voit sortir de sa chambre, un sweat large sur les épaules, son teint pâle me fait froncer les sourcils. Elle sursaute en m’apercevant et recule, surprise.
- Que fais-tu là ?
Sa voix rauque me surprend et pour la première fois depuis cinq ans, je la découvre au naturel, sans maquillage ni vêtements sur-mesure et c’est assez bizarre, je ne sais pas. Elle paraît plus humaine, plus chaleureuse, moins manipulatrice.
- Tu ne répondais pas à mes appels alors je suis venu voir si tout allait bien.
Elle acquiesce et croise ses bras sur son ventre avant de baissé la tête.
- Tu n’aurais pas dû te déplacer, je suis juste un peu malade. Mon téléphone est éteint, j’avais trop mal à la tête, je t’aurais rappelé dans la soirée.
C’est à mon tour d’hocher la tête, elle a raison, j’ai sur réagi, je n’aurais pas dû venir chez elle de cette façon ; mais son visage si pâle et ses cernes noires m’empêchent de faire demi-tour et de la laisser seule. Merde, après tout, si elle est dans cet état c’est en parti à cause de moi, je ne peux pas la laisser comme ça.
Avant même que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, son visage se déforme et elle se précipite un peu plus loin dans la maison. Je la suis et l’entend vomir, alors j’accélère et dégage ses cheveux de son visage. Je m’accroupi à ses côtés et passe une main dans son dos pour tenter de l’apaiser. Quand elle finit par refermer la cuvette des toilettes, elle croise ses mains dessus avant d’y déposer sa tête en soufflant, alors je me lève et pars lui chercher un verre d’eau dans la cuisine avant de revenir à ses côtés. Elle est toujours dans la même position que tout à l’heure, je m’approche et lui tend le verre. Quand elle se relève, elle grimace et ses yeux rouges me pincent le cœur. Elle me remercie et le bois d’une traite avant de qu’elle ne se sente partir en arrière. Je la retiens et me place derrière elle pour l’empêcher de tomber. Elle s’appuie contre mon torse et ferme les yeux en soupirant, elle semble épuisée. Je pose une main sur son fort et découvre qu’elle est particulièrement chaude. Elle tousse et tente de se relever en tenant son ventre. Je l’aide et pose une main sur son ventre sans vraiment m’en apercevoir, elle s’arrête et fixe nos mains avant de me regarder dans les yeux, ce que j’y lis me terrifie, son regard est vide, sans émotions particulières. Elle semble complètement perdue.
- Tu dois voir quelqu’un, tu ne peux pas rester dans cet état.
- Non…
Elle secoue la tête frénétiquement et s’éloigne de moi au fur et à mesure que je m’approche.
- Tricia, tu es malade, tu dois voir un médecin.
- Non, non, non…
Sa voix se brise et elle explose en sanglots. Qu’est-ce qu’il se passe ? Je m’approche plus rapidement et la prend dans mes bras. Je ne sais pas quoi faire mais la voir comme ça m’inquiète. Pourquoi réagir de cette façon ?
- Qu’est qu’il y a ?
Elle s’accroche à mon tee-shirt et se blottie contre mon torse.
- Ils vont me l’enlever, ils vont me prendre mon bébé.
Je fronce les sourcils et attrape ses épaules pour la faire reculer, elle n’a aucune raison de croire qu’on va lui prendre l’enfant.
- Tricia, ils ne s’en prendront pas au bébé, il est en sécurité. Mais il faut que tu te soignes, sinon il pourrait vraiment être en danger.
Elle secoue la tête et essuie ses larmes, j’attrape son visage entre mes mains pour l’immobiliser et lui parle calmement. Elle n’a aucune raison d’agir comme ça, même si je ne veux pas de cet enfant, je comprends très bien que Tricia l’aime déjà plus que tout et que l’avortement n’est absolument pas une situation envisageable. Je soupire et pose mon front contre le sien pour la calmer, ce qui semble fonctionner.
- Le bébé ne risque rien, je te le promets. Mais tu dois voir un médecin, il faut que tu te soignes, et on en profitera pour demander comment va le bébé, d’accord ? Ils ont tous le matériel qu’il faut à l’hôpital, tout se passera bien.
Elle acquiesce en silence et par dans sa chambre enfiler quelques vêtements propres avant que nous partions en direction de l’hôpital.
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