22. Envie à moitié assouvie

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Clémentine

Je regarde Alexei fuir mon appartement comme si je venais de lui dire que j’avais une MST. Honnêtement, je reste comme une conne, à poil sur mon canapé, à moitié à genoux, en me demandant ce qui a bien pu lui passer par la tête pour qu’il décide de se barrer comme ça, sans plus d’explications.

Est-ce que je suis frustrée ? C’est peu dire. Est-ce que je suis en colère ? Un peu, ouais. Est-ce que je me sens conne ? Totalement. J’ai du mal à comprendre quel a été le problème. Peut-être que je parle trop, après tout. Oui, bon, ok, ce n’était pas très judicieux de sortir qu’il allait me briser le cœur, mais c’est venu tout seul, je n’ai pas réfléchi, et je n’ai plus eu affaire au feu qu’il peut être, j’ai retrouvé mon iceberg en un quart de seconde. Ok, je me suis un peu emballée en lui disant ça, mais je ne l’ai pas non plus demandé en mariage !

Bon sang, je n’arrive pas à croire qu’il m’ait laissée comme ça, aussi brusquement, avide de lui alors qu’il pouvait enfin avoir ce qu’il voulait. Quand je sens à quel point ce connard m’a excitée pour me laisser frustrée comme ça, j’hésite entre le poursuivre et lui demander de finir ce qu’il a commencé ou lui hurler dessus jusqu’à ce qu’il se jette par la fenêtre et s’écrase en bas, comme le ver de terre qu’il est.

Quand je pense que j’étais à deux doigts de me faire remplir par son bel engin, et qu’il n’en a même pas profité, j’ai envie de le castrer, de lui faire comprendre que quand on m’excite, on me baise ou alors on disparaît de ma vie. Là, je ne veux plus le voir. C’est mort. Fini. Le gars, s’il pense qu’il va pouvoir revenir un jour, il ferait mieux d’apprendre à se branler parce que ce ne sera jamais moi qui lui ferai ce plaisir ! Parole de Clémentine ! Quoique. Il a quand même une belle queue qui m’aurait sûrement fait beaucoup de bien en me pénétrant. Non, Clém ! Arrête de t’imaginer des trucs comme ça. Tu es censée être en colère contre lui, pas excitée ! Maîtrise ta libido et pense avec ta tête !

Je me lève finalement et vais fermer rageusement ma véranda. Foutu mec qui aime mes rondeurs ! Je suis vraiment à deux doigts d’aller m’incruster chez lui pour lui faire la misère. A quel moment est-ce qu’il m’a menée en bateau, au final ? Est-ce que je lui plais vraiment ou est-ce qu’il s’amusait à me voir touchée par ses compliments ? Est-ce qu’il est vraiment attiré par moi ? Est-ce que… Putain, je déteste quand je doute à ce point, encore plus à cause d’un mec.

Je souffle un bon coup et range la vaisselle, passe un coup dans la cuisine, toujours à poil, et évite soigneusement mon ordinateur. Il n’a pas idée d’à quel point il est arrivé au bon moment. Je déteste les dimanches soirs. Je déteste me plonger dans la compta de la semaine, dans le courrier que je n’ai pas ouvert, dans les galères du restaurant. Et lui, il arrive, beau comme un Dieu, tout sourire, adorable et attentionné. L’échappatoire idéale.

Le silence règne chez moi comme chez lui et je me demande ce qu’il fait. Bordel, je suis sûre qu’il se tripote et ça m’agace d’autant plus. J’ai quand même tout ce qu’il faut de mon côté ! Ce n’est pas mieux que ses putains de longs doigts ? Quel mec normalement constitué va se contenter de ses mains quand il a une nana qui est prête à lui donner sa chatte ? Peut-être qu’il est gay ? Ou alors, peut-être que les Russes sont des adeptes du tripotage ? Oh la la, il faut que j’arrête. Je deviens folle, moi. Clem, reprends toi !

J’hésite encore quant à ma façon de réagir. J’ai toujours autant envie, malgré mon coup de ménage, d’aller lui dire ses quatre vérités, à ce con qui vient de me frustrer comme rarement je ne l’ai été. Il n’a aucun droit de me chauffer depuis des jours pour au final me laisser en plan de la sorte, bon sang ! Je ne suis pas un jouet, moi !

Je décide finalement d’aller me prendre un bain, histoire d’essayer de me calmer. Honnêtement, je ne suis pas sûre que ce sera suffisant. Les bains, c’est bien, mais ce n’est pas dans ces moments-là que mon cerveau fait page blanche. Je fais couler l’eau et mets un fond de musique avant de finalement me plonger dans la baignoire.

Je repense à ce qu’il m’a dit. Ne pas lui faire confiance ? Pourquoi ? Jusqu’à présent, je n’ai rien constaté qui puisse me faire douter de lui. Qu’est-ce qu’il me cache ? Qu’est-ce que je ne vois pas ? Qu’est-ce que je ne comprends pas ? Je ne peux m’empêcher d’observer mon corps dans cette eau chaude et mousseuse. Est-ce qu’il s’attendait à mieux ? Est-ce qu’il a été déçu, finalement ? Mais clairement, son érection était bien vigoureuse ! Je devais lui plaire un peu quand même pour le mettre dans cet état, non ?

Je ferme les yeux et me repasse ce moment en tête. Bon sang, nous étions si proches d’enfin céder à la tentation, de répondre à cette tension qui nous accompagne depuis un moment. J’aurais tout simplement pu me soulever pour enfin l’accueillir en moi et répondre à ce désir qui me ronge de le sentir dur et bandé au fond de moi. Je suis sûre que notre étreinte aurait été d’une vigueur à réveiller tous mes désirs enfouis !

Je glisse ma main entre mes cuisses et commence à me caresser en imaginant que Thor ne m’a pas lâchement abandonnée ce soir, mais qu’il a fini par plonger en moi pour enfin assouvir notre envie commune. Je ne me gêne pas pour exprimer mon plaisir alors que je me fais du bien, faisant aller et venir mes doigts en moi, espérant qu’il m’entend bien et se retrouve tout aussi frustré que moi. Je jouis bruyamment et ne m’en cache pas, et je me déteste de le faire en l’imaginant jouir au fond de moi. Foutu connard.

Il n’y a toujours aucun bruit de son côté lorsque j’éteins la musique après m’être séchée. Peut-être qu’il est sorti et ne m’a même pas entendue. Tant pis, au moins j’ai fini par jouir, et pas grâce à lui. Enfin, si un peu… Bref !

Je file me coucher, hyper frustrée malgré l’orgasme, et rumine encore un moment avant de réussir à trouver le sommeil. Alexei m’excite autant qu’il me frustre et je ne mentais pas quand j’ai tout pété en parlant. Je sens que mon petit cœur fragile va souffrir en sa présence et j’en ai eu la preuve ce soir, si j’en doutais encore.

Lorsque j’arrive en cuisine le lendemain, mon humeur est plutôt bancale. J’ai encore et toujours envie de l’écharper. Je me suis sans doute levée encore plus en colère que je ne l’étais en me couchant. Je déteste avoir l’impression qu’on joue avec moi et, pour le coup, difficile de ne pas avoir ce ressenti.

Je me lave les mains et m’attèle à la préparation de mes desserts en attendant l’arrivée du casse-ovaires de service qui devait passer au marché ce matin, réceptionne les livraisons tel un robot et tente de me concentrer sur mes tâches. Je n’ai aucune envie de voir Alexei ce matin, déjà parce que je ne saurais pas quoi lui dire, mais aussi parce que je ne suis pas à l’aise à l’idée de me retrouver face à lui après la scène de la veille. Peut-être que je me suis emballée et n’ai pas vu les signaux qui disaient stop ? Enfin… Un mec qui se déshabille, ça ne veut pas vraiment dire qu’il veut arrêter, si ? Je peux comprendre qu’il ait changé d’avis, vraiment, mais il y a la façon de faire, tout de même ! Le gars m’a repoussée comme un dessert dont on ne veut pas sur une table, ou une cuillère d’huile de foie de morue ! J’ai eu l’impression que c’était moi, la morue…

J’ignore totalement le macho qui pointe le bout de son nez et le laisse ranger les provisions fraîches du jour. Je crois qu’il s’y fait, finalement, à la sauce normande, même s’il ne peut pas s’empêcher de nous emmerder avec ses pâtes tous les jours. Honnêtement, il me gonfle quotidiennement, mais je fais avec. J’ai presque hâte de retrouver la cuisine salée, juste pour qu’il dégage et que Paul revienne. Je veux retrouver mon pâtissier, son sourire et ses gueulantes.

Quand Alexei fait son apparition dans la cuisine, j’en suis à sortir mes palets de meringues du four, et je trouve la coïncidence particulièrement lourde. Il passe à côté de moi sans me regarder et se dirige vers la salle de restaurant pour aller la préparer. Non seulement, ce goujat me traite comme une moins que rien, mais en plus il me snobe dans mon restaurant.

Quand il revient chercher des assiettes, je lui lance un regard que j’espère fier et méprisant, mais il ne réagit qu’en me faisant un sourire triste. Non mais, il joue à quoi, là ? Il me traite comme la dernière des catins du coin et c’est lui qui est triste ? Il abuse, le mec.

- Alexei, il faut qu’on parle. Dans mon bureau. Maintenant.

Il soupire. J’ai l’impression qu’il va refuser, mais voyant que Linguini le regarde méchamment, il lui fait un doigt d’honneur et me suit jusqu’à mon petit espace dans le couloir. Je déverrouille la porte et y entre avant d’aller m’asseoir derrière mon bureau en soupirant.

— C’est quoi, le problème ?

— Il n’y a pas de problème. On n’a rien fait.

— De ton point de vue, apparemment, il n’y en a pas… Moi, par contre, j’ai un réel problème, là. Hors de question que tu me traites comme une moins que rien sans me donner d’explication.

— J’ai évité de faire une bêtise, répond-il, toujours de manière sèche et courte.

— Très bien, pourquoi pas… Disons que ça aurait été une bêtise, je le conçois. En revanche, ta façon d’être ce matin ? Là, je ne comprends pas, et j’apprécie encore moins.

— Je suis un connard, c’est tout.

— Hum… J’ai dû t’attribuer ce doux surnom hier soir aussi, oui. Bien, soyons clairs alors. Tu ne veux pas de moi, ok, mais alors évite de me chauffer quotidiennement. Par contre, ici, on est sur notre lieu de travail, alors un minimum de professionnalisme, c’est la base. Bonjour, sourire poli, merci, s’il te plaît. Et quand le boulot est fini, chacun chez soi, y aura pas de problème, je ne suis pas du genre à m’agripper à un mec qui clairement n’a envie de rien avec moi, je ne te harcèlerai pas. Je ne demande pas la Lune, je crois.

— Clémentine, ce n’est pas que je n’ai envie de rien avec toi. C’est juste que je ne peux pas. Je ne peux pas t’expliquer, mais ça vaut mieux comme ça.

— C’est ça, le classique “c’est pas ta faute, c’est moi”, blablabla, marmonné-je. On y croit tous.

— Voilà pourquoi je suis en rage. Tu es belle, Clémentine. Mais il n’y aura rien entre nous.

Je l’observe silencieusement un moment alors qu’il se tient debout dans mon petit bureau, pas très à l’aise. Tant mieux, parce qu’il ne se rend pas compte de ce que ça me fait, cette simple conversation où tout ce qu’il dit c’est non. Pour un mec qui m’a quotidiennement regardée avec envie, c’est totalement incompréhensible.

—J’ai compris, c’est bon, je ne suis pas stupide. C’est sans doute mieux comme ça, j’ai autre chose à foutre que de me compliquer la vie avec un mec qui ne sait pas ce qu’il veut. Tu peux retourner bosser.

— Je sais ce que je veux. Mais dans la vie, on n’a pas toujours ce dont on rêve. Le Père Noël n’existe pas.

— Il suffit de se battre pour ce qu’on veut, mais si t’as pas les épaules, pas de problème, soupiré-je en sortant de mon bureau.

Il me jette un regard noir et torturé qui me ferait presque avoir honte de la façon dont je viens de le rabaisser. Mais il fait le choix de ne pas répondre et me suit jusqu’à la cuisine où Linguini nous accoste avec son humour à deux balles :

— C’était rapide, même pour un petit coup au bureau.

— Y a pas besoin de beaucoup de temps pour atteindre l’orgasme quand le mec a des couilles et sait se servir de son service trois pièces autrement que pour emmerder son monde, tu sais.

— Vu la tête qu’il tire, il a pas dû apprécier le voyage, ricane le chef cuistot.

— Il pleure après l’orgasme, j’y peux rien, moi, dis-je en me remettant à ma tâche.

— Ou alors, il aime pas les grosses.

Il n’a pas le temps de finir sa phrase qu’Alexei, impassible jusque là, se retrouve d’un bond près de lui. Je le vois soulever d’une main Linguini et le plaquer contre le mur de la cuisine.

— Tu retires ce que tu as dit. Clémentine est belle et en aucun cas grosse. Tu l’insultes encore et je te coupe les couilles, Capice ?

— Lâche-moi, Ruskof. Ou je porte plainte et tu retournes dans ton pays.

— Eh les mecs, arrêtez avec vos hormones. Linguini, tu m’insultes encore une fois, je te vire, compris ? Et toi, Alexei, tu menaces encore quelqu’un de le tuer, je te vire aussi. Hors de ma cuisine, tous les deux. Maintenant !

Alexei relâche sa prise et sort sans un mot alors que Linguini se retrouve affalé par terre et se touche le cou.

— Je vais aller porter plainte contre lui, c’est pas possible, ça ! Tu pourras témoigner, en plus !

— Je ne témoigne de rien, je n’ai rien vu, et je ne t’ai pas entendu non plus. Sors de là, va prendre l’air et fous-moi la paix.

— Tu es de son côté, je vois. Ça ne se passera pas comme ça ! Je vais me plaindre à ton oncle, dit-il en sortant enfin, son téléphone à l’oreille.

Se plaindre à mon oncle ? Qu’est-ce qu’il peut bien en avoir à foutre de leurs problèmes de mecs ? Bon sang, mon père se retournerait dans sa tombe en voyant le bordel dans sa cuisine. Je pourrais trouver mignon qu’Alexei me défende, mais c’est plus agaçant qu’autre chose quand je vois comme il m’a rejetée hier soir et comme il est aujourd’hui avec moi. Là, j’ai juste envie de partir loin de toute cette merde, restaurant, employés de merde et voisin bipolaire inclus. Je n’en peux plus d’être toujours sur la corde pour tout, de n’avoir aucun espace sécuritaire, de toujours risquer de basculer dans la galère, c’est tout simplement épuisant.

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