Chapitre 4

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Je me glisse entre les rideaux pour laisser mon amie seule un court instant. Je prends le temps de défaire ma tenue du jour en observant mon double dans le miroir. Cet ensemble est une pièce maîtresse qui pourrait avoir fière allure en dessous d'une tenue un tantinet sexy. Ses lanières m'habillent plutôt bien, elles mettent en avant mes hanches féminines et attirent forcément les yeux où les mains qui auraient envie de se balader. C'est l'accessoire qui vient sublimer mes fesses bombées, qui rend aussi ma poitrine attirante. J'apprécie la touche suggestive qu'apporte cet ensemble, je pense que cela donne envie d'en voir plus.

  • Ivy, je ne t'entends plus. Tout va bien ?

  • Hum hum oui, oui très bien Svetlana ! Dis-je d'une voix assurée. C'est vraiment très joli ce premier ensemble, je trouve cela canon et ça souligne chacune de mes courbes. Je ne pensais pas que ça rendrait aussi bien, je pensais qu'il fallait plus de formes pour porter ce genre de lingerie mais franchement c'est pas mal !

  • Est-ce que tu m'autorises à passer ma tête dans la cabine ? demande t-elle avec respect. Je t'aurai bien donné mon avis.

Mon côté pudique parle pour moi, je demeure muette plusieurs minutes le coeur battant à tout rompre. Personne d'autre qu'Oleksandr ne m'a vu nue, enfin là je ne suis pas nue mais presque. En même temps je ressens une grande curiosité d'avoir l'avis d'une amie sur mon corps.

  • Hum oui mais n'ouvre pas trop le rideau, je n'ai pas envie que l'on me voit...

Svetlana se recouvre du rideau pour cacher l'entrebâillement de la cabine, je ressens de grandes bouffées de chaleur dûes à la gêne et parce que je ne suis pas habituée à me dévoiler devant une autre personne que mon petit ami. Je ne devrai pas ressentir cela, je vois à travers les yeux de ma copine du respect, oui beaucoup de respect et de bienveillance ainsi que de la discrétion et de la pudeur. Son sourire s'élargit, elle m'admire plus franchement.

  • Wahou dis donc ! Je ne te savais pas aussi bien foutue ! Finit-elle par dire. Je vais finir par douter de mon hétérosexualité ! Non plus sérieusement cet ensemble est à tomber, tu es trop canon ! Tournes toi que je puisse t'admirer ! (Je fais un tour sur moi même, ses yeux glissent sur mon fessier rebondit). Oleksandr est un petit veinard ! Tu as tout là où il faut ! J'aime bien ce petit détail de lanières, ça habille ton corps c'est très joli et la dentelle qui recouvre ta poitrine et ton intimité est suggestive, on devine mais on ne voit pas... Ça va le laisser rêveur ! C'est sûr !

Mon visage vire au rouge pivoine, pourtant tant de compliments me font plaisir. Je n'irai pas jusqu'à dire que la situation m'excite mais je ne peux pas nier que cela est très sensuel.

  • Oui moi aussi, ce sont de petits plus qui font la différence ! Je pense que je vais acheter cet ensemble ! Merci de donner ton avis, c'est sympa venant d'une autre fille.

  • Essayes celui-ci tu vas être en bombe ma chérie ! s'exclame Svetlana. Lui pour les soirées torrides et celui-ci pour les soirées romantiques. C'est bien de surprendre son chéri avec les deux extrêmes ! Ça (elle désigne la lingerie qu'elle tient entre ses mains), c'est plus toi.

Je la gratifie d'un regard avant de laisser le rideau retomber. Avec soin j'enfile la suivante, avant de rappeler ma pote.

  • Mignon aussi celui-là, affirme t-elle. C'est une autre ambiance, un moment plus sage en vue. Ivy tu es magnifique ! J'aime beaucoup l'effet de ton balconnet, ça met en valeur le volume de ta poitrine. La courbe de tes seins est accentuée c'est un très beau visuel. Le shorty cette fois, permet d'être plus focalisé sur la partie haute de ton corps, cependant il épouse bien la forme de tes lèvres, c'est assez sexy. Tu vas le prendre ?

  • Oui ça me ressemble plus, tu as raison mais il faut savoir aussi surprendre son homme tu vois, entretenir la flamme de l'amour, embraser le désir ! Tout ça quoi. Oui, je pense le mettre de côté aussi mais en fait tellement de choses me plaisent, tu n'as pas idée ! Je vais avoir du mal à me raisonner. Après tout, j'ai mis pas mal de côté tous ces temps, je vais arrêter de me priver pour aujourd'hui !

  • Bon raisonnement, prends exemple sur ta super copine ! rigole la jolie blonde.

  • Ouais sûrement ! Il manquerait plus que ça ! dis-je en me rhabillant.

Je l'entends glousser de l'autre côté du rideau, je la bouscule gentiment pour aller règler mes articles en caisse. Nous passons chez Zara, Svetlana n'en a pas fini d'en découdre, elle ne s'est pas arrêtée au petit pull dont elle m'avait parlé, son panier déborde, elle me fait des pieds et des mains pour que j'aille en chercher un second. Elle n'est pas possible, j'ai beau lui faire la morale elle le prend encore plus à la rigolade. Je me demande alors quel manque elle a à combler avec autant d'achats compulsifs ? Elle se tourne face à moi, puis sur elle même avec sa petite jupe beige et sa chemise rentrée à l'intérieur.

  • Oui, elle te va merveilleusement bien. Mais tu en as au moins une vingtaine ! Les chemisiers je ne les compte plus tellement tu en as ! C'est quoi l'intérêt ? Tu ne les met même pas tous !

  • C'est une collection quoi, rétorque t-elle avec du caractère. Regarde la forme est très belle, avec son échancrure juste par côté de la cuisse. Et le petit chemisier c'est la touche sérieuse et féminine.

  • Oui certes, mais après les trois quarts dorment dans ta garde robes ! C'est nul quoi et le reste tu revends sur vinted. Je ne comprends pas le principe, tu vas les mettre qu'une fois et basta ! Comme tout le monde, tu portes toujours les mêmes tenues.

  • Tu auras beau dire tout ce que tu veux, j'achète ! me taquine t-elle. Regarde cette robe, comment elle t'irait bien ! Le velours est très à la mode cette année, son col est élégant et c'est une couleur que tu portes bien.

Je soupire au bout de plusieurs heures de shopping, j'ai fini par acheter la robe qu'elle m'a désigné et je tiens entre mes mains de nombreux sacs en carton, preuves de divers achats. Nous nous asseyons sur des marches pour prendre un encas : Panini au nutella avec une cannette de soda posée juste devant nous.

  • Ivy, je peux te poser une question ? dit-elle avec timidité.

  • Bien sûr ma chérie, répondis-je en lui lançant un regard interrogatif.

  • Tu n'en as jamais parlé, je me dis que c'est peut-être indiscret ou douloureux mais je me questionne à ton sujet... Qu'est-ce qui t'a décidé à quitter ton pays pour la France ? Tu as vu beaucoup d'horreurs ? La guerre là-bas c'est comment ?

Je ferme les yeux ratant une bouffée d'oxygène, ces quelques mots suffisent à raviver la vive douleur logée bien trop souvent dans mon coeur. Je balaye mes cheveux bouclés en arrière, me mordille les deux pouces pour contenir mes halètements.

  • Ce n'est pas simple pour moi d'en parler dis-je avec difficulté. J'ai été contrainte de m'en aller à des kilomètres de chez moi, ma maman était trop inquiète pour moi, elle a souhaité que je me rapproche de chez ma grand-mère pour qu'il ne m'arrive rien, elle voulait me préserver ! Un missile russe est venu s'abattre à deux cents mètres de la maison, le vacarme, les débris nous faisaient vivre constamment dans la peur, c'est passé à ça de nous ! (Mes larmes coulent le long de mon visage, mon amie me prends la main, s'excuse d'avoir fait surgir la peine, la peur). Ne t'excuses pas, ce n'est rien, tu as le droit de savoir. Je culpabilise d'être à l'abri ici alors que ma famille peut s'éteindre d'un jour à l'autre, je vis dans la crainte d'apprendre une mauvaise nouvelle. C'est très dur pour moi. J'ai toujours le coeur qui s'emballe lorsque je reçois un message d'un de mes proches ! J'ai vu des habitats ravagés, des familles endeuillées, c'était invivable... Des cadavres transportés...

  • Quelle horreur, ce sont des monstres pour faire cela ! Crie t-elle effarée. Je ne peux pas savoir ton mal-être mais avec ce que tu me dis, je me rends mieux compte de ton état de déprime. Et ta famille, pourquoi ne t'a t-elle pas suivie ?

  • Parce que certains membres n'ont pas les moyens, d'autres sont trop attachés au pays. Maman est resté là-bas pour apporter son aide. C'était important pour elle que je vive une vie normale, que je poursuive mes études pour enseigner le français. Je le fais pour elle mais le coeur n'y est pas, j'ai l'impression d'être égoïste de vivre à la française pendant qu'eux galèrent pour notre pays.

  • Il ne faut pas voir les choses ainsi, crois-moi. Dis toi qu'elle veut le meilleur pour toi, alors profites de cette chance qui t'ait donné. Tu vas y arriver Ivy, je crois en toi et saches que quand ça ne va pas tu peux venir me voir ! Et un jour tu pourras être auprès d'eux.

  • Merci, j'ai apprécié cette journée en ta compagnie mais j'aimerai rentrer. Je cogite trop alors cela me fatigue pas mal et cela n'est pas agréable d'en avoir parlé et à la fois cela te met dans la confidence.

  • Oui, on prend le chemin du retour Ivy, pas de problème, affirme t-elle. C'est encore tout frais, ta réaction est bien normale mais tu verras à force d'en parler cela te soulagera. Il ne faut pas garder ça pour toi !

Dans le bus, je suis éreintée. Le chauffage a un effet soporyphique sur moi, ma tête contre l'épaule de mon amie, je sens mes paupières devenir lourdes. Svetlana, me tapote le bras lorsque le bus s'arrête en bas de mon immeuble. Nous nous faisons une bise, je descends avec toute ma floppée de sacs en carton aux titres des enseignes connues.

Des moments comme ceux-là permettent d'oublier un court instant la misère ukrainienne mais une fois seule cela revient au triple galop. Mes nuits sont sans fin, je compte les heures, attendant le message de ma famille qui n'arrive qu'au petit matin. Je me sens empreinte de déprime, arrivée dans mon canapé, je m'effondre sans motivation jusqu'à l'heure du repas.

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