Chapitre 16 : Erreur et Amitié

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Et voilà, une journée de plus que je peux rayer sur mon calendrier.

Une fois ce problème de vêtement résolu, la journée s'est bien terminée. J'ai pris le temps de revenir sur cette histoire de porte maintenue fermée, avec Leya, car j'ai trouvé la procédure assez spéciale.

Elle m'a expliqué qu'il est parfois nécessaire d'isoler un enfant, en chambre, pour l'aider à se calmer et que, si la crise est vraiment trop violente, on peut également avoir recours à la salle dite "d'apaisement". C'est une petite pièce meublée, uniquement, d'un matelas au sol et qui a la possibilité d'être fermée à clé. Elle m'a informée de toute la législation concernant l'entrave à la liberté. Je n'ai seulement retenu qu'il faut toujours un adulte à proximité de la porte, que l'état de l'enfant doit être reconsidéré tous les quarts d'heure et, le plus important, que c'est soumis à une prescription médicale.

Je suis sur le point d'entrer dans ma voiture, lorsque j'aperçois Robin qui court dans ma direction. J'active le mouvement pour l'éviter, mais trop tard, en moins de trois secondes, il retient ma portière pour éviter qu'elle ne claque. Il me dit, en s'adossant à la voiture pour reprendre son souffle :

— Attends, Roxane, avant de partir ! Je peux... Avoir... Ton... Numéro...car... tu...ne m'as... toujours...pas...envoyé de ...messages.

Dans toute cette bataille avec Bastien, j'ai complètement oublié le petit papier qui est toujours dans la poche de ma blouse. J'observe le bel interne et, le voir ainsi essoufflé, me fait presque rire. Sérieusement, il a couru vingt mètres entre le service et ma voiture. Bien évidemment, je ne résiste pas au fait de le charrier un peu.

— Et bien, j'espère pour toi que tu assures mieux au lit qu'en course à pied.

Je mets mes mains sur ma bouche, consciente d'avoir sorti une énorme connerie. Il va vraiment falloir que j'apprenne à tourner la langue sept fois dans ma boucheparce qu'un jour ma répartie me fera défaut.  

"Réflechis un peu avant de parler" me flagelle ma conscience. Oui, oui, je vais y travailler !

D'instinct, je vérifie autour de moi que personne ne m'a entendu. Heureusement pour moi, mes autres collègues sont encore en train de se changer.

— Oh, ça va, détends-toi, plaisante-t-il, l'air taquin. Tu ne seras pas la première femme à sortir des vannes un peu salaces. Moi qui te pensais plutôt du genre coincée, je dois admettre que je préfère ça.

Je lui lance ma plus belle grimace alors qu'il me tend son portable. Je pianote rapidement mon numéro.

Je suis sur le qui-vive dès que je suis en sa présence. Avec lui, j'ai l'impression d'être constamment en train de faire une faute professionnelle. Les relations sur son lieu de travail sont très mal vues et je ne veux pas de problèmes. Le pire dans tout ça, c'est que deux femmes, ou bien deux hommes, qui échangent leurs numéros, ça paraît normal, alors qu'un homme et une femme qui le font, ça devient tout de suite le meilleur potin inter-service. Pourtant, on peut très bien être de simples amis.

" Tu as déjà vu des amis qui s'embrassent toi ?" me reprend ma conscience. " Ne sois pas naïve. Si tu as cette crainte constante c'est que tu ne le perçois pas seulement en ami."

Pfff, n'importe quoi ! Moi, vouloir plus avec cet homme aussi beau qu'arrogant ? Jamais de la vie.

— Mais vous êtes toujours fourrés ensemble, plaisante Leya, qui regagne sa voiture.

La panique me gagne alors que je reprends mes esprits et que je rends rapidement son téléphone à Robin.

— Je ne suis pas certaine qu'Abby approuverait, mais vous êtes trop mignons tous les deux.

Elle rigole, alors qu'une pointe de jalousie m'envahit à l'évocation du prénom de miss plastique. Mais qu'est-ce qui me prend ?

— On se calme, Leya, je racontais simplement, à Roxane, le discours du père de Tatiana au téléphone, détourne Robin, de façon très subtile. Comme c'est à elle que la jeune fille s'est confiée, je trouvais normal de la tenir au courant.

Ma collègue semble se satisfaire de ces explications. Je dois admettre que pour le coup, l'interne m'impressionne une nouvelle fois. Il a retourné la situation si facilement, que j'en reste admirative. A croire que c'est sa spécialité.

— Je ne comprends pas comment tu peux avoir la capacité de faire autant d'enfants mais la volonté de ne t'occuper d'eux que lorsqu'ils sont petits s'offusque ma collègue, en jetant son sac sur la banquette arrière de sa voiture. Allez, sur ce, je ne compte pas dormir là. À demain.

Maintenant qu'elle nous a faussé compagnie, j'en profite pour prendre congé de notre interne. Un rapide "à plus tard" et me voilà en route pour la maison. Je suis tellement fatiguée de ma journée, que le trajet passe sans même que je m'en rende compte. Honnêtement, j'aurais tellement préféré une soirée pilou-pilou/ Netflix. Enfin, je vais tout de même avoir le droit à une sieste, grand bien m'en fasse.

Evidement, pour une fois que j'ai une sortie de prévue avec un homme, il fallait que mon père soit rentré de déplacement. Bien sûr, inquisiteur comme il est, il a vite remarqué la jolie robe en dentelle bleue et le maquillage un peu plus prononcé qu'à mon habitude. Incapable de lui mentir, j'ai fini par lui expliquer pour l'interne et moi.

Après un long sermon, de mon avocat paternel, sur les relations homme/femme au travail et les conséquences que cela peut avoir, je sors enfin rejoindre Robin qui m'attend dehors depuis une bonne demi-heure.

— J'ai failli t'attendre, ironise le beau brun adossé nonchalamment à sa voiture.

Ses yeux s'illuminent en me voyant, alors que je le reluque de la tête au pied. Il faut dire qu'il a sorti le grand jeu : chemise blanche, pantalon à pinces noir et chaussures vernies. Il est canon. Enfin, je pense que même un sac-poubelle le mettrait en valeur. Il a vraiment tout du cliché de l'interne beau-gosse que l'on trouve dans les séries médicales américaines. J'ignore encore ce qu'il nous a prévu pour ce soir, mais je me félicite d'avoir fait un effort vestimentaire et de ne pas être restée sur ma première idée qui était le simplissime jean/baskets. Au moins, je ne ferai pas trop tache à ses côtés.

— Désolée, mon agent de police ne voulait pas signer ma demande de liberté provisoire. J'ai dû négocier.

Il rigole et pose un chaste baiser sur ma joue. Il n'en fallait pas plus pour réveiller ma déesse intérieure.

— J'aurais attendu toute la nuit rien que pour te voir dans cette jolie robe.

Son murmure à mon oreille réveille toutes les sensations qu'il me procure à chaque fois. Le sang me monte à la tête et je commence à avoir très très chaud.

— Ne rougis pas beauté, me charrie-t-il en m'ouvrant la porte, certaines femmes tueraient pour porter cette robe aussi bien que toi.

Il ferme la porte et fait le tour de la voiture. J'en profite pour regarder rapidement mon téléphone.

Tanya :

« Coucou Bichette, alors ces débuts dans ton service ? Je n'en reviens pas que tu ne m'aies pas appelé ce week-end pour en parler. »

Roxane :

« Je t'appelle demain pour tout te raconter, ce soir, je profite de mon petit papa. »

J'ai vraiment l'impression d'être une piètre amie en ce moment mais, avec tous les évènements de ces derniers jours, j'ai vraiment la tête ailleurs.
Je zappe et poursuis la consultation de mes messages. Le prochain provient de mon binôme infirmier.

Leya :

"Toi tu nous caches quelque chose.", écrit-elle avec un smiley au sourire colgate. "Alors, il se passe quoi entre toi et l'interne beau-gosse ?"

Bien qu'il n'y ait aucun reproche dans son message, il n'en fallait pas plus pour mettre tous mes signaux en alerte. L'air vient à manquer dans l'habitacle alors que je prends conscience de la tournure que prend toute cette histoire. Ce que je redoutais le plus est arrivé, ou est sur le point de se produire. La panique me gagne et tout comportement rationnel me quitte. Pourquoi faut-il toujours que je sois aussi excessive ?

— Oh non, m'écrié-je alors que Robin s'installe côté conducteur. Leya a tout compris.

— Tout compris quoi ? questionne-t-il, étonné de mon soudain changement d'humeur.

— Bah entre nous idiot, répliqué-je, en cédant complètement à la panique qui me gagne. Cette soirée est une grosse erreur. J'aurais dû rester sur mon idée première qui était de ne pas accepter ce diner.

Je défais ma ceinture et m'apprête à sortir de la voiture.

— On pourrait au moins en parler, au lieu de prendre une nouvelle fois tes jambes à ton cou, me propose-t-il mi-suppliant, mi-agacé. C'est à croire que tu ne sais faire que ça !

Je me retourne pour lui faire face.J Je suis tellement enervée contre moi-même, que je sors la réponse la plus singlante que je trouve dans ma caboche. 

— Si j'avais su fuir au bon moment, on n'en serait pas là. Il n'y a rien à ajouter.

Je sors de la voiture et me dirige d'un pas rapide vers la porte. Je ralentis la cadence lorsque je comprends que, pour une fois, il ne me suit pas. Mon portable vibre dans mon sac, annonçant un message. Je m'arrête net, pour en prendre connaissance.

Robin :

" Je sais que toi et moi, nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde mais sache que je ne regrette rien de ce qu'il s'est passé entre nous. Que ce soit ce baiser, ce dîner, qui n'a pas eu lieu, ou toutes les petites taquineries que l'on peut avoir involontairement. Personne ne m'empêchera de t'avoir dans ma vie, même si ce n'est qu'en tant qu'amie.

PS : Tu es encore plus belle quand tu cours avec tes talons hauts."

La fin du message me fait esquisser un petit sourire. Je relis le début et ses mots me touchent. Comment cet homme a pu s'imposer dans ma vie si rapidement ? C'est irréel quand on pense qu'il y a une semaine on se rencontrait à peine. J'ai toujours pensé qu'il n'y a que dans les films que tout peut aller aussi vite entre deux personnes.

Je me retourne, soulagée de constater que sa voiture est encore là. Il m'observe depuis le siège conducteur, que dis-je, il me dévisage carrément. Je lui réponds, tout en le regardant.

Roxane :

" Je suis sincèrement désolée de ne pouvoir répondre davantage à tes attentes. Ami est en effet le mieux que je puisse t'offrir. Pardonne-moi.

PS: Pff beau parleur. Moi, je te préfère en blouse blanche."

Même de loin, je vois ses lèvres s'étirer à la lecture de ce sms. Un soupir de soulagement sort bruyamment de ma cage thoracique. Je prends seulement conscience du stress que me procurait ce dîner. Libérée de ce poids, je me sens de nouveau pleine de légèreté.

Une nouvelle vibration se fait sentir dans ma main.

Robin :

« En blouse blanche, sans rien dessous ? »

Il n'est pas possible, celui-ci. Il ne peut pas tenir une résolution plus de trente secondes.

Roxane :

« On ne vient pas de dire qu'on reste de simples amis ? »

Robin :

« OUPS»

Il a accompagné son message de plusieurs smileys qui pleurent de rire. Je rigole toute seule, sur le perron de la maison. Il semblerait que ce ne soit pas gagné cette histoire. Je ne sais pas où tout cela va nous mener, mais je suis contente d'avoir clarifié la situation.

Mon portable s'agite de nouveau.

Robin :

« Bonne nuit à toi, beauté »

Sans répondre, je lui fais un signe de la main et la voiture s'engage sur la route. Une fois disparue de mon champ de vision, je me décide à appeler Tanya. J'ai plein de choses à raconter à ma meilleure amie.

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