Chapitre 19 : Charme et Embrassade

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La semaine est passée bien plus vite que la précédente. Je ne saurais dire si c'est lié aux nombreux sms que j'ai échangés avec Robin ou aux fous rires que j'ai eu avec mes quatre collègues, mais j'ai l'impression d'avoir beaucoup moins subi le travail ces derniers jours.

Lors de notre super réunion du vendredi, nous avons encore eu le droit à quelques réflexions de Marina. Elle a estimé que les après-midis ont été très compliqués cette semaine à cause d'une mauvaise gestion des enfants par l'équipe du matin.

Non mais elle ne manque pas d'air ! Et dire qu'elle m'avait fichu la paix cette semaine, elle s'est vite rattrapée.

Elle a prétexté que la présence de Robin, qui est venu tous les matins à mes heures d'embauche, est liée au fait que l'on avait besoin de renfort. Notre bel interne semble créer pas mal de convoitise chez les collègues féminines.

Évidemment, il n'en fallait pas plus à Leya et moi pour voir rouge et monter au créneau. Avant que nous ayons des problèmes, Robin a fini par expliquer, vaguement, les raisons de sa venue. Heureusement pour lui, il est médecin et, à eux, on ne leur demande pas de rendre des comptes, surtout quand on est soignants.

Et l'apothéose de cette réunion est arrivé quand Lucas m'a demandé de passer dans la contre-équipe la semaine prochaine, pour combler l'absence d'Elise et Paul qui vont en formation. Forcément, impossible pour moi de refuser. Je l'ai bien compris à son regard froid quand j'ai tenté de protester. Je vois déjà la semaine de merde que je vais passer : Marina en chef et Roxane en sous-fifre. Je vais me régaler ! Mais bon, quand on est la dernière arrivée, on n'a pas son mot à dire. Finalement, elle tombe à pic cette soirée.

Plus j'y pense, plus je me dis que l'on court à la catastrophe. Trop tard pour faire machine arrière, l'heure fatidique arrive.

Après plus d'une heure d'acharnement avec Tanya, les préparatifs pour ce soir sont finalisés : les bières sont au frigo, les coupelles sont remplies de victuailles et la table du salon s'est vêtue de sa plus jolie nappe "au cas où". Avec tout ça, il nous reste un peu plus d'une demi-heure pour nous préparer, autant dire une milliseconde en langage de fille.

Je laisse à Tanya l'accès à ma chambre, pour s'habiller, et je prends possession de la salle de bain. J'ai tout prévu : cheveux détachés avec de jolies boucles qui descendent en cascade sur mon dos, un smocky eyes pour faire ressortir mes yeux clairs, une robe rouge au décolleté faramineux et de beaux escarpins noirs vernis. J'avoue que je profite d'être à domicile pour me mettre en bombe et concurrencer Tanya. Je sais que ce n'est pas le plan initial, mais pour une fois je compte bien capter tous les regards. En particulier celui d'un certain interne. En tout temps, la jolie peau mate et les origines latines de ma copine lui ont été des armes utiles pour faire succomber tout homme qui posait le regard sur elle. Face à elle, toute confiance en mes charmes est impossible, sauf ce soir.

— J'en connais une qui a sorti tous ses atouts pour son bel interne, me taquine Tanya, alors que je descends la rejoindre dans le salon. Le but n'était-il pas de réfuter les théories de tes collègues ?

Je sens à la petite pique dans sa voix, qu'elle ne s'attendait pas à ce que je mette le paquet. Elle s'imaginait sûrement que Robin n'aurait pas d'autre choix que de la regarder elle et que, de fil en aiguille, tout se déroulerait comme à son habitude. Désolée ma grande, mais si ce soir tu veux m'aider, il va falloir ramer. J'allais tout de même pas me vêtir d'un sac poubelle.

— Mettre en valeur mes atouts ne m'empêchera pas d'arriver à mes fins, lancé-je fièrement en réajustant mon décolleté.

— Écoute, je veux juste t'aider, Roxane, répond-elle, en défroissant une dernière fois sa robe. Le plan est clair : je drague Robin et toi tu t'occupes de tes invités.

Sans aucune naïveté, je vois très bien où elle veut en venir. En fait, je le sais depuis qu'elle a proposé cette soirée. Un petit recadrage s'impose avant que le reste des convives ne sonne.

— Non, Tanya, réfuté-je, en me plaçant face à elle. Le plan est de passer une bonne soirée. Pour le reste, laissons les choses se faire.

Elle grimace mais ne me contredit pas. Elle fait souvent cette tête quand les choses ne vont pas dans son sens.

Nous finissons de préparer les bols de chips, quand on sonne à la porte. En moins d'une seconde, je vois ma meilleure amie se précipiter dessus, comme si sa vie en dépendait. Elle manque de finir par terre à cause de ses talons qui glissent sur le carrelage. Bien que cette situation soit risible, je sais pertinemment à qui elle espère ouvrir et son manque de discrétion me surprend.

— Heu, on est bien chez Roxane, demande une voix bien peu amicale.

Ce ne peut-être que Leya. Je reconnaîtrais son ton tranchant entre mille.

— Ah les filles, m'exclamé-je, enjouée en allant à la rencontre de mes invitées. Vous êtes les premières.

Je fais les présentations et demande à Tanya de monter les vestes et sacs à mains dans ma chambre, pendant que j'accompagne mes collègues jusqu'au salon.

— Ouah, mais tu vis vraiment là, me questionne Vanina qui semble ébahie par la grandeur de la pièce dans laquelle elle vient de pénétrer.

Elle se place au centre et observe tout ce qui s'y trouve, comme si elle était dans un musée.

— Son père est avocat, Van, ce n'est pas le même salaire que celui de la fonction publique hospitalière, lui rappelle Astrid en plaisantant. Et tiens-toi un peu, on dirait une enfant qui découvre Disneyland.

Nous éclatons de rire toutes les quatre face à la tête renfrognée de la tahitienne.

— Non mais regarde un peu cette télé, s'enthousiaste t-elle, en montrant l'écran plat incurvé accroché sur le mur en pierre. Il fait la taille de ta 107, Leya.

Nous rigolons de plus belle, tout en nous installant sur le grand canapé d'angle en tissu gris, qui fait face à l'écran plat.

Une nouvelle sonnerie retentit, nous coupant dans notre début de discussion. Une nouvelle fois, ma meilleure amie se rue vers la porte.

— Oh Liam, dit-elle, sans cacher sa déception, Roxane est dans le salon !

Elle lui tourne le dos, sans même refermer la porte après lui. Liam ne se laisse pas déstabiliser par l'accueil peu chaleureux de ma meilleure amie et nous rejoint. C'est très amicalement qu'il se présente auprès de mes collègues et me fait la bise.

— Tu es ravissante, me complimente-t-il en chuchotant au creux de mon oreille. Je suis content de te voir.

Je dois bien admettre que c'est partagé. Avec Liam, nous avons échangé de nombreux messages cette semaine depuis cette histoire den statut sur Facebook. Bon, pour être honnête, il m'a fallu deux jours pour réussir à aborder le sujet. Je me suis retrouvée bien bête quand il m'a dit que c'est simplement un pari qu'il a perdu avec ces potes pendant sa semaine de débauche en Normandie. 

Je le remercie du compliment et l'invite à s'installer au côté des filles. Il ne lui faut que quelques secondes pour s'intégrer à notre conversation. C'est incroyable l'aisance et l'adaptabilité dont il peut faire preuve.

— Alors c'est vous les trois bourreaux de ma p'tite Roxinette, plaisante-t-il, en ébouriffant mes cheveux tout en s'adressant aux trois femmes qui l'entourent.

— Exactement, rigole Astrid. On l'enchaîne à l'arbre du jardin et on propose aux enfants de lui jeter des tomates dessus. Au moins ils sont occupés et nous on est en paix. C'est le rituel d'accueil des nouveaux.

Nous éclatons de rire face à la tête à moitié déconfite de Liam.

— Et toi, tu es son petit ami ? s'intéresse Vanina, très innocemment.

Je manque de m'étouffer avec ma gorgée de coca. Un regard rapide à Liam, et je constate rapidement qu'il n'a pas sourcillé d'un pouce. Il m'étonnera toujours.

— Roxane ne veut pas de moi, plaisante-t-il en posant les mains sur son cœur.

Il s'approche, comme pour leur dire un secret.

— Je pense que je dois être trop gentil, murmure-t-il, pas du tout discrètement. Roxane préfère les vilains garçons. Vous savez, du genre cravache à la main.

— Mais n'importe quoi !

Je lui assène un petit coup de réprimande sur l'épaule, alors que que tout le monde éclate de rire. Non mais pour quoi je vais passer moi ?

Les discussions dans le salon vont de bon train et l'ambiance est à la franche rigolade. Leya, qui s'est enfin détendue, ne cesse de nous faire des imitations d'humoristes célèbres. Chacun y met du sien pour que la soirée se passe pour le mieux. Seule Tanya est complètement à l'écart. Assise sur l'accoudoir du canapé, elle ne cesse de guetter la porte d'entrée.

— Et toi, Tanya, tu bosses où, s'intéresse Leya.

— Aux urgences, répond-t-elle sans même lui adresser un regard.

— Il faut que je me transforme en porte d'entrée pour que tu me regardes quand je te parle, s'impatiente la jolie brune.

La remarque de ma collègue est tout à fait juste et son comportement m'insupporte. Je ne compte pas la laisser gâcher la soirée. Je décide de traîner ma copine dans la cuisine, pour mettre les choses au clair avec elle.

— Tu es venue juste pour Robin ou tu comptes t'intégrer au groupe ?

Ma patience arrive au bout de ce qu'il est possible d'endurer.

— T'énerve pas, ça va, relativise-t-elle en soufflant. C'est juste que vos histoires de psy moi je m'en contre fiche. C'est pas mon domaine, tu le sais bien.

— Alors si tu avais écouté, ne serait-ce qu'un peu de conversation, tu te serais vite rendu compte que l'on n'a pas parlé boulot de toute la soirée. Et puis, laisse moi te préciser que celui que tu convoites et que tu attends est Pédopsychiatre. Donc la psy c'est son truc à lui.

— Ouais mais il est médecin, contredit-elle. Il en a assez dans le ciboulot pour parler d'autre chose.

Son air désinvolte et son côté j'ai réponse à tout sont sur le point de me faire sortir de mes gonds. C'est alors que la sonnerie retentit, ce qui me calme immédiatement. Il est là ! Alors que Tanya se précipite hors de la cuisine pour aller ouvrir, je la retiens.

— Liam, tu peux accueillir notre dernier invité, s'il te plait, crié-je depuis la cuisine.

Ses pas lourds qui font craqueler le parquet, indiquent qu'il m'a entendu. J'en profite pour reporter mon attention sur mon amie.

— C'est, soit, tu te reprends, soit, tu rentres chez toi. C'est clair ?

C'est bien la première fois que je suis aussi ferme avec elle. Au moins maintenant, l'ultimatum est posé ! À elle de faire le nécessaire pour que le reste de la soirée se passe pour le mieux. Elle roule des yeux puis les plante dans les miens.

— Je vais faire un effort, finit-elle par concéder. Je suis désolée.

Maintenant que nous sommes d'accord, nous rejoignons les autres au salon. C'est d'un naturel déconcertant que Robin s'approche pour me faire la bise, sous les yeux ahuris de mes autres collèguesc ce qui ne semble pas échapper au grand brun.

— Bah quoi, s'étonne-t-il naïvement. Vous ne lui avez pas dit bonjour, vous ?

Le regard un peu bête des trois filles, me fait esquisser un franc sourire. Il n'en manque vraiment pas une. Comment fait-il pour avoir autant de répartie ?

Il n'attend pas de réponse, finit de dire bonjour à tout le monde et se place à côté de Liam, ignorant complètement Tanya qui voulait se présenter. Il tape un message rapide sur son téléphone faisant vibrer le mien, qui est positionné sur la table basse à la vue de tous.

— Oh Roxane, tu as un message, annonce théâtralement Tanya.

J'ignore ce qu'elle espère, mais personne ne fait attention à sa remarque. Je lui lance un regard assassin et saisit mon portable.

Robin :

« Tu joues avec mes sentiments, demoiselle. Tu es magnifique. S'il n'y avait pas eu les filles, crois-moi que cette robe n'aurait pas fait long feu. »

Je ne réponds pas, enclenche le mode ne pas déranger, pour que l'écran ne s'allume plus lorsque j'ai une notification, et repose l'objet à sa place.

La soirée bat son plein. On mange, on danse, on rit et on boit. Bien qu'une sorte de rivalité se soit mise en place entre les deux hommes de la soirée, c'est un vrai bol d'air de ne penser à rien d'autre qu'au moment présent. Moi qui avais quelques craintes concernant le bon déroulement de cette soirée, je suis plutôt agréablement surprise de constater que c'est une réussite. Je m'étonne même de constater que finalement, il n'y a pas eu besoin de la super mauvaise idée de Tanya, pour dissiper les doutes de mes collègues. Depuis l'arrivée de Liam, elles n'ont de cesse de faire des allusions sur un éventuel couple caché entre lui et moi. Tout cela, sous l'oeil jaloux de Robin.

Je suis dans le salon avec Liam et mes trois collègues, plongée dans une partie endiablée de Uno. Tanya et Robin, qui ont gagné, manquent à l'appel. La partie se termine et je me rends rapidement compte qu'il n'y a plus rien à boire. Alors que je m'apprête à remplacer les bouteilles de bière, je tombe nez à nez avec Robin et Tanya en pleine séance d'embrassade dans la cuisine.

Lorsqu'ils s'aperçoivent de ma présence, ils se décollent instantanément. Tanya pouffe de rire, alors que je prends sur moi pour ne rien laisser tomber et je fais comme si de rien n'était. Avec mes collègues dans la pièce d'à côté, il n'est pas envisageable que je fasse une scène.

J'agis avec tout le naturel que je peux mais, alors que je vais pour sortir de la pièce, Robin me retient.

— Ce n'est pas ce que tu crois.

Son regard trahit son inquiétude. D'un mouvement ferme de bras, je le fais lâcher prise.

— Il ne s'agit pas de ce que je crois, mais de ce que je vois, répliqué-je sèchement. Maintenant laisse-moi ou je hurle au viol.

Ses yeux s'assombrissent, mais ma colère est telle, qu'ils ne me déstabilisent même pas.

— Oh, Roxy, intervient Tanya en titubant, n'en fait pas toute une histoire.

Il n'y que ma mère qui m'appelait ainsi. Avec cette découverte, elle a perdu le droit de tout surnom. J'explose.

— Mais au contraire, répliqué-je, la voix pleine d'ironie. Je te félicite d'être la nouvelle escorte de l'interne de mon service. Ah, tu l'ignorais ? Monsieur n'a pas pris la peine de t'informer qu'il ne présente que des filles faciles à sa famille. Dommage pour toi, Tanya, mais encore une fois tu n'es que le coup d'un soir. En même temps, tu ne vaux pas mieux que ça.

La mine déconfite de mes deux invités me réjouit. Maintenant que je les ai bien lourdés, je pars retrouver le reste de mes invités.

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