21. Le plaisir de tout dévorer

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Alexei

— Désolée, Alexei, j’étais prise en bas avec Jérôme pour le nettoyage. En tous cas, tu m’as sauvé la vie. Je savais pas quoi faire avec la nounou malade. Et…

— La prochaine fois, tu dis à ton mari d’assumer. On est dimanche, il pourrait s’en occuper !

— Dans notre culture, l’homme ne s’occupe pas des enfants, tente-t-elle de me répondre.

— Dans la mienne non plus. Mais tu vois, tout s’est bien passé.

— Merci, je te revaudrai ça, promis !

Je la regarde s’éloigner avec ses quatre enfants en me disant qu'elle ne devrait pas se laisser faire comme ça et exiger de son mari de quitter sa console et ses potes et d’assumer tous les gamins qu’il lui a faits ! Mais en même temps, je ne suis pas si mécontent que ça de ma journée. Ils ont été ravis de s’amuser avec moi, de se sentir écoutés et respectés presque comme des grands. Et puis, j’ai réussi à négocier un paiement en nature, ce qui n’est pas rien. Bon, pour l’instant, elle croit qu’elle s’en est sortie avec un tiramisu, mais si elle pense que ça va suffire à satisfaire toutes mes envies, elle se trompe. Quand je disais paiement en nature, je pensais plutôt à un dessert plus voluptueux et sensuel, plus appétissant et charnel.

Ce soir, comme tous les dimanches soirs, c’est relâche. Clémentine pense que la recette n’est pas suffisante pour garder le resto ouvert. Je pense qu’elle a raison, mais qu’on pourrait imaginer un autre service, genre un foodtruck… Avec la plage à côté, ça marcherait du tonnerre, je suis sûr.

Mon téléphone bipe dans la poche de mon jean. C’est un SMS d’Hervé, énervé. Visiblement, Linguini n’a pas aimé mon intervention et est allé tout raconter à son maître.

“Tu fous quoi ? Aide-la encore et t’es viré”

Sympathique. Ce gars est un gros porc et je n’ai qu’une envie, l’étriper. Je ne pense pas qu’il pourrait vraiment me virer, enfin, pas de mon poste officiel où c’est Clémentine qui garde la main. Par contre, notre petit accord, il pourrait très bien le faire disparaître. Ou pire, en parler à ma voisine. Ce serait la catastrophe…

Essayant d’oublier tout ça, je sors sur la terrasse et vais frapper à la porte de cette voisine qui me fait bander plus que de raison. Travailler à ses côtés est une vraie torture, tellement je suis excité du début à la fin du service. J’espère que je vais avoir mes meringues. Et plus si affinités !

— Toc, toc, toc. Je suis là pour les meringues, Clemshka !

— Vas-y ! Entre, beau blond !

Je ne me fais pas prier et pousse la porte. J’ai le plaisir de la découvrir habillée d'un petit short en jean bien moulant et d'un débardeur qui ne cache pas grand-chose de ses courbes délicieuses. Vu la vision que j’ai sur le côté de ses seins, je me dis qu’elle ne porte pas de soutien-gorge et, bien entendu, je suis de nouveau à l’étroit dans mon jean.

— Alors, pour le reste de ce paiement en nature, c’est bien ici qu’il faut venir le chercher ?

— Il paraît oui… Je t’apporte les meringues dans une minute, fais pas gaffe au bazar, soupire-t-elle en rangeant la paperasse à côté de son ordinateur.

Je ne vais pas directement voir les meringues, mais je m’approche de ces documents qui traînent, curieux. Je vois qu’il y a pas mal de courriers de la banque ainsi que des factures de fournisseurs. Je constate l’air soucieux de la jolie brune et me dis que ce ne doit pas être facile pour elle. Perdue dans ses pensées, elle regarde l’horizon et la mer par la fenêtre. Je me rapproche d’elle et pose mes mains sur ses épaules.

— Tout va bien ?

— Oui oui, pardon… Tu disais ?

— J’ai l’impression que tu es toute tendue, toute pleine de stress, dis-je en lui massant doucement les épaules et le haut des bras.

Mes doigts frôlent ses seins pendant que je la caresse doucement, admirant son profil et son corps en forme d’arabesques magnifiques. Elle reste sans bouger mais je sens ses muscles se détendre, je la sens abandonner petit à petit ses soucis pour revenir vers moi qui suis là, à ses côtés, dans une proximité toujours dangereuse pour nous deux qui ne voulons pas craquer. En tous cas, pas le premier. Parce que si elle craque, promis, je ne résiste pas ! Ce serait totalement impossible, c’est sûr !

— Tenir un restaurant, c'est du stress… Mais… Tu as des doigts magiques, Thor.

— Content que mes doigts te fassent du bien. N’hésite pas à te mettre à l’aise si tu veux un petit massage en bonne et due forme.

— Tu veux cuisiner ? rit-elle. J'ai faim et la flemme… Je suis sûre que tes doigts peuvent faire des merveilles en cuisine aussi…

— Oh si tu savais tout ce que mes doigts peuvent faire !

Je les fais traîner le long de sa colonne vertébrale, à travers l’étoffe de son débardeur, avant de m’éloigner un peu d’elle et de regarder ce que je pourrais cuisiner. Clémentine me rejoint et vient se poster à mes côtés, devant le réfrigérateur que je viens d'ouvrir.

— Tu vas vraiment cuisiner ?

— Tu veux que je fasse des merveilles ou pas ?

— Je veux manger, Alex, je ne te demande pas un truc quatre étoiles. Juste un truc fait avec amour, dit-elle avant de rougir. Enfin, tu vois ce que je veux dire quoi…

Je hausse un sourcil et la regarde avant d’opiner simplement, ne faisant pas confiance à ma voix pour ne pas trahir le désir qu’elle m’inspire. Elle dépose un petit bisou sur ma joue barbue avant d’aller s’installer sur un tabouret, les bras appuyés sur le comptoir, m’offrant un aperçu de son décolleté qui me ferait presque oublier mon nom.

Je regarde les différents ingrédients qu’elle a et réfléchis à ce que je vais pouvoir lui préparer. Je prends le guacamole qu’elle a fait elle-même, un petit bocal d'œufs de lumps et du pain de mie que je m’amuse à découper en forme de petits sapins. Avec le guacamole, je donne la couleur verte aux petits arbres que nous allons déguster et je mets les œufs pour symboliser les boules. En un rien de temps, j’ai préparé une petite entrée que je viens servir à ma jolie voisine.

— Joyeux Noël. Mauvaise saison, mais vrai cadeau de pouvoir t’admirer.

— Eh bien, on dirait que tu as de multiples talents, monsieur le babysitter. Merci.

Je souris, content que ça lui plaise. J’aime bien jouer avec la nourriture, en faire un petit moment de plaisir partagé. Et puis, ça me rappelle quand j’habitais en Russie. C’est peut-être aussi pour ça que je me plais bien dans ce restaurant traditionnel, familial. Il réveille en moi de très bons souvenirs. Je la vois porter les toasts à sa bouche et suçoter le bout de manière sensuelle. Nous attrapons le dernier morceau en même temps et aucun de nous ne veut lâcher. Si elle croit que je vais lui laisser parce qu’elle est une femme, elle se trompe en large et en travers ! Je l’ai préparé, je vais le manger ! Mais elle ne cède pas non plus ! Tout à coup, la perfide vient me déposer un petit bisou sur le nez qui me déconcentre totalement et, avant que j’aie pu réaliser ce qu’il se passe, elle gobe tout le sapin dans sa bouche !

— Oh la tricheuse ! J’en reviens pas ! Tu essaies de m’attendrir avec un simple bisou sur le nez ?

— Moi ? Mais non, voyons, pouffe Clem, une main devant la bouche alors qu'elle parle la bouche pleine. Je ne vois pas de quoi tu parles !

— Tu as encore faim, on dirait. Je peux te préparer un petit plat avant les meringues, mais l’addition risque d’être salée !

— Tu piques dans mon frigo, je paie déjà l'addition.

— Et le cuistot, il est rémunéré comment alors ?

— Par la nourriture qu'il consomme, pardi !

— Tu es dure en affaires ! Mais faisons comme ça.

Je prends deux petits steaks dans le frigo que je fais frire avec les légumes que je découpe en petits morceaux. Je rajoute un peu de paprika et des épices que je trouve dans son placard, sous son regard à la fois amusé mais aussi appréciateur. Elle me ramène deux assiettes que je remplis avec ma petite préparation et nous nous installons l’un à côté de l’autre sur le canapé.

— Bon appétit, Thor, sourit-elle. Ça fait une éternité qu'on ne m'a pas préparé à manger, c'est agréable, je pourrais m'y habituer, fais attention !

— Bon appétit, Zatchika. Tu te souviens de ce que ça veut dire ?

— Heu… Absolument pas, me répond-elle en riant.

— Mon lapin ! Enfin, plutôt ma lapine, dis-je en souriant. Je trouve que ça te va bien. Tu as des fesses rebondies comme celles d’une jolie lapine !

— Mouais… Personnellement je pense plutôt à une jolie vache en me regardant dans le miroir les jours où ça ne va pas très bien, mais si tu le dis, je vais faire mine de te croire !

— Tu es dure avec toi-même. Moi, je n’ai jamais vu une aussi jolie femme, avoué-je avant de me reprendre un peu. Elles sont où les meringues ? J’étais venu pour ça, moi, à la base.

— Sur l'étagère au-dessus du bar, dans un bocal en verre, monsieur le beau-parleur.

— Tu dois faire des miracles. Je ne suis pas un parleur, moi d’habitude.

Je récupère le bocal et en sors les meringues. Je ferme les yeux en respirant leur douce odeur de vanille et de chocolat. Je me retrouve à nouveau transporté dans un monde de douceur et de sucreries. Je voyage dans ma tête à une époque où j’étais gamin et où ma grand-mère nous préparait ces pâtisseries. Alors que je suis ainsi, les yeux fermés, je sens les lèvres de Clémentine se poser sur les miennes alors que ses bras viennent s’enrouler autour de ma nuque. Je n’ose ni bouger ni ouvrir les yeux de peur de briser le charme et me réveiller tout seul au fond de mon lit. J’apprécie la douceur qui se dégage de ses lèvres ainsi que la chaleur de son étreinte. Sa langue vient pénétrer mes dernières barrières et j’entrouvre la bouche pour qu’elles puissent se rencontrer et venir jouer ensemble. Le moment dure quelques instants qui me semblent promettre une éternité de bonheur et de plaisir. Mais elle interrompt ce moment magique et hors du temps.

— Pardon… C'était une très mauvaise idée mais… C'était ton paiement en nature.

— Attention à toi, je ne me ferai pas avoir cette fois ! J’aurai ma part de meringues, ris-je.

J’essaie de faire une petite pirouette pour faire redescendre la tension qui s’est installée entre nous. Je ne sais pas si j’y arrive vraiment pour elle, mais moi, je reste sous l’émotion de ce baiser qu’elle vient de me donner. J’ai l’impression qu’en insérant sa langue, c’est toute son âme qui est venue rejoindre la mienne. Clémentine recule d'un pas en soupirant et retourne s'asseoir sur le canapé.

— Tu peux toutes les prendre, je n'ai plus faim.

— Comment ça se fait que tu n’aies plus faim ? demandé-je, inquiet pour ses courbes.

— Là, tout de suite, j’ai envie de bien des choses qui n’impliquent en rien la nourriture. Et je ne sais pas ce qui est le pire, manger et prendre du poids, ou coucher avec toi et…

Je ne la laisse pas finir et viens l’embrasser, prenant possession de sa bouche et l’enlaçant pour lui montrer que moi aussi, je la désire, que moi aussi j’ai envie d’elle. Nos bouches s’unissent, nos corps s’épousent. Ce moment est intense, magique et fort. Alors que je viens m’installer sur le canapé à ses côtés, elle se recule un peu et me fait une petite place, interrompant ainsi notre étreinte.

— Clemchka, tu es ensorcelante, je ne peux pas résister.

— Je trouve que tu parles beaucoup pour un mec qui n’est pas censé parler, rit-elle en venant s’installer à califourchon sur moi. Je profite de ta chaleur encore ce soir, si tu le permets…

— Fais donc.

Je caresse tendrement son corps et je profite de chaque centimètre de sa peau chaude et douce que je peux toucher et caresser. Elle m’excite et je sais qu’elle en a autant envie que moi vu comment elle ronronne presque sous mes doigts. Je l’observe et la vois enlever son débardeur, mutine, en me regardant, m’offrant à nouveau la vision de sa magnifique poitrine. Ses seins sont voluptueux, bien plus gros que ceux auxquels je suis habitué, mais aussi bien plus excitants. J’ai envie d’elle. Je la désire. Je la veux. Putain que c’est dur de me retenir de lui sauter dessus !

— J’en crève d’envie, tu n’imagines même pas, murmure Clémentine avant de prendre possession de ma bouche.

— Oh Clém, ne puis-je que répondre avant que nos langues se retrouvent à nouveau à jouer ensemble.

Je me saisis de ses magnifiques seins et me mets à les caresser et à apprécier leur fermeté et leur douceur, tous ces contrastes qui la rendent belle et excitante. Ses mains ne sont pas en reste puisqu’elle les promène sur mon torse avant de venir les glisser sous mon tee-shirt, pendant que son bassin ondule doucement contre moi. Mon érection se fait exigeante, et je me contorsionne un peu sous elle pour me débarrasser de mon pantalon et libérer mon sexe qui vient se dresser fièrement entre nous. Elle se lèche les lèvres en voyant cette preuve claire et nette qu’elle me plaît et que j’ai envie d’elle. Clem reprend ma bouche en otage et je sens sa main venir se saisir de ma virilité, me faisant tressaillir contre elle. Je déboutonne comme je peux son short, ce qui l’incite à se lever. Je l’observe le faire glisser le long de ses jambes et constate, lorsqu’elle se redresse, que son apparente confiance en elle semble flancher une fois de plus. Ma voisine lutte pour ne pas se planquer derrière ses bras, et cette fragilité la rend d’autant plus attirante.

— Clem, laisse-moi t’admirer. Tu es la plus belle femme que je connaisse, lui dis-je en caressant lentement ma queue prête à venir honorer cette merveille qui s’offre à moi.

— Rien que ça ? Je suis nue devant toi, tu peux arrêter de chercher à me mettre dans ton lit je crois, rit-elle, visiblement gênée.

— Je crois que c’est dans ton canapé que je cherche à te mettre… Parce que oui, tu es vraiment très belle.

Elle ne répond pas et retrouve mes genoux, se pressant contre moi tout en venant déposer des baisers dans mon cou. Je sens son corps chaud contre le mien et caresse son dos avant que mes mains se posent sur ses hanches pour l’attirer plus près de moi. Je sens qu’elle cède dans un premier temps et que le bout de mon gland vient frôler son clitoris. Le désir est si fort que je ne peux plus résister. C’est le moment qu’elle choisit pour plonger son regard dans le mien et m’observer en caressant ma joue dans un geste tendre qui me remue un peu les tripes.

— Je sens que tu vas finir par me briser le cœur, Thor…

Là, ce ne sont plus mes tripes qui sont remuées mais tout mon être. Elle est si parfaite, si fragile quand elle s’offre autant à moi, si jolie dans son innocence que d’un seul coup, toute mon hypocrisie ressurgit. Je suis un salaud, mais il faut que je limite les dégâts, que je limite la casse et que je n’aille pas plus loin dans ma trahison. Je la repousse un peu brusquement et me lève d’un bond.

— Tu as raison, Clémentine. Je suis un gros salaud et tu ne devrais pas me faire confiance.

Et sans lui laisser le temps de répondre, je sors, mes vêtements à la main, et me précipite vers mon appartement, des larmes de rage et de tristesse dans les yeux. J’étais à deux doigts de commettre l’irréparable. Je n’ai pas le droit de lui briser le cœur, je l’ai déjà assez mise en difficulté, il faut que je la laisse tranquille, désormais. Dès demain, je lui annonce que je vais démissionner. Je ne resterai que le temps qu’elle trouve un remplaçant. C’est le seul moyen de la protéger. C’est le seul moyen de résister à cette tentation qui nous fait oublier toute raison. C’est le seul moyen de pouvoir continuer à me regarder dans la glace.

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