Samedi Écriture - Vous vous réveillez métamorphosé en autre chose.
Sujet du samedi écriture du 2 Mai 2020 - Vous vous réveillez métamorphosé en autre chose.
Il était une fois, dans un monde peuplé de magie, de créatures des bois, un royaume. Ce royaume s’étendait au nord à la mer, à l’est à une chaîne de montagne aux sommets écharpés et enneigés, au sud au frontière de leur voisin sudiste, séparés par endroit par une rivière ou un canyon, vestige d’un plus grand fleuve qui découlait de la montagne Autrefois (tel était le nom de la montagne).
A l’ouest, le royaume était bordé par une Forêt géante, indomptable, sauvage. Les tentatives d’invasion au cours de l’histoire des royaumes se sont toutes soldées par des échecs. La dernière tentative d’invasion date d’il y a plus de 3 siècles, bien plus que la mémoire des plus vieux hommes. Mais bien que personne ne soit aussi vieux, les souverains actuels ont compris la leçon : la forêt resterait inconquise. Cela valait mieux pour le peuple, la forêt avait provoqué des sécheresses, des famines, des incendies de villages, bien plus de dégâts que n’en avaient pu faire les haches des bûcherons royaux contre des arbres qui avaient pris la dureté de la pierre.
Les villages adjacent à la forêt pouvaient vivre en paix désormais, leur voisine champêtre les laisser se promener et glaner quelques fruits tombés. Mais dès lors qu’ils faisaient mine de s’en prendre aux arbres ou aux créatures qu’ils abritaient, la forêt se déchaînait et chanceux étaient ceux qui s’en sortaient. La lisière et les premiers sous-bois de la Grande Verte prenaient l’allure de cimetières le long des villages peuplés des plus courageux et des plus idiots sujets du royaume.
Cette forêt hébergeait de nombreuses créatures, son climat tempéré le lui permettait. Mais en plus des animaux que l’on trouve habituellement dans une forêt, se trouvait également des nymphes, des satyres, des lutins, mais point d’elfe, ceux-ci préférant être seuls seigneurs en leur demeure ne pouvait résider au sein de la Grande Verte. Les elfes avaient préféré s’installer beaucoup plus au sud, dans les bois des Sables. Sa Verdure comptait encore parmi ses habitants de nombreux centaures et hippogriffes, chacun respectant son territoire. Une légende humaine affirmait que les arbres eux-mêmes étaient vivants dans la forêt, mais personne, ni explorateur ni bûcheron n’avaient pu revenir en leur royaume pour confirmer le mythe.
Mais il y a à la frontière de la contrée verdoyante, une humaine, qui vit sous les cimes émeraude sans subir les foudres de la Forêt.
De la fumée s’échappe de sa chaumière et s’envole en fumerole pour rejoindre ses amis nuages. Le toit de la chaumière est recouvert de mousses, les murs entourés de buissons, mais la chaumière n’en reste pas moins charmante, sauf les journées d’orage, comme aujourd’hui. Le vent bat les branches d’arbres contre les murs et vitres de l’habitation, les éclairs zèbrent le ciel distant, la pluie fouette le sol. Un vacarme et un chaos infernal sévit ce soir dans cette région. Cependant, Abyme la sorcière (puisque c’en est une) trouve se temps parfait. L’intérieur de la chaumière est étrangement calme, le feu illumine la cheminée et projette sa lumière contre les murs, il fait agréablement chaud, cela donnerait presque envie de lire un bon livre au coin de la cheminée.
Mais, je… Le narrateur ne comprend pas ce qu’il lui arrive. Il ne parle habituellement qu’à la troisième personne, d’ailleurs il n’est habituellement personne, n’est pas une entité à part entière mais est lu et animé par chaque personne qui le lit.
Le narrateur reprit ses esprits.
La chaumière dégage désormais une atmosphère mystérieuse, au centre, une table pleine d’ingrédients, sur le feu un chaudron fume, des vapeurs légèrement colorées de vert, de bleu, de jaune, de rose, de couleurs qui ne devraient pas exister, s’échappent du chaudron et planent dans la bâtisse.
La sorcière était assise au coin du feu et lisait un grimoire sûrement aussi vieux qu’elle. Un bon siècle.
Ah, cela devait être ça, une erreur de lecture, c’est la sorcière qui lisait au coin du feu, pas moi.
Mais… Et cette fois ? Que se passe-t-il ?
Le narrateur se racle la gorge… Mais non, je n’ai pas de gorge, je ne suis pas une entité à part entière !
Le narrateur reprend ses esprits.
La sorcière, au coin du feu, lit son grimoire, comme d’autres lisent leur dernier livre favori. Cependant, en nous approchant nous pouvons distinguer que la sorcière ne lit pas, elle écrit.
Nous ? En NOUS approchant ? Mais c’est impossible, jamais je n’ai parlé autrement qu’en décrivant le monde et les événements, le « nous » et le « je » est réservé aux dialogues, jamais pour moi !
Le narrateur manque de s’étrangler en sursautant, sa respiration s’accélère, son cœur bat vite, il a chaud, il transpire, il a le vertige.
Impossible ! JE N’AI PAS DE CORPS !
Après un instant d’égarement, le narrateur reprend.
La sorcière continue d’écrire sur son grimoire, de plus en plus vite et de plus en plus petit pour ne pas changer de page avant la fin de sa phrase. Soudain, elle lève la tête, pensive. Elle lève sa plume, une goutte d’encre en tombe. Elle souffle sur la plume, la lâche. La plume devient brillante, elle plane, vole, brille, brille encore, jusqu’à m’éblouir, et tout ce que je vois désormais c’est la pointe de cette plume : une plume de paon, la pointe est taillée pour mieux écrire, mais aussi pour piquer et s’accrocher dans ce qu’elle pique. Je la voie s’approcher de moi, à une vitesse indescriptible puisque je n’existe dans aucunes dimensions, mais elle s’approche et grandit. L’œil de la plume de Paon me fixe, il tourne, les couleurs change, la gravité se joue de moi, le temps avance puis recule, c’est impossible.
Aïe ! Douleur, je ne l’ai jamais ressentie avant. Cette satanée plume m’a piquée dans l’œil. Et voilà que j’ai un œil maintenant. Et des mains pour les presser contre la douleur. Une tête, un corps, des bras, des jambes ?! Qu’est-ce que…
Je suis dans la chaumière, allongé au sol. Je dois tourner ma tête pour voir ce qui m’entoure, je vois la plume posée sur le grimoire. Où est la sorcière ?
Ah, te voilà éveillé ! Je savais bien que quelque chose dictait le dessein et le destin de ce monde !
Plus maintenant ! Je serai la seule à décider de mon sort désormais.
Elle fait un jeu de mot ma parole.
Hé, je t’entends tu sais !
Ma foi, pardonnez-moi, je n’ai jamais eu de corps, personne ne pouvait vraiment m’entendre dans ce monde, certains ont su décrypter les paroles du vent et ont pu entrevoir des bribes de ce que je racontais mais jamais ils n’ont cru en mon existence, ni même ne l’ont imaginée.
Il te faudra apprendre, je suis désolé du sort que je t’ai joué mais je ne peux te garder chez moi, j’ai d’autres projets désormais. Non, ne demande rien, tu ne sauras rien, cela te changera sûrement, il faudra t’y faire. Le village le plus proche est à l’est, marche pendant 2h.
Mais au fait, comment t’appelles-tu ?
Laissez-moi réfléchir, répondis-je (je peux encore parler dans ma tête, quel soulagement), un nom aux sonorités de ce monde serait adapté, alors appelez-moi Narator ?

Annotations
Versions