Chapitre 21: Durée déterminée

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Je me réveille dans mon lit, avec mes habits de la veille, incapable de me souvenir de comment je suis arrivée là. J'enfuis ma tête sous mon oreiller, alors que le soleil tente de percer à travers mes volets.

Dans mon esprit, j'essaye de me refaire la soirée d'hier, espérant trouver des réponses à mes interrogations quand la porte de ma chambre s'ouvre brutalement. Je me redresse et surprends Florence qui se précipite vers moi.

— Ne paniquez pas, mademoiselle, mais j'ai vu un homme entrer dans votre salle de bain, m'explique-t-elle, l'air inquiète. Restez là, je vais appeler la police.

Alors qu'elle s'apprête à tourner les talons, mon cerveau ne fait qu'un tour et les pièces du puzzle s'emboitent : Robin !

— Non, la dissuadé-je en la retenant par le bras, c'est un ami.

Elle rougit instantanément, et je vois dans ses yeux la gêne s'installer.

— Oh, je suis désolée, mademoiselle, s'excuse-t-elle complètement confuse. Je ne voulais pas être indiscrète.

Elle ressort aussi vite qu'elle est entrée, tête baissée. Je ne peux m'empêcher de rire de la situation, bien que je n'ose imaginer les scénarios qui florissent dans son esprit. Avant aujourd'hui, je n'avais jamais laissé un homme dormir à la maison. Je redoutais bien trop la réaction de mon père et, avant tout, je voulais éviter un cours sur les moyens de contraception.

Je me lève et pars en direction de la salle de bain. Curieuse de savoir ce que Robin a bien pu faire à ma gouvernante pour qu'elle soit dans un tel état, j'entre, persuadée qu'il est simplement en train de se brosser les dents. La porte s'ouvre et je tombe nez à nez avec mon bel interne, le corps reluisant et simplement vêtu d'une serviette éponge blanche, qui souligne à merveille sa peau dorée.

« Naïve que tu es, me crie ma conscience, il n'a même pas de brosse à dent chez toi. »

Je la chasse de mon esprit et me reconcentre sur mon invité.

— Désolée, je..., bafouillé-je, en évitant soigneusement son regard. Ma gouvernante pensait à un cambrioleur.

Mon excuse bidon le fait ricaner. Pourquoi faut-il toujours que je sorte des arguments aussi invraissemblables ?

— Alors c'est toi qui t'es dévouée pour vérifier ? se moque -t-il, en me toisant de haut en bas. Avec tes cinquante kilos à peine, heureusement que ce n'est que moi.

Il s'avance doucement vers moi, son regard charbonneux ne quittant pas le mien. Son torse reluisant, qui n'est qu'à quelques centimètres, m'appelle tel un aimant. Je me fais violence pour ne pas faire courir mes doigts dessus. Je recule, espérant garder les idées claires, mais je me heurte à la porte.

— Tu... Tu as bien dormi ? questionné-je en bafouillant, espérant faire diversion.

Un sourire vient éclairer son doux visage. Il comble un peu plus la distance qui nous sépare et se penche à mon oreille.

— La literie était bonne mais ta compagnie était encore plus agréable.

Quoi ? On a dormi ensemble ? Ma déesse intérieure fait du trampoline, ma conscience se tape la tête contre un mur.

— Ne t'inquiète pas, Roxane, me rassure-t-il, comme s'il lisait dans mes pensées. Je ne profite pas d'une femme qui dort et, j'ai bien compris qu'il ne fallait pas brûler d'étapes. Et puis, si un jour il se passe quelque chose entre nous, j'espère bien que tu seras plus participative.

Il me fait un clin d'œil, alors que je fais tout mon possible pour ne pas rougir. J'ignore comment nous allons faire pour ralentir les choses entre nous, mais actuellement ça n'a pas l'air bien engagé. L'humidité chaude de la pièce, conjuguée à la proximité de son corps à moitié nu, me donne l'impression de manquer d'air. Je me bats avec une envie irrationnelle de lui sauter dessus.

" Du calme, Roxane, s'impatiente ma conscience. Je te signale tout de même que c'est toi qui as imposé les règles".

Je fais tout mon possible pour rester rationnelle quand Robin pose ses mains de chaque côté de mon visage. Sa tête est si proche de la mienne, que je sens son souffle sur moi. Inconsciemment, je passe ma langue sur mes lèvres, son regard s'embrase. Je déglutis.

— Tu es si jolie au réveil, susurre-t-il. Et cette robe, j'ai lutté pour ne pas te l'enlever.

Je prends seulement conscience que je dois avoir une dégaine affreuse : pas coiffée, pas démaquillée, pas changée. D'instinct, je me cache le visage avec mes mains.

— Arrête de me regarder. Je dois ressembler à la vieille sorcière dans Blanche Neige.

Il ôte les mains de mon visage et replonge ses yeux noisette dans les miens.

— Je ne sais pas à quoi elle ressemble mais, toi, tu es magique.

Je bois ses paroles, obnubilée par ses lèvres charnues en mouvement. Mon bas ventre s'agite, mon corps entier s'électrise alors que sa bouche est de plus en plus près de la mienne.

— Pourquoi nous infliger tant de supplice, murmure-t-il doucement créant un léger contact sur ma peau. Regarde-moi toute cette tension qu'il y a entre nous.

Je vois très bien de quoi il veut parler ! Cela fait au moins deux bonnes minutes que je serre les poings de toutes mes forces, pour que mes ongles s'enfoncent dans ma paume et créent une douleur assez intense, pour m'empêcher de succomber.

"Reprends-toi ma fille, se réveille ma conscience, ne te laisse pas distraire"

Le temps que je reprenne mes esprits, sa bouche est plaquée sur la mienne. Une vague de chaleur envahit instantanément tout mon corps alors que je réponds avec fougue. D'une main il attrape ma cuisse pour la passer autour de sa taille et, de sa main libre, il joue avec mes cheveux. Nos corps en fusion, s'emboîtent à la perfection. Je n'aurais jamais pensé ressentir cela un jour, moi qui n'ai connu que des relations platoniques. Ma deuxième jambe s'enroule sur ses hanches alors qu'il me maintient de tout son poids contre la porte. Sa main remonte sur ma cuisse, passe sous ma robe et vient agripper ma fesse droite.

« Tu fais une belle connerie ma fille ! Une escorte, puis Tanya... Que crois-tu représenter pour lui ? Moi je te le dis, tu n'es qu'un morceau de chair supplémentaire ».

J'aimerais faire taire cette voix qui me ramène à la raison, mais c'est plus fort que moi. Je me fais violence et repousse délicatement mon bel amant. Une fois de plus l'incompréhension se lit sur son visage.

— Quelque chose ne va pas, s'inquiète-t-il en passant son pouce sur ma joue.

— Je crois que là nous sommes en train de brûler au moins une dizaine d'étapes.

— On s'en fout, rétorque t-il en revenant à la rencontre de ma bouche. On suit juste nos envies.

Je détourne la tête pour esquiver son baiser et, d'un mouvement brusque et inattendu, il me pose et se recule. L'incompréhension laisse place à l'agacement dans les yeux du beau brun, dont le corps s'est raidi. L'ambiance qui règne à présent est bien différente.

— Alors ça va se résumer à ça ? Se croiser tous les jours, avoir envie mais ne pas céder ?

Son regard s'est carrément assombri et sa mâchoire est tellement crispée qu'on dirait qu'elle va se déboîter.

— Le code du travail est régi par un ensemble de lois, l'informe l'avocate qui sommeille en moi. On ne peut pas en transgresser une sans penser aux conséquences. Et pour ma part, c'est mon premier poste. Même si je ne compte pas rester plus de trois mois, je ne tiens pas non plus à me griller dans les autres hôpitaux.

Un éclair passe dans son regard et son expression est telle que j'ignore s'il est en colère ou triste. J'ai très peur, soudainement. Satanée porte qui m'empêche de prendre mes jambes à mon cou.

— Attends quoi ? répète ! Tu comptes partir à la fin de ton CDD ?

Même dans sa voix, les émotions sont indéchiffrables.

— Tu as très bien compris. Je fais les trois mois et je retourne en soins généraux.

— Et tu comptais m'en parler ?

Sa question me surprend.

— Pour quoi faire ? C'est pourtant clair, un CDD c'est à durée déterminée. Et puis, je ne savais pas qu'il fallait que je te demande ton avis.

— Ne joue pas sur les mots, Roxane, s'énerve-t-il, en tapant du poing sur le lavabo. On est d'accord que tu ne me dois pas d'explication mais que comptais-tu faire ? Prendre tes clics, tes clacs et partir, dans deux mois, sans te retourner ?

Il n'a peut-être pas tort, mais je ne voyais pas les choses de cette manières. Pour moi, il est évident que ce poste était juste un écart en attendant de trouver mieux.

— Oui ! répliqué-je, sans scrupules. Exactement ce que tu feras, toi, dans un an, à la fin de ton internat.

Il passe une main sur son visage, sans doute pour se retenir d'exploser. Je le regarde faire les cent pas devant moi, sans oser bouger d'un pouce.

— Ne compare pas ce qui n'est pas comparable, s'agace-t-il, après réflexion. J'ai déjà une proposition d'embauche sur l'hôpital. Si mon année se passe bien, ils me gardent comme pédopsychiatre.

Je ne l'avais pas vu venir celle-ci. J'ignorais même que ça se faisait. Après, vu que les pédopsychiatres ne courent pas les rues, je veux bien croire qu'ils essayent de mettre le grappin sur tous ceux qui passent. Un silence s'installe. Toujours collée à la porte, je l'observe continuer à s'agiter devant moi, comme si cette histoire était d'une importance capitale.

— Je ne vois pas ce qui t'énerve autant, dis-je finalement d'une voix calme. Changer d'hôpital ne veut pas dire tout quitter et puis, la psychiatrie n'est pas un domaine dans lequel je me vois évoluer.

J'espère sincèrement le faire revenir à la raison mais son regard indique tout autre chose.

— En fait, tu ne vaux pas mieux que ta copine Tanya, lance-t-il, en guise de réponse. Tu te crois trop qualifiée pour la psychiatrie et au dessus du reste du monde.

Le sang me monte à la tête. Comment ose-t-il me comparer à cette garce sans scrupule ?

— Sors de chez moi !

Sous le coup de l'émotion, ma voix se raille.

Je ramasse ses affaires à toute hâte, le laissant complètement interdit, je descends les escaliers quatre à quatre, ouvre la porte d'entrée et les balance dehors. Robin me talonne de justesse en pestant. Il tente bien de m'attraper le bras, mais sa serviette menace de tomber à plusieurs reprises, pendant sa course.

— Maintenant, tu dégages de chez moi, crié-je en le poussant dehors, oublie notre amitié. Et garde la serviette !

Il est tellement occupé à maintenir le petit carré de tissus éponge pour éviter qu'il ne s'envole, qu'il ne proteste pas.

— Je ...

Il ne finit pas sa phrase, que je lui claque la porte au nez. Je me retourne, me laisse glisser contre le PVC froid, et autorise mes larmes à sortir.

« Tu es vraiment trop bête » me flagelle ma conscience.

En deux jours j'ai perdu ma meilleure amie et le mec qui me fait vibrer. Après la scène d'hier je pensais avoir tout vécu. Ses mots résonnent dans mon esprit. Qui est-il pour juger de mon choix de carrière ?

Florence, qui a involontairement assisté à toute la scène, s'installe à mes côtés et pose une main réconfortante sur mon dos. Mes larmes s'amplifient quand je pense à la semaine qui m'attend avec Dragon Marina.

Après une dizaine de minutes à m'apitoyer sur mon sort, une lueur de combativité me gagne.

— Florence, interpellé-je ma gouvernante tout en essuyant mes yeux, pouvez-vous me monter mon petit déjeuner en chambre ce matin. J'ai une longue journée de recherche qui m'attend.

C'est reparti pour la valse des CV et lettres de motivations.

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