Chapitre 28

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HIVER

Un jour froid et sans lumière, Agathe balance des boules de neige qu’elle récupère à un mains nues sur le sol, contre un mur abandonné ou se superposent plusieurs tags dégoulinants. Le Soleil lui manque.
 Nous sommes le Trois Janvier, il fait froid. Agathe suit un rythme régulier dans ses études, effectuant les taches les plus pénibles dès le matin et vacant à ses occupations l’après-midi. Elle se lève dès Sept Heure tous les matins et ne prend aucun jour de repos. Sans doute devrait-elle, mais ça lui permet de prendre de l’avance sur son programme, et puis, travailler ne lui fait pas penser à Mercure.
 Ici, il n’y a jamais personne, c’est un terrain vague sur lequel se déroulaient des travaux il y a plusieurs années. Agathe ne se souvient pas du projet, tous les panneaux ont été retiré, et elle ne sait pas non plus pourquoi il n’a pas aboutit. Maintenant il reste seulement ces quelques murs encore debout et qui passent leur temps à se faire vandaliser. Ce ne sont pas des personnes de Dryade, une bande d’idiots, la même en général, qui vient taguer et fumer. Avec le froid, Agathe sait qu’elle sera seule, que personne d’autre ne sera assez courageux pour venir la chasser.
 Finalement, après une si mauvaise idée et les mains rouges et brûlées par le froid, Agathe cesse de brasser la neige. L’humidité qu’elle a jeté sur le mur est déjà en train de glacer la façade, les dessins se dissipent en dessous, on ne les voit presque plus. Vers le ciel elle expire une petite fumée transparente, son nez est rouge et ses lèvres virent au violet, il est temps de rentrer.
 Cet ennuie quasiment mortel ne ressemble pas vraiment à la jeune femme. Son père est partit travailler à l’atelier, malgré le froid, alors Agathe se retrouve toute seule à la maison. Il parlait d’installer une entrée vitrée l’année dernière, pour pouvoir protéger son atelier qui se trouve constamment à l’air libre. L’incendie à du lui prendre trop de temps pour concrétiser ses travaux. Elle espère qu’il n’a pas trop froid. Agathe traîne, elle marche lentement et observe minutieusement chacun de ses pas. Le même chemin, par cœur, depuis toujours. Elle connaît n’importe laquelle des imperfections sur le sentier. Sur le gros nid de poule qui est las-bas, Agathe sautait dedans quand il était plein d’eau après les fortes pluie. Elle avait d’épaisses bottes de pluie bleues qui lui permettaient d’aller affronter n’importe quelle variation de terrain.
 Le gros rocher sur la droite, près des piquets et de la petite chaînette qui sépare la route du parc, Agathe grimpait dessus et sautait depuis le haut. Heureusement, avec ses bottes de pluie, elle ne sentait même pas l’impact du sol. Elle était invincible.
 Agathe se rapproche timidement de la chaînette saupoudrée de neige , elle se retourne, puis s’assoit prudemment dessus. Ses pieds ne décollent plus du sol, c’est normal, et elle touche sans problème les deux piquets de par et d’autre.

« Fais bien attention à ne pas tomber. » Disait Maman.

Agathe sent sa respiration bégayer sur deux mesures, elle revoit Maman lui tenir la main pendant qu’elle balançait ses jambes de haut en bas. Ça ne durait pas très longtemps, quelques minutes à chaque fois qu’elles rentraient du parc. Suffisamment pour faire sourire petite Agathe, et Maman n’oubliait jamais de s’arrêter.
 Les doigts de la jeune femme se faufilent sous son écharpe pour jouer avec le pendentif quelle porte autour du coup. Elle ne le porte pas souvent.

Et essentiellement en Hiver.

***

En rentrant à la maison, seule, Agathe pose son manteau sur le dossier de la chaise qui lui est réservée à table. Elle sait qu’elle devrait plutôt aller le ranger dans sa chambre, mais son père ne rentre que dans deux ou trois heures, elle aura le temps de ranger. C’est marrant, ça ne lui ressemble pas.
 Ensuite, Agathe déambule dans le couloir vers sa chambre tout en se frottant les doigts, le chemin qu’elle suit n’est pas linéaire. Elle réfléchit à ce qu’elle pourrait faire du reste de son après-midi, rien de lui vient et ne lui fait envie. Elle pourrait dessiner un peu, préparer le repas de ce soir pour faire plaisir à son père, se replonger dans ses études. Elle n’en a pas envie.
Voilà que Agathe fait deux pas de plus que sa chambre, encore, et encore. Elle se retrouve devant la porte où est accroché le dessin d’une petite fleur jaune. Cette porte n’a pas été poussée depuis la semaine dernière. C’est ce rythme là environ, une fois par semaine, le soir le plus souvent, avant d’aller dormir.
 Avant, quand la petite fille poussait cette porte, il y avait Maman qui rangeait des centaines de livres, dans la lumière, même si c’était l’hiver. Dans des meubles en bois gigantesques et aucun ne se ressemblaient, pourtant c’était joli et équilibré. Agathe aimait les étagères qui se trouvaient à son niveau parce qu’il y avait ses livres sur les animaux, les plantes, et ces quelques ouvrages sur l’histoire. Maman en avait également beaucoup, et elle rangeait tous ces livres historiques qui traitaient de la guerre sur les étagères qui étaient tout en haut. Elle avait même une petite échelle pour atteindre le haut, et Agathe n’avait pas le droit de grimper dessus, Maman disait que c’était trop dangereux, de tomber et de lire les livres de guerre.
 Aujourd’hui quand elle ouvre la porte, il y a Mercure qui dort.
Son sommeil semble paisible, il n’a pas changé de position depuis trois semaines. Et tout va bien. La quasi totalité des livres ont disparus, ne reste que ceux que Mercure aime, qu’il a conservé avec lui au travers du temps.
 C’est seulement différent.
 Agathe referme la porte, elle n’a pas de raison de rester surveiller Mercure ou bien elle réprime celles qui n’ont pas de sens. Plus qu’à retourner dans sa chambre et s’allonger sur son lit en attendant de trouver la motivation de faire quelque chose. Elle serre contre elle une de ses peluches usée par le temps et décolorée.
 Maman lui a offert il y a quinze ans.

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