Laissez-moi tout d'abord me présenter. Je suis Lephiareardechrodelemduc, ou du moins cela est le court diminutif souvent utilisé pour parler de moi, mais dont la faible longueur ne reflète pas l'ampleur de ma tâche, ni l'importance de ma fonction, à sa juste valeur. En toute modestie, et pour que les choses soient éventuellement plus claires pour peu que vous ne soyez pas familier de notre galaxie, je suis Le Premier Historien Archéologue Et Archiveur de Chroniques de L'Empereur de L'Univers Connu. Je ne suis pas né Lephiareardechrodelemduc. Le jour de ma naissance, on m'a donné le nom de Sire Benedictus Lordeal IV, mais ma mère m'a toujours appelé simplement Benedict, et la plupart de ceux qui me connaissent (en dehors de mon épouse) m'appellent encore plus sommairement Ben. Quant à mon épouse, le nom qu'elle utilise... eh bien, je ne vois en quoi cela pourrait vous être utile. En fait, tous ces noms vous sont probablement inutiles, il vous suffit de vous rappeler de ma fonction.

[En réalité, savoir que je m'appelle Ben pourrait vous être utile de temps en temps. Vous trouverez en effet ici et là quelques notes de bas de page grisées débutant par « NB : », un acronyme que j'utilise en lieu et place de « Notes pour Ben ». Celles-ci me sont parfois nécessaires pour éviter de me perdre totalement dans les méandres des chroniques, mais elles ne sont évidemment d'aucune utilité pour vous et je vous encourage à ne pas perdre votre temps à les lire.]

En tant que Lephiareardechrodelemduc, (une bonne partie de) mon rôle est d'écrire l'Histoire pour la postérité, mais pas de la manière habituellement maladroite et fort douteuse de ces soi-disant « historiens », dont les ouvrages pullulent dans les bibliothèques peu recommandables. Ma fonction demande la plus grande rigueur et j'applique pour cela la méthode connue par les initiés sous son nom abrégé de LUMIHDDeCeNoDaTLUC. Pour les autres, cela pourrait se traduire par L'unique méthode d'investigation historique digne de ce nom dans tout l'Univers Connu. Ainsi, mon cher lecteur peut parcourir ces pages de la première à la dernière sans jamais avoir à se soucier de la véracité de celles-ci, ou d'une quelconque altération des faits ayant pour but de rendre l'histoire plus proche de mon approbation ou de celle de mon souverain et responsable hiérarchique direct, l'Empereur lui-même. Non, LUMIHDDeCeNoDaTLUC a fait ses preuves et vous pouvez me faire confiance quant à son application la plus stricte.

À l'heure qu'il est, vous vous demandez sûrement ce que je pourrais relater dans ce document avec tant de soin ? J'aurais pourtant pensé que le titre dudit document parle de lui-même...

Pourquoi dois-je écrire une énième flopée de pages sur des temps aussi horribles, terrifiants, troublants et en tous points inconfortables me demanderez-vous ensuite ? La galaxie n'a-t-elle jamais connu la paix ? Il est vrai que j'aurais pu écrire une histoire des temps de paix de la galaxie, il y en eut quelques-uns qui mériteraient probablement que l'on s'en souvienne. Mais en vérité, vous auriez probablement été le premier à vous en plaindre, vous, et non moi, et ces pages auraient très certainement été oubliées sans même avoir subi la moindre lecture digne de ce nom. Et qui pourrait vous en tenir rigueur ? Rien de réellement important ne saurait être manqué en refusant de lire une chronique des temps de paix.

Bien, maintenant que nous sommes d'accord sur le sujet de ces chroniques, laissez-moi vous exposer quelques informations sur leur construction. Premièrement, je me dois de corriger une légère approximation écrite plus haut et d'être honnête une petite minute : je n'ai pas écrit la plupart de ce que vous lirez dans ces chroniques. Tout cela n'est en fait qu'une collection de témoignages de personnes de plus ou moins d'importance, ayant vécu des événements plus ou moins intéressants pendant la période des guerres galactiques. Mais attention, cela ne signifie pas que mon travail se limite à quelques heures à peine. Une telle collection de témoignages requiert son pesant de collecte, elle-même nécessitant une bonne part d'exploration, de fouille, de dépoussiérage, de classement, et ainsi de suite. Et dès lors que l'on parle de témoignages, cela inclut également la vérification des faits, ainsi que la reconstruction d'une chronologie. Ajoutez à cela le nombre de langues parlées au travers de galaxie à cette période, et la diversité des moyens physiques pour effectivement enregistrer ces témoignages, et vous commencerez à entrevoir l'étendue de mon travail. Sinon, laissez-moi simplement vous relater la fois où j'ai dû me salir les mains jusqu'aux coudes avec un mélange de boue et de sang après avoir taillé une ouverture dans la peau d'un humain à la base de son crâne pour récupérer son disque mémoire, et peut-être que vous vous rendrez compte que je ne suis pas un simple fainéant pratiquant l'histoire derrière un bureau dans une vaste bibliothèque poussiéreuse. Vous pourrez alors me remercier d'avoir fait tout ce travail à votre place.

Mais revenons-en à des informations sur la construction des chroniques qu'il m'est plus important de partager avec vous. Chaque chapitre contient un témoignage, le titre du chapitre indiquant le nom, ou ce qui se rapproche le plus possible d'un nom et que j'ai pu retrouver, de l'individu qui a laissé ce témoignage après sa mort.

[Si vous pensez que je viens de donner un spoiler ici en laissant transparaître le fait que tous les personnages de ce livre sont maintenant morts, peut-être serait-il bon que vous lisiez à nouveau le début de cet ouvrage et que vous finissiez par vous souvenir de ma fonction et du fait qu'un archéologue n'accorde pour ainsi dire jamais son attention aux vivants.]

Avant chaque témoignage, j'ai essayé, autant que faire se peut, étant donné les archives dont je dispose, de donner une indication temporelle précise. L'unité dans laquelle ces indications sont données n'a que peu d'importance, celles-ci ne sont qu'un outil pratique pour appréhender l'ordre chronologique des événements relatés ; les témoignages peuvent, en effet, parfois couvrir des périodes se recoupant. Mais puisque que la technologie me permet, la plupart du temps, d'extraire une indication temporelle précise, pourquoi s'en priver ? Vous pourriez me rétorquer qu'il me suffisait de tracer une frise temporelle (une sorte de graphique si chère à ces « historiens » communs sans foi ni loi), mais je trouve cela d'une telle banalité que j'ai préféré vous l'épargner. Par ailleurs, étant donné tout le travail que j'ai déjà accompli, il me paraît simplement bien légitime de vous demander au minimum de reconstruire vous-même cette frise pour peu que vous en ressentiez la nécessité.

Ici s'achève ce préambule. Vous disposez à présent de toutes les clés nécessaires et je vous laisse donc vous imprégner de ces témoignages et de l'Histoire.