15. Tourments d'un traître amoureux

8 minutes de lecture

Alexei

Je sais que je suis en train de rêver, que la situation que je vois n’est pas possible, mais je suis trop bien pour me réveiller. Le feu brûle dans le grand brasier autour duquel sont installées nos tentes. Je sais que je rêve car je ne partage pas la mienne avec des camarades de l’armée, mais je suis avec Clémentine et ses amies. Je sais que je rêve car Clémentine est nue dans mes bras et que nous sommes en train de faire l’amour, en essayant de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller les autres. Je sais que je rêve car je continue à embrasser et caresser la jolie créature sous moi alors que Mathilde est nue et nous regarde en se caressant.

Malheureusement, comme toutes les bonnes choses ont une fin, je finis par ouvrir les yeux alors que j’allais enfin jouir dans ce rêve que j’ai envie de prolonger même si je suis revenu dans la réalité. Je constate avec plaisir que Clémentine est toujours là, dans mon lit, vêtue de son jogging bien ample mais qui ne peut rien faire pour dissimuler ses jolies rondeurs. Alors que je suis toujours émoustillé par mon rêve, je tente une approche vers ma voisine et viens me lover contre elle. Malheureusement, elle n’est pas dans le même état d’esprit que moi et me repousse avant de se lever.

— Ne te fais pas de fausses idées, Dieu Thor canon même au réveil, soupire-t-elle en se passant la main sur le visage.

— Désolé, Clémentine. J’étais encore en train de rêver. La vue était si belle que je me croyais encore en plein sommeil.

— Mon dieu, tu es vraiment prêt à tout pour me mettre dans ton lit ? La vue était si belle… T’es mignon, mais je sais la tête que j’ai au réveil.

— Techniquement, tu es déjà dans mon lit et ce n’est pas ta tête que je voyais, dis-je sans vraiment réfléchir.

— Mais quel pervers, bougonne-t-elle en attrapant le premier oreiller qui lui passe sous la main pour m’en donner plusieurs coups en pleine face.

J’attrape ses bras sans trop de difficulté et la maintiens à distance, continuant à profiter du spectacle de ses seins qui se trémoussent, libres sous la veste de jogging alors qu’elle essaie de se libérer.

— Eh doucement ! Je ne suis pas pervers, c’est juste que j’apprécie les jolies femmes comme toi. Et plutôt que d’essayer de me frapper, tu ferais mieux de regarder ton téléphone. Il bippe depuis ce matin. Je crois que quelqu’un essaie de prendre contact avec toi, ajouté-je en la libérant.

— Retour à la vraie vie, soupire-t-elle en lâchant son coussin pour gagner le salon où elle récupère son mobile.

Je profite de son départ pour regarder le mien. J’ai reçu un SMS de Hervé et je l’ouvre, me demandant ce qui le pousse à m’écrire de si bonne heure.

— “Paul est out pour plusieurs semaines. Au boulot pour la décourager encore plus. Une surprise et du renfort arrivent dès demain”

Purée, retour à la vraie vie et à la réalité comme elle dit. Heureusement qu’elle s’est défendue ce matin. J’imagine si nous étions allés plus loin… J’aurais eu trop honte après coup d’avoir fait ça alors qu’en sous-marin, je bosse avec son oncle qui veut lui nuire. J’ai de plus en plus de mal avec cette idée et je commence à réfléchir à comment mettre fin à cette position inconfortable en essayant de trouver des moyens de faire venir ma fille ici, avec moi. Pour l’instant, je ne vois rien. Je n’ai même pas la possibilité de la contacter directement et les seules nouvelles que j’ai, c’est quand Dimitri l’autorise à m’envoyer un mail. C’est vraiment la merde cette histoire. Pourquoi est-ce que dans cette mission qu’on m’a confiée, la victime est aussi merveilleuse ?

Clémentine revient, affolée, dans la chambre et vient se jeter dans mes bras en sanglotant. Je ne peux que l’enlacer et attendre qu’elle se calme un peu. Je me demande ce qui est arrivé à Paul, mais je dois faire comme si je ne savais rien.

— Qu’est-ce qu’il y a Clémentine ? Un souci ?

— Paul a eu un accident de voiture !

— Oh mince ! Il est gravement blessé ? m’inquiété-je vraiment.

Pas besoin de simuler sur ce coup-là. Je sais que Dimitri et ses amis ne font pas dans la dentelle et je n’en reviens pas qu’Hervé se soit acoquiné avec eux. Paul est un type bien en plus, toujours gentil, et un bon cuistot. Pourvu qu’il s’en sorte sans trop de soucis.

— Sa femme dit qu’il a pas mal de contusions, et le col du fémur cassé je crois, je sais plus exactement...

— Ah merde. Si le col du fémur est cassé, il va pas pouvoir venir bosser pendant un bon moment… Mais bon, au moins, il est vivant. Tu sais comment ça lui est arrivé ?

— J’ai cru comprendre qu’une voiture lui était rentrée dedans, enfin l’avait poussé hors de la route… Bon sang, je ne peux même pas aller le voir, il faut que j’assure le service seule, c’est la cata !

Je ne sais pas quoi lui répondre. Elle a raison, c’est une véritable catastrophe. Le restaurant avec un seul chef, soit il faut diminuer de moitié les clients, soit il faut réduire le menu de moitié, c’est mathématique. Toute seule, elle ne pourra jamais s’en sortir. Je pourrais lui proposer de l’aider, mais si je fais ça, je peux dire adieu à ma fille. Je suis en rage et je repousse Clémentine un peu brusquement. Je donne un grand coup de poing sur le lit, énervé face à l'enchaînement des événements qui me met dans une position aussi inconfortable. Clémentine se méprend sur mon énervement et intervient.

— T’énerve pas, Alexei, je vais trouver une solution. Je vais m’en sortir. Le restaurant ne va pas fermer.

— Désolé, Clémentine, c’est juste que c’est vraiment injuste tout ce qui t’arrive. Si je peux faire quoi que ce soit, demande-moi surtout.

— La vie n’est pas juste, que veux-tu. C’est comme ça, soupire-t-elle en se levant. Bon, j’ai du boulot à outrance ce matin, je file. Est-ce que… C’était à Paul d’aller au marché ce matin. Est-ce que tu pourrais y aller à sa place ? Comme ça je commence les desserts en attendant les produits frais. Je te paierai les heures supp’, évidemment...

— Oui, et t’en fais pas pour les heures supp. Je ne fais pas ça pour ça.

Quand je vois la reconnaissance dans son regard, je me traite intérieurement de salaud. Je suis complice de tout ce qui lui arrive, c’est horrible, mais je ne peux faire autrement. Elle repart rapidement pour aller informer ses amies et débuter sa journée qui s’annonce catastrophique. Surtout que Mathilde doit repartir dans la journée. Clémentine va se retrouver seule pour tout affronter.

C’est à peine deux heures plus tard que j’entre dans la cuisine du restaurant, les bras chargés de victuailles. La cuisine est dans un sale état, Clémentine est au four et au moulin. Elle a investi le poste de travail de Paul pour tout ce qui touche aux desserts, et une pile de vaisselle sale trône sur l’ilôt où ils déposent habituellement les assiettes prêtes à être servies.

— Merci, dit la cuisinière sans lever le nez de son plat. Tu peux laver fruits et légumes, s’il te plaît ?

— Oui, pas de souci, et je vais m’occuper de la vaisselle, aussi. Tes amies sont toutes reparties ? Tu es seule ?

— Sarah me fait la gueule, Noémie fait brûler des pâtes et j’ai envoyé Matou voir Paul et sa femme, soupire-t-elle en courant vers une gamelle sur son piano pour touiller une sauce au camembert, si j’en crois l’odeur. J’ai réduit la carte, je vous ai tout noté sur un papier que j’ai mis je ne sais pas où.

— Sonia ne peut pas venir avant ? Tu veux que je la contacte ? Je vais aller préparer la salle dès que j’ai fini la vaisselle, en tous cas.

— Je l’ai appelée, elle attend la nourrice donc c’est pas garanti. Hervé a trouvé un chef qui peut arriver demain, mais ça va m’obliger à lui montrer nos plats, et à passer sur la pâtisserie.

— Hervé a trouvé un chef ? Déjà ?

Là, je suis inquiet. Je crois que le renfort dont il parlait dans son SMS, ça ne peut être que ça. S’il arrive dans le même état d’esprit que moi, je plains Clémentine.

— Déjà oui, espérons qu’il soit aussi efficace que toi… Et qu’il ne veuille pas modifier toute ma carte, sinon il ne sortira pas d’ici vivant.

— Oui, espérons…

Dans ma tête, je ne peux qu’espérer qu’il ne soit pas aussi efficace que moi dans son entreprise de sabotage. Ce n’est vraiment pas une bonne idée, mais que puis-je dire à Clémentine ? Que je suis un salaud et qu’elle devrait se méfier de ce nouveau chef ? Que ça ne présage rien de bon ? Comment lui avouer tout ça maintenant ? Impossible. Il faut que je me taise et que je fasse ce que je peux pour limiter les dégâts pour elle tout en n’en faisant pas trop afin de ne pas me faire griller par Hervé. Tu parles d’une position inconfortable !

Tourmenté par ces pensées qui se bousculent dans ma tête, j’essaie de me mettre au boulot aussi efficacement que possible. La vaisselle est vite terminée et les légumes sont prêts. J’ai pris l’initiative de les laver et les découper pour que ma cheffe n’ait plus qu’à les utiliser dans ses différents plats. Alors que je vais préparer la salle, je la vois qui s’active derrière ses fourneaux. Elle court dans tous les sens, s’occupant de deux pianos de feux en même temps. Quel courage ! Quelle abnégation ! Je l’admire. Elle est là, les cheveux défaits, son tablier de cuisine plein de tâches, les mains pleines de farine. Elle a des traces de chocolat ou de sauce sur la joue et jette des regards affolés sur l’horloge. Et malgré tout ça, elle est belle. Je la trouve même magnifique et je reste ainsi bloqué à la porte entre le restaurant et la cuisine à la regarder jusqu’à ce qu’elle remarque l’attention que je lui porte.

— Un problème ? me demande-t-elle en déballant les pièces de bœuf ramenées du marché.

— Euh non. Juste bravo. Je te trouve très courageuse.

— Pas le choix, de toute façon. Ça ne m’apporterait rien de m’enfermer dans mon bureau pour chialer. Hormis une facture de nouveaux meubles, voire de fenêtres. Enervée, je ne sais pas de quoi je suis capable. Je… Merci pour le coup de main.

— De rien, c’est normal. N’hésite pas si je peux en faire davantage…

Cette femme me rend fou. En plein milieu de toutes ses adversités, elle ne baisse pas les bras, mais au contraire, elle fait face. Je n’ai plus envie de lui faire du mal, je crois que je suis en train de tomber amoureux. Mais si c’est le cas, c’est encore plus la catastrophe. Après ce que j’ai déjà fait, si un jour elle l’apprend, jamais elle ne pourra me pardonner. Je suis dans la merde et je ne vois aucune issue favorable à tout ça. D’une façon ou d’une autre, tout ça finira mal.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0