Je marchais seule, tard dans la nuit, au bord de l’eau. Le vent piquant jouait avec mes cheveux. J’avais les pieds nus, et le sable froid s’immisçait entre mes orteils, me faisant frissonner. Le monde semblait suspendu, chaque instant s’étirait lentement. Le soleil venait de disparaître derrière la ligne d’horizon. Le ciel se teintait de mauve et de cuivre, les vagues chantaient doucement. Je ne m’attendais à rien d'autre que de marcher, de respirer, d'oublier un peu.
Soudain, je la vis.
C’était une silhouette féminine, assise sur un rocher, là où les vagues venaient mourir. Drapée d’un voile de lumière, sa peau paraissait faite de nacre et d’ombre. Ses cheveux flottaient autour d'elle comme des filaments d'argent, et ses yeux... Ses yeux laissaient entrevoir les siècles. 
La Lune. Non suspendue au-dessus de moi, mais incarnée. Présente. Réelle. Elle me regardait sans surprise, comme si elle m’avait attendue depuis toujours.
Tu es venue.
Je ne savais pas que j'avais ce pouvoir.
Tu l'as toujours eu. Tu avais juste oublié comment.
Je m’approchai, le cœur battant, les pieds engourdis par le froid. Elle ne bougeait pas, mais tout en elle semblait vivant. Elle respirait avec les marées, chaque mouvement de l'eau reflétait sa présence.
Pourquoi es-tu là ?
Parce que tu m’as appelée. Pas avec des mots, mais avec ton silence.
Je m’assis près d’elle. Le vent se calma. Le monde devint flou autour de nous. Il n’y avait plus que sa voix, douce comme une brise d’été.
Est-ce que tu me vois, quand je doute ? Quand je me perds ? Quand je pleure ?
Je te vois toujours. Même quand tu te caches. Je suis la mémoire de tes nuits.
Est-ce que je vais guérir ?
Tu es déjà en train de guérir. Chaque pas que tu fais vers toi-même est une cicatrice qui se referme.
Je fermai les yeux. Une larme glissa, sans douleur. Elle tendit la main, effleura ma joue.
Tu es faite de lumière, même quand tu ne brilles pas.
Puis elle se leva, légère, presque transparente. Elle retourna dans l’eau, s’y fondit, s’y dissout. Et dans le ciel, la Lune reprit sa place, paisible, éternelle.
Je restai là, seule, perdue dans mes pensées, encore indécise et en souffrance, mais avec une lueur d'espoir née de cette rencontre. Un jour, je savais que j’irais mieux.
Sayari