Chapitre 53

2 minutes de lecture

1 Juillet 2024 
Au Phare Mosaique

On m’a demandé de rédiger une lettre, mais on ne m’a pas donné d’indications plus précises.
Les lettres sont faites pour passer un message, et j’ai adressé de bien tristes messages par le passé, annonçant mon départ pour la plupart du temps, et certains m’ont déchirés.
Comme le jour où on m’a demandé de laisser un message à mes proches avant de partir à la guerre, leur expliquant que je pouvais potentiellement mourir, ou bien revenir défiguré. Un message pour des gens qui n’existaient pas.
Comme le jour où j’ai annoncé à Amélie que je partais, que la vie de famille dans laquelle je m’apprêtais à m’engager provoquait une terrible angoisse. Je sais qu’elle ne méritait pas ça, je l’aimais…
Et, il devait y en avoir beaucoup d’autre.
Mais aujourd’hui je n’ai pas de message à faire passer, je n’ai rien accomplie, je n’ai pas de fierté à part le fait d’être toujours en vie.
J’ai remarqué depuis le temps, que j’ai une chance considérable d’être passé entre les mailles de toutes les morts possibles de ce monde. Mais j’ai aussi réalisé qu’un monde où il est possible de mourir chaque jour pour une raison différente m’effrayait.
Que s’est-il passé…
Je crois que c’est évident, ma place n’est pas ici, j’ai le sentiment d’être arrivé par accident. Il y a une raison, c’est certain, mais je ne m’en souviens pas.

Alors si je devais passer un message, à propos de mon passage sur terre, ce serait qu’il s’est passé trop de chose. Trop long, trop fatiguant. C’était sûrement différent au début, peut-être…
C’est comme si mon cerveau me gênait. Que je n’en avais pas besoin. Réfléchir comme tout le monde est épuisant. Ne soyez pas cruels, ce n’est pas de la paresse ! C’est seulement que, nous pourrions vivre plus simplement, sans les conflits et désaccords, sans cette infinité de source de plaisirs éphémères.
Je suis intimement convaincue que nous n’avons pas besoin de tout ça, enfin, ça, c’est dans l’optique où je fais partie de cette population. Il m’est arrivé trop de fois de rester à l’écart, par peur des regards terribles qui se posaient sur moi.

Je suis trop bizarre pour tout le monde.

J’ai le sentiment de pouvoir y arriver. Les gens font des choses tellement étranges lorsqu’il s’agit de médecine, alors je pourrais demander à l’un d’eux de me retirer le cerveau, et je me sentirais beaucoup plus léger. Je n’aurais plus qu’à rester allongé et prendre le soleil, comme je l’ai toujours aimé. C’est tout ce dont j’ai besoin, j’en suis sûr.

Il y a tout de même beaucoup de choses dont je suis satisfait ici, j’ai trouvé l’amour à plusieurs reprises. Aujourd'hui, je suis très amoureux d’Agathe, et la savoir en danger me rend dingue.
Il m’est arrivé très peu souvent de me mettre en danger, il n’y avait aucun intérêt à ça, mais pour Agathe, je pourrais faire n’importe quoi.

Alors voilà, ce sera mon message.

Pour Agathe, je ferais n’importe quoi.

Mercure.

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