41. Une amie à l'écoute

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Alexei

Le service s’est bien passé ce soir. Avec Mathilde en cuisine, même si ce n’est pas parfait, Clem a l’air de mieux s’en sortir. Elle a aussi l’air d’être moins froide et distante avec moi, même si sa meilleure amie ne se gêne pas de la ramener à la réalité quand elle dévie vers un peu trop de gentillesse à mon égard. Elle a l’air de plus m’en vouloir que Clem. Un vrai chien de garde !

De mon côté, j’ai fait ce que j’ai pu pour que les choses se passent au mieux. Plusieurs fois, je suis intervenu discrètement en cuisine pour corriger un truc que la rousse a fait de travers. Je me suis même permis, une fois, de lui donner un conseil direct. Elle m’a alors fusillé du regard, mais a rajouté les épices comme je lui ai indiqué, se rendant compte que j’avais raison. Plusieurs fois, j’ai surpris son regard posé sur moi. Un mélange de haine et de curiosité, de colère et d’intérêt. Elle est tellement dans son rôle d’inspectrice en cheffe à mon égard qu’à un moment, j’en ai eu assez et je me suis planté devant elle. J’ai levé mon index et mon majeur et j'ai fait aller et venir mes doigts entre mes yeux et les siens pour lui signifier que moi aussi je la regardais. Cela a au moins eu le mérite de la faire sourire.

Quand je rentre chez moi, j’ai le sentiment du devoir accompli. Et maintenant que Clem sait qui est son ennemi, elle va pouvoir se défendre. Je ne sais pas si j’en aurai l’occasion, mais je suis prêt à faire tout ce qu’elle me demandera pour l’aider.

— Coucou Lisa. Tu ne dors pas encore ? demandé-je à ma fille, assise devant son petit meuble qui sert de bureau, en lui donnant un petit bisou.

— Ben non, tu vois bien que je dors pas, rit-elle.

— OK, je pose ma question différemment. Pourquoi tu dors pas ? Tu fais quoi ? Il est tard, là, tu sais.

— J’avais pas sommeil. Je préfère étudier le Français.

— Tu es allée dire bonne nuit à Clem ?

Je sais que quand elle ne dort pas et qu’elle entend notre voisine rentrer chez elle, ma fille ne rate pas une occasion d’aller passer un peu de temps avec elle.

— Non, Mathilde, elle est trop bizarre, et je crois qu’elle est rentrée en même temps que Clem. Tu crois que Clem va venir me dire bonne nuit, si j’y vais pas ?

— Ça m'étonnerait. Elle est toujours fâchée contre moi. Je suis désolé, ma chérie, mais elle a du mal à me pardonner…

— C’est nul, bougonne Lisa en se levant pour aller se mettre au lit. Moi, j’ai rien fait.

— Attends une seconde, dis-je en souriant, alors qu’une idée m’est venue.

Je me dirige vers la salle de bain et frappe à la porte de la chambre de Clem, espérant que ce sera elle qui m’ouvrira, mais, pas de pot, c’est Mathilde. Elle est juste vêtue d’un petit short et de son soutien-gorge qu’elle s’apprêtait visiblement à ôter.

— Tu veux quoi, là ? Clem est aux abonnés absents !

— Ce n’est pas moi qui la demande, dis-je.

— Bah voyons, l’excuse de la gamine, t’as pas honte, sérieux ?

— Écoute, Mathilde, ma fille adore Clem, et là, elle a envie d’un petit câlin. Tu peux comprendre ça, non ? Et, pour te rassurer, je te propose un deal. Clem vient dans mon appart et moi, je reste ici avec toi, comme ça, pas de souci. Je ne risquerai pas de faire une bêtise. Ça t'irait ?

— C’est ça, comme si ça allait changer quoi que ce soit. Je les vois bien, tes yeux de merlan frit tous les jours. Tu devrais avoir honte d’utiliser ta fille pour te rapprocher de Clem !

— Laisse, Mathou, intervient Clem en posant un bras sur celui de sa meilleure amie. J’aime beaucoup Lisa qui me le rend bien. Je vais y aller. Surveille Thor, s’il te plaît. On ne sait jamais… Au cas où ce pervers viendrait à essayer de draguer mes photos, rit-elle en me repoussant un peu pour se frayer un chemin vers ma fille.

En voilà une qui sera contente au moins, car Mathilde me jette un regard noir alors que je m’assieds sur le canapé de Clem où clairement, Mathilde allait s’installer pour dormir. Je me décide de la provoquer un peu.

— Je gêne ?

— Oui, Clem et moi, on allait sortir les sextoys pour s’éclater entre filles pendant que tu te retrouves tout seul comme un con dans ton grand lit.

Je manque de m’étouffer un peu, surpris malgré moi par les paroles de la rousse qui n’a pas sa langue dans sa poche.

— Si vous en êtes à utiliser des sextoys, c’est que vous n’êtes pas très accompagnées non plus. Je ne reste pas très longtemps, n’hésite pas, fais comme si je n’étais pas là !

— Je vais attendre Clem, c’est vachement plus agréable à deux, elle a des mains magiques, tu sais, dit-elle en me faisant un clin d'œil.

— Je sais, oui, tout est plus agréable avec Clem, soupiré-je. Elle me manque, tu sais ? Mais bon, j’ai merdé, il faut que j’assume.

— C’est clair que t’as merdé. Tu t’attendais à quoi, sérieux ? T’as même de la chance d’être encore ici.

— Pour ma défense, j’ai merdé avant de savoir qui elle était vraiment. Maintenant, non seulement je regrette, mais j’ai envie de réparer mes conneries.

— C’est facile de regretter, Thor ! En attendant, c’est ma meilleure amie qui souffre, et ça me donne envie de te couper les couilles avant de te les faire bouffer.

— Non, ce n’est pas facile de regretter. J’ai l’impression que la femme de ma vie en est sortie de ma vie. Pour toujours. J’ai horreur de la voir comme ça, tu sais ? Si j’avais confiance en tes qualités de cheffe cuistot, je pense que je me couperais moi-même les couilles pour que tu les cuisines !

— Clem ne pardonne pas faci… Attends, t’as dit quoi là ? La femme de ta vie ? Rien que ça ?

— Oui, j’avais enfin trouvé la femme parfaite. Et j’ai tout abîmé. Je ne suis qu’un connard de toute façon, tu dois être contente que je ne fasse plus partie de la vie de ton amie, non ?

— Moi, tout ce que je veux, c’est que mon amie soit heureuse. Quand tu vois que son propre oncle est le pire des crevards, ça me donne juste envie de la kidnapper et de l’éloigner de toute personne capable de la faire pleurer.

— C’est vrai qu’elle est pas gâtée. J’en reviens toujours pas de ce qu’il a pu faire contre elle. Sa propre nièce ! C’est fou. Heureusement qu’elle t’a, toi, dans sa vie. Tu vas rester un peu ? Sans toi, elle ne tiendra pas le restaurant, tu sais ?

— Je ne sais pas, soupire Mathilde, bien moins agressive que depuis qu’elle est revenue. Je suis pas faite pour ce genre de poste. J’aime voyager, moi, voir du paysage. Clem aussi d’ailleurs, je sais pas pourquoi elle s’acharne avec le Plaisir Normand. Son père lui a lavé le cerveau pendant des années avec ce restau, et même une fois dans l’au-delà, il lui dicte sa vie…

— Je crois que personne ne lui dicte sa vie. Clem est forte et fait ce qu’elle veut. Tout le temps. Elle est vraiment incroyable, si pleine de vie, si pleine d’envie. Il n’y en a pas deux comme elle, en tous cas.

— Ah ça tu peux le dire ! Et… Elle fait ce qu’elle veut au lit aussi ? rit-elle. Thor se fait mater ?

— Ahah ! Elle ne te dit donc pas tout ? Elle ne te raconte pas comment elle aime m'offrir ses si jolies fesses alors que je la chevauche ? Il faudra qu’elle te raconte aussi la fois où je lui ai laissé faire toutes ses envies. Thor ne se fait mater que quand il le veut bien, petite curieuse.

— Clem ne m’a rien dit te concernant… Enfin, rien de sexuel ou presque, juste à quel point elle s’est sentie trahie.

— Tu m’étonnes. Je me voyais déjà vivre avec elle, moi. Et voilà que je suis condamné à l’oublier et à essayer de passer à autre chose alors que, tout ce que je veux, c’est la rendre heureuse à mes côtés. J’ai vraiment besoin d’elle, Mathilde. Il faut que tu me croies sur ce point-là, au moins.

— Imaginons une seconde que je te croie. Qu’est-ce que ça changerait ?

— Tu pourrais peut-être lui dire de me donner une deuxième chance ? Tu sais que je ferais tout ce que je pourrais pour la rendre heureuse et sauver le restaurant ?

— Non, je ne le sais pas, Alexei. Tout ce que je sais, tout ce que je vois, c’est que tu as l’air accro et que même en l’étant, tu n’as pas été capable d’être honnête.

— Oui, j’aurais dû lui dire, mais c’est facile a posteriori de savoir ce qu’il aurait fallu faire. Je n’avais pas envie de la perdre, et finalement, ça s’est retourné contre moi. J’ai même essayé de lui dire, de la prévenir, mais à chaque fois, elle n’a pas écouté mes allusions.

— Donc, c’est sa faute ? bougonne-t-elle en me regardant sévèrement.

— Non, du tout. La pauvre n’est coupable que de confiance… Mais bordel, ça fait chier de ne plus avoir la possibilité de l’aider. De ne plus avoir la chance de s’aimer.

— Qu’est-ce qui te fait croire qu’elle t’aime ?

— Je ne sais pas. Vu ce que je ressens pour elle, ça me semblerait naturel qu’elle aussi partage ce sentiment. Mais je me trompe sûrement.

— Elle t’aurait déjà foutu à la porte si elle n’avait pas de sentiments pour toi. C’est ce qui m’énerve le plus, tu lui as piétiné le cœur comme si tu montais les marches, c’était brutal et ça me donne envie de te faire souffrir.

— C’est pas ça qui va aider Clem à se sentir mieux.

— Qu’est-ce qui ne va pas m’aider à me sentir mieux ? nous interrompt justement ma voisine.

Je ne sais pas quoi lui dire et me contente de sourire bêtement, laissant à Mathilde le soin de répondre à cette question.

— Heu… Que je lui coupe les couilles et m’en fasse un collier ! Ou des boucles d’oreilles, tiens ! Mais bon, ça risque de peser sur mes lobes, vu qu’il baise plus depuis qu’il a été un vrai connard avec toi.

— Lisa s’est endormie ? demandé-je dans l’espoir de changer la conversation qui me met de plus en plus mal à l’aise.

— Oui, tu peux rentrer. Enfin, à moins que vous préfériez que je ne vous laisse l’appartement, tous les deux… Vous avez finalement l’air de bien vous entendre.

— Clem, c’est plutôt moi qui devrais aller dormir à côté ! s’exclame son amie. Pour vous laisser discuter un peu. Quitte à ce que tu le vires de ta vie, tu devrais faire ça proprement et le faire après une putain de discussion !

— J’ai pas envie de discuter, je suis crevée. Vous m’emmerdez à vouloir discuter, c’était avant qu’il fallait le faire.

— Elle a raison, Mathilde. C’était avant qu’il fallait le faire, dis-je en me levant. Merci Clem, d’avoir accepté la demande de Lisa. Bonne nuit à toutes les deux.

Je retourne dans la salle de bain qui est en train de devenir un vrai couloir. Alors que je pose la main sur la poignée de mon appartement, je sens celle de Mathilde qui se pose sur mon bras.

— Je vais voir ce que je peux faire pour qu’au moins vous puissiez vous parler, Thor. Mais je te jure une chose. Tu la fais encore souffrir, ne serait-ce que quelques secondes, je t’écorche vif et je me fais un ragoût de tous tes organes bien cuits !

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