23. Voix de Nanas

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Alexei

Ces derniers jours n’ont pas été marrants. Tout le monde se ligue contre moi, j’ai l’impression. D’abord, il y a Linguini qui n’a pas apprécié que je le remette à nouveau à sa place suite à ses insultes. Et puis, il y a Hervé à qui le chef ducon a fait un rapport, bien sûr. Il m’a demandé ce que je foutais. J’ai répondu que je cherchais à gagner la confiance de Clémentine. Tu parles. Là, la confiance est en dessous de zéro. Elle croit que je l’ai jetée car elle n’est pas à mon goût alors que je n’ai jamais autant apprécié une femme. Elle n’a tellement pas confiance en elle qu’elle ne se rend pas compte que le problème vient vraiment de moi. Je lui ai dit que j’étais un salaud, un connard, et je le suis. Mais elle ne s’en rend pas compte tellement elle est aveuglée par ses complexes. Dans quel merdier je me suis mis ?

Cela fait aussi quelques jours que je n’ai plus aucune nouvelle de Russie. Ma fille ne répond pas aux messages. Dimitri non plus. Même pas pour me réclamer mon fric. Même pas pour me faire chanter sur la vie de ma fille. C’est inquiétant alors que la deadline approche pour le paiement. Peut-être qu’il a perdu patience. Si c’est le cas, tout ce que je fais, c’est pour rien. Ce serait encore plus terrible et jamais je ne m’en remettrais. Cette pensée me conforte un peu dans ma décision de ne pas céder à la tentation que représente ma voisine.

En parlant d’elle, je crois qu’elle a décidé de tout faire pour m’oublier ou en tous cas oublier la frustration que j’ai créée chez elle. Ce soir, elle a toutes ses copines qui sont venues. Je les entends rire et s’amuser à côté. Elles sont sur la terrasse et profitent de cette douce nuit de la fin août. On a eu un orage dans l’après-midi, l’air s’est un peu rafraîchi et la soirée est vraiment agréable. J’ai entrouvert ma porte pour faire entrer l’air frais à l’intérieur. Mais cela implique que j’entends tout ce qu’elles font et tout ce qu’elles se disent. Pas discrètes, les filles. Mais en même temps, pourquoi le seraient-elles ? Il n’y a que moi qu’elles peuvent déranger, et je crois que ça, Clémentine s’en moque totalement.

J’essaie de me concentrer sur mon ordinateur et l’émission d’informations russes que je tente de regarder, mais elles sont vraiment trop bruyantes. Ou bien peut-être que je suis trop curieux. Je tends l’oreille.

— Attends, il t’a vraiment accostée en te disant qu’il en avait une petite mais était très doué de ses doigts ? Les mecs sont dingues, s’esclaffe Clem.

— Non mais, le pire, c’est qu’il a levé deux doigts et fait comme s’il les remuait dans… Enfin tu vois quoi ! Et Zoé derrière son bar qui se marrait, je te jure ! Elle faisait des mouvements de langue dans un verre, écœurant !

— Ok, tu as la palme du pire plan drague ! Même si avec Mathou, on a eu pas mal de mecs bizarres dans le sud !

Tout de suite, je suis plus intéressé. Comment peut-elle ne pas avoir confiance en elle alors qu’elle a l’air d’avoir du succès avec les mecs ? Et pourquoi j’ai mis toutes mes chances en l’air avec elle ? Un vrai con, je vous dis… Mais bon, au moins, je me rassure en me disant que je n’ai pas à me plaindre de la taille de mon sexe ! Jamais des filles ne parleraient de moi comme ça !

— Raconte !

— Sers-moi un autre Mojito d’abord, et pas avec ton sirop à la con, je ne fais pas pousser de la menthe dans mon jardin pour rien !

— Il arrive, il arrive, allez, dis-nous !

— Mathou a eu le plaisir de découvrir un mec nu dans le truck un matin. Si vous l’aviez entendu hurler, même moi ça m’a sortie du lit en moins de deux. Et le pire, c’est qu’elle est venue me chercher en me disant que le cadeau était pour moi ! Non mais, les filles… Il s’était entouré la queue d’un ruban ! Je vous jure ! A poil dans ma mini-cuisine ! Et Mathilde était pétrifiée, genre, notre Mathou, la nana qui passe sa vie à chercher des coups d’un soir ! rit Clem. Je suis prête à parier que la taille de ses attributs l’a choquée, la pauvre !

— Comment ce mec a débarqué chez toi ? Tu l’avais invité ? Et sa queue, grosse comment ? Comme ton gode là ?

— Mathou avait ouvert avant une envie pressante, cette andouille. Et non, je n’avais absolument pas invité le gars même si je l’avais bien repéré la veille au soir ! Pour le reste… Il n’avait rien à envier à mon gode, je peux vous l’assurer ! Santé, les filles !

— Eh Clem, c’était la plus belle bite que tu avais vue ?

Ces filles sont folles. Je suis estomaqué par leur liberté de parole, et énervé de penser à tous ces gars que Clem a fréquentés. J’imagine tous ces mecs qui l’ont mise dans leur lit, eux. Pas cons comme moi. J’enrage intérieurement.

— Assurément dans le top cinq, ouais. Mais… Il savait pas s’en servir, le bougre. Le Truck n’a pas beaucoup tremblé quand j’ai fini par vraiment l’inviter, et il n’avait pas remis son joli nœud rouge.

— Moi, je suis sûr qu’un mec qui ferait tout trembler, c’est ton serveur, dit une voix que je n’arrive pas à reconnaître, un peu moins fort sûrement par souci de discrétion, j’imagine, mais c’est raté. J’ai entendu. Mais qui a pu dire ça ?

— Tu parles, il réveille la maison et déchaîne une tempête de glace la seconde suivante, bougonne Clémentine.

— Ah oui ? Raconte ! Tu l’as essayé, le Thor ?

— Chut ! Parle moins fort ! J’ai rien essayé du tout… Cet abruti m’a jetée comme une merde après m’avoir fait du gringue pendant je ne sais combien de temps. Je comprends pas, c’est comme s’il avait lancé un signal de détresse en pleine mer pour ensuite dire au bateau remorqueur qu’il n’avait pas besoin d’aide, je vous jure, je pige plus rien à ce mec.

— Il a peut-être un blocage côté sexuel ?

— Ça veut dire qu’il est libre ? Tu nous le laisserais ?

— Noémie ! Calme-toi voyons ! Tu vois bien qu’elle s’est pas remise de sa déception ! Tu es conne ou quoi ? Lui pique pas son mec même s’il a déconné !

— C’est pas mon mec. Plutôt me taper Linguini que de me prendre un nouveau râteau. Fais ce que tu veux, je m’en fous.

— Peut-être que je devrais aller le rejoindre ? Il doit être tout nu dans son lit. Je me demande s' il a une belle queue.

Eh bien, Noémie a vraiment l’air de fantasmer sur moi ! En d’autres temps, cela m’aurait sûrement excité, mais là, tout ce à quoi je pense, c’est le ton employé par Clémentine. Je ne suis pas son mec, elle s’en fout de moi, au moins, les choses sont claires.

— Ça, je pourrais te le dire, mais j’ai envie de garder la réponse pour moi, rit Clem.

— Oh non ! Dis-nous, Clem ! Dis-nous que tu n’as pas été déçue !

— Déçue ? Clairement que je l’ai été, putain ! Ce con s’est dessapé avant de se barrer !

— Elle était bonne à ce point là ?

— Ce type a définitivement tout pour plaire, si ce n’est des couilles. Enfin, il les a physiquement, mais le courage d’aller au bout et d’assumer, en revanche, non.

— Putain, le con. Tu sais Clem, il n’avait peut-être juste pas envie d’un coup d’un soir ?

— A aucun moment il n’a été question de coup d’un soir, de relation ou autre, bordel, on était juste dans le mood, il a répondu favorablement et d’un coup plus personne. Il s’est barré sans une explication. Bref, on s’en fout. Saute-lui dessus, invite-le à dîner, demande-le en mariage, j’espère qu’il sera moins con avec toi qu’avec moi, c’est tout. De toute façon, j’ai bien d’autres choses à penser, plus importantes qu’un mec.

Je me demande si un jour je vais réussir à rattraper tout ça. Parce que clairement, j’en ai envie. J’ai toujours autant envie d’elle. Mais je ne me donne pas le droit de céder à la tentation.

— Clem, on peut pas vivre sans mec, intervient Mathilde. Tu fais comment pour te soulager ? Juste ton gode ?

— J’ai pas dit que je finirai ma vie sans mec non plus. Juste… Je sais pas, un mec moins compliqué que mon voisin ? Thomas a repris contact avec moi, en parlant de ça.

— Oh ! “Le” Thomas ? Celui que tu avais jeté parce qu’il avait manqué ton anniversaire pour un match de foot ?

— Ouais, je l’ai croisé en ville l’autre jour, toujours aussi beau, toujours aussi gentil, mais toujours aussi accro au foot. Je me voyais bien avec lui à l’époque, mais j’en pouvais plus de ses soirées entre potes. Aujourd’hui, je sais pas, je m’en fous, je passe mes soirées au restau, de toute façon. A voir.

— C’était lui le pro des levrettes, non ?

Je bouillonne. Putain, elle a recroisé un ex en plus ! Et un champion de la chevauchée. Mais c’est pas possible, ça ! Elles veulent ma mort, ou quoi ? Ce Thomas, je ne le connais pas, mais j’ai déjà envie de le défoncer.

— De la levrette et de bien d’autres choses, oui, rit Clem sans avoir conscience de mon énervement. Au bar, il pourrait draguer en disant être doué avec ses doigts et sa bouche, et même se vanter d’en avoir une belle !

— Oh Clem ! Tu me fais trop mouiller là avec tes conneries !

— Crois-moi, je suis sûre que la cuisine de mon père se souvient encore de nos ébats !

— Tu l’as fait dans la cuisine ? Tu n’as pas eu peur que ton père te surprenne ?

— Honnêtement ? C’est pas vraiment à ça que je pensais à ce moment-là.

Honnêtement ? Moi, c’est à ça que je pense. Enfin, ça, c’est surtout Clem, accoudée contre le plan de travail, les fesses à l’air, avec un petit minot qui la besogne. Je suis tellement énervé que je fais les cent pas dans mon salon. A chaque détail qu’elle rajoute, ma frustration et ma jalousie augmentent. De rage, je jette une chaise contre la table. Je me fous du bruit. Je vais tuer quelqu’un, là, pas possible autrement. Le silence s’est fait sur la terrasse jusqu’à ce que j’entende Clémentine.

— Tout va bien, cher voisin ?

— Je profite du calme de la campagne, répliqué-je sèchement.

— Oh, pardon, nous sommes trop bruyantes ? Je suis désolée, nous allons faire un effort, me dit-elle bien trop poliment.

— Youhou Alexei ! C’est Noémie ! Et si tu venais nous rejoindre ?

Elle est folle ou quoi ? Je vais aller faire quoi, moi, là-bas ? Encore un coup à m’attirer les foudres de ma voisine. Mais en même temps, elle va se taper son Thomas… Pourquoi je n’en profiterais pas, moi aussi ?

— Aïe, couine Noémie alors que des murmures se font entendre.

— Je m’habille un peu et j’arrive, dis-je avant qu’elles ne changent d’avis.

Je ne sais pas si c’est une bonne idée, mais ce sera toujours mieux que de continuer à me morfondre dans mon coin. Et peut-être que les révélations salaces vont s’arrêter ! Rajouter un peu de testostérone à leurs hormones, ça ne peut qu’être bénéfique !

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