Chapitre 55

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Pas tant de monde que ça, cinq ou six personnes, qui sont en train de retirer les Rubalises de l’entrée de Femir. L’intérieur de la galerie semble toujours inaccessible cependant, Mercure aimerait s’y rendre. Le petit groupe se glisse le long des arbres et des murs de briques. La poussière rouges s’est transformé en une sorte de pâte liquide qui colle aux semelles, et la pluie s’est accumulée dans les nids de poule un peu partout.
 « Attention, Mercure. » Le prévient le Docteur Harris en lui retenant le bras. Il s’apprêtait à passer devant une personne qui remplie un formulaire, appuyé sur le capot de sa voiture. Le rouquin repense au voile d’Agathe qu’il ont oublié dans l’appartement, pas sûr cependant qu’il puisse circuler sans problème avec. Un homme voilé passant sur une scène soumise à enquête aurait plus l’air louche qu’autre chose.
 Ils viennent de faire le tour complet de la galerie, il n’y a aucun moyen de rentrer dedans pas les différentes entrée. Ça ne les arrange pas vraiment, le Docteur Willem passe son temps à jeter des coups d’œil furtif à sa montre.
 « Mercure, on ne peut pas entrer.
 — Je sais, laissez-moi réfléchir. » Mercure ferme les yeux pendant un court instant, et après une grande inspiration, le temps vient de changer.

Mercure voit la poussière rouge qui vole et entend les coups de feu résonner de part et d’autre de la galerie. Il ne peut pas avancer à cause des divers soldats ennemis qui gardent l’entrée et guettent le moindre mouvement. Le Colt est toujours dans son sac, mais il décide de ne pas s’en servir. Ne pas l’avoir en main est une faute, son instructeur lui aurait reproché de se jeter sur le front sans arme ni moyen de se défendre à distance, mais Mercure pense qu’il sait ce qu’il fait. La discrétion à toujours été son plus grand avantage.
 Deux précédents obus ont éclatés la toiture en verre de la galerie fumante, l’avion qui les a lâché est en train de s’éloigner, c’est le moment d’y aller sans se faire repérer.
 « Restez ici. » Le rouquin n’attend pas une minute de plus pour se diriger vers les murs de pierres de différentes tailles, il se glisse dans le décor comme un chat noir. La poussière lui tache les genoux, les coudes, les joues. Un uniforme non distinct peut être synonyme de danger dans certain cas, Mercure l’a tellement usé et déchiré qu’il pourrait ne plus se souvenir du camp dans lequel il se bat. Aujourd’hui, il se confond dans la poussière pour mieux la tromper.
 Une partie de la façade est détruite ici, mais pas percée, quelque chose a explosée, il pourrait escalader le mur jusqu’au toit. Encore un coup d’œil au soldat qui relit ses rapports, il est trop concentré pour faire attention aux mouvements qui l’entourent, c’est le moment d’y aller.
 Mercure s'agrippe aux pierres et aux briques tranchantes, il doit se hisser parfois à la force de ses bras. Ses biceps lui envoient de claires signaux d’alertes, ils n’ont pas été assez nourrit ses dernières années, et la chaleur des briques lui brûle les mains.
 « Aller. » Avec une traction de plus, il parvient à caler sa chaussures dans un trou béant du mur. Voilà, il est en capacité de se pousser vers le haut plus rapidement. Mercure tourne la tête, le soldat vient de poser son feuillet sur le fourgon. Dans l’urgence, le rouquin se propulse sur le toit d’une traite, il finit allongé avec les jambes étendues et les mains agrippées à la gouttière. Il n’attendait pas à une pente aussi raide vers le centre, là où l’obus s’est écrasée. Le poids de ses Rangers qui ont tapées contre le verre viennent de créer un impact, s’il se relève trop vite, la vitre va éclater et il tombera brutalement à l’intérieur. Le bruit alertera la garde.
 Le rouquin respire fort, l’effort produit lui demande beaucoup d’énergie. Sans bouger, il observe tout ce qui se trouve autour de lui, un moyen de rejoindre l’intérieur sans se blesser, il voit surtout des morceaux de verre partout. Les armatures ne seront pas assez solides s’il s’appuie dessus, surtout dans l’état où elles sont. Beaucoup sont surtout décoratives, elles forment de multiples arabesques et mouvements qui rappellent la nature. Pendant qu’il réfléchissait, un craquement sonore s’est produit juste en dessous de sa poitrine, son cœur tambourine. Son regard se porte un peu plus loin, il se demande si le verre cédait à une dizaine de mètre, toute la vitre pencherait vers le bas et le ferait peut-être glisser plus proche du sol. De là, il pourrait sauter.
 Cette option est peut-être la moins dangereuse. Tout en restant allongé, Mercure essaie de retirer son sac à dos à une seule main, chaque craquement de la vitre sous son corps est un avertissement. Il respire doucement, aucun mouvement brusque. Lentement, il se muni de son Colt, et le charge, tout en repérant l’endroit qui recevra l’impact parfait.
 Avant que Mercure ne tire sur Dylan, il avait quatre balles. Donc maintenant, il en a trois. Deux avec la balle qu’il va tirer pour briser la vitre. C’est avec une prudence extrême que Mercure tourne son abdomen sur la droite, tendant le bras. Les conditions sont difficiles.
 C’est un bon tireur, il l’a toujours été, alors quand la première balle se loge dans la glace sans la casser, Mercure ressent une terrible frustration, un grognement sort même de sa gorge. Il doit tirer une seconde balle pour atteindre son objectif, après, il ne lui en restera qu’une. Une unique balle.

Pour Dylan.

La concentration est à son maximum, mais son bras tremble. Il souffle encore.
 « Aller. Aller... » Il tire. La balle s’enfonce à quelques centimètres de la précédente, le verre entraîne le toit dans un dangereux affaissement, mais ce n’est pas encore assez. Le rouquin essaie de contenir sa panique, il ne peut pas se permettre de tirer sa dernière balle, et ne peut pas non plus perdre son temps à chercher des munitions dans la galerie.
 « Ah… Merde, aller ! » Il se met à taper du pied sur la cassure qui relie l’impact le plus important, celui qu’il a crée. La semelle de sa Ranger fait trembler toute la glace à chaque coup porté.
Au bout du quatrième, la vitre cède. Mercure est basculé avec le verre, il glisse vers l’intérieur en récupérant tous les morceaux cassé au passage dans la paume de ses mains.
 La répétition au sol n’est pas totalement maîtrisée, le jeune homme roule sur quelques mètres, mais à part des coupures causées par le verre, aucune blessure grave n’est à déclarer. Les coups de feu ont déjà du alerter la garde, alors Mercure se relève dans la précipitation en récupérant son sac et son Colt. Deux coups d’œil en arrière lui assurent que personne ne le suit.
 L’objectif est de rejoindre la boutique de confiserie, en observant les commerces des alentours, il se situe sans problème et trouve son chemin.
 « Je connais les moindres passages. Le magasin de plumes et de machines à écrire, celui d’instruments de musique, les confiserie. » Se répète t-il pour évacuer de son esprits les moindres anachronismes qui viendrait perturber sa mission. Aujourd’hui, il ne peut pas entrer dans la boutique par la façade vitrée, celle où il a tiré sur Dylan. Mais il sait qu’il y a une porte dans l’arrière de la boutique. Un discret couloir peut l’y mener.
 Deux soldats sont en pleine inspection de la dite scène de crime. Mercure pousse la porte le plus légèrement possible, ensuite, il se baisse pour avancer, la hauteur du comptoir lui permet de rester accroupit. Le tiroir qu’il cherchait est juste à côté de lui, il ne lui suffit que de lever le bras et ouvrir le tiroir. Le rouquin attends que les deux soldats discutent entre eux pour camoufler le bruit des roulements.

« Retrouve-moi chez toi. Agathe et moi n’attendons que toi, tu es le dernier invité de la fête. »

C’est ce qui est écrit de travers sur le papier déchiré, au fond du tiroir.
Le yeux de Mercure sont noir et il meurt d’envie de froisser le papier, de le déchirer et de le jeter aussi violemment que possible sur le sol. La discrétion qu’il recherche l’en empêche.

« Une balle, Dylan, il me reste encore une balle. »

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