Chapitre 34

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DERNIER ETE

Les mains dans ses cheveux chaque fin d’Hiver, à chaque fois qu’il se réveillait de cet interminable sommeil. Pendant un temps, Mercure a presque préféré ça au soleil qui caresse sa peau.
 Il se réveillait toujours dans l’immense lit de la chambre d’ami, enfin, une des chambres d’amis, il y en avait cinq si Mercure se souvient bien. Elles avaient toutes droit au meilleur bain de soleil dont on puisse rêver.
 C’était le meilleur jour de l’année. Celui où Thomas était allongé à côté de lui et attendait impatiemment que Mercure se réveille.
 « J’ai attendu impatiemment que tu te réveilles pendant tout l’Hiver. » Murmurait-il en passant une nouvelle fois ses doigts entre les mèches de cheveux du rouquin. Mercure ne saurait pas l’expliquer mais après chacune de ses hibernations, les sensations sont plus puissantes, comme s’il redécouvrait à chaque fois ce que ça fait de toucher la peau de quelqu’un d’autre ou d’être touché. Ce n’est pas la même chose qu’avec le soleil, ce n’est pas le même accueil.
 Mercure emmêlait ses doigts dans ceux de Thomas pendant de longues minutes où il ne pouvait pas encore se lever. Heureusement qu’il s’en souvient encore, heureusement qu’il n’a pas encore oublié le regard tendre de Thomas, sa gentillesse absolue et sa générosité qui ont permis à Mercure de vivre une vingtaine d’années sous un toit et de passer ses hivers sans problèmes.

Aujourd’hui, ce n’est pas Thomas qui lui caresse les cheveux et lui murmure des douceurs. C’est Agathe, qui est tout à fait assise sur lui à califourchon, la tête installée dans le creux du cou de Mercure. Il doit y avoir un signe, ou n’importe quoi qui puisse les alerter de son réveil imminent, Agathe est présente immédiatement pour la deuxième fois. Monsieur Ford se tient debout dans l’encadrement de la porte lui aussi, il attend d’être sur que le jeune homme aille bien après tant de temps à dormir. Ça n’est jamais arrivé, mais en tant que père, Monsieur Ford s’inquiète comme si Mercure était son fils.
 Mercure bat des paupières deux ou trois fois d’affiler avant de refermer les yeux, et quelques respirations bruyantes se glissent hors de sa bouche.
 « Mercure est-ce que ça va ? » S’inquiète immédiatement Agathe en posant ses deux mains sur le visage du rouquin. Elle se force à sourire tout de même.
 « Tu le sais bien, Mercure à besoin d’un peu de temps pour se réveiller. Laissons-le tranquille encore un moment. Il lui a fallut deux jours l’année dernière. Il n’a commencé à ouvrir les yeux que depuis une heure.
 — Je sais mais cette fois…
 — Mercure est en sécurité ici. Ne t’inquiète pas Agathe. »

Un réveil sous l’angoisse d’un proche, ça n’était jamais arrivé… pourtant il y a de quoi, surtout la première fois. Ce n’est pas agréable. Mercure le sent, alors il aimerait se réveiller plus vite et demander à Agathe ce qui lui arrive, pour la consoler, la serrer dans ses bras. Ça ne va pas plus vite. Mercure à le sentiment d’être bloqué à l’intérieur de son propre corps.
 Avant de sortir de la chambre, la jeune femme ramène près de Mercure une fleur jaune, elle l’a dispose près de son visage, presque dans ses cheveux. Il lui a expliqué une fois que la chaleur des fleurs lui procurait une incroyable sensation de bien-être. Peut-être qu’il ne fait pas encore assez chaud. Elle lui embrasse le front.
 Quand la porte est fermée, Mercure se sent mal. Rien ne bouge, le temps ne passe pas plus vite. C’est comme si la chambre était vide. Pourtant les rayons du soleil passent au travers de la baie vitrée. Et ce n’est pas le morceaux de scotche qui recouvre l’impact qui l’empêche de profiter du soleil.
 Ce n’est pas encore l’heure, Mercure est bloqué.

***

Cette année ce n’est pas deux jours, mais bien quatre dont le rouquin à besoin pour se réveiller pleinement. Des heures et des heures à ouvrir les yeux, les refermer. A se redresser et attendre avec la tête dans les mains comme s’il essayait de décuver la plus grosse cuite de sa longue vie. Parfois, souvent même, Agathe passe et s’assoit en face de lui. Elle ne fait rien de plus que d’attendre elle aussi, mais elle se dit qu’être présente lui fera plaisir. Être là et ne pas parler. Assister un malade et attendre qu’il réponde à une basique question comme « est-ce que ça va ? » fait le même effet.
 Pendant ces quatre jours cependant, tout le monde ressent le changement de température flagrant. Agathe ne supporte pas d’entendre des exclamations de plaisir dans la rue suite au retour du soleil, elle n’a pas besoin que la colère vienne se mêler à ses angoisses.
 « Pourquoi est-ce si dur ? » Finit-elle par murmurer. Pour l’instant elle n’obtient aucune réponse. Quelle frustration de l’avoir en face d’elle bien debout, de ne pas pouvoir communiquer. Agathe se rapproche en se soulevant à la force de ses bras. Elle se trouve maintenant juste devant lui, à quelques centimètres. Avec de doux mouvements, la jeune femme lève les mains et les poses sur les joues de Mercure, elle le pousse à libérer son visage. Et doucement, colle son front à celui du rouquin. Le silence les coupe de toutes distraction ou évènement extérieur, il crée une petite bulle chaude dans laquelle ils sont tous les deux réfugiés.
 C’est le moment. Mercure ouvre tout doucement les yeux et son regard se porte sur celui d’Agathe. Il la regarde pour de vrai, il la voie, il la considère.
 Alors, un joli surir souligne son visage, il fait véritablement plaisir à Agathe. C’est la proximité qu’elle attendait depuis des mois, le temps était long, froid, et insoutenable.
 « Bonjour Agathe. » Sa voix est faible mais ce n’est pas ce qui compte. La jeune femme le serre aussi fort qu’elle le peut dans ses bras, la voilà déjà qui transpire.
 « Je n’ai pensé à rien ni personne, de sorte à ce que je m’endorme avec toi, et que je me réveille avec toi, et rien d’autre entre temps. Toi, uniquement toi.
 — Et moi j’ai pensé à toi chaque jour qui passait. » Le Soleil les submerge, il les célèbre.

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