51. Equipe gagnante

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Alexei

Elle a dit oui ! J’en reviens pas ! Dans ma tête, je m’étais fait à l’idée qu’elle allait retrouver sa place et me faire reprendre mon rôle de serveur pour éviter que je ne provoque de nouvelles catastrophes. Je m’étais même convaincu que c’était mieux pour moi, parce que c’est vraiment usant d’être chef. Jamais je n’aurais cru qu’elle puisse à nouveau me faire confiance vu comment elle doutait de moi. On dirait qu’avec la fièvre, tous ses doutes ont fondu. Et je ne vais pas m'en plaindre !

— Clem, puisque te voilà revenue en cuisine, on reprend une carte plus normale ? J'ai un peu diminué les choses vu que j'étais seul.

—Il y a de quoi assurer quelques plats supplémentaires dans le stock ? me demande-t-elle en se frottant la joue avec sa main pleine de farine.

— J'ai gardé tes stocks habituels, oui. Il manque juste quelques produits frais… J'ai fait au mieux.

— Ok… Voyons voir ce qu’on a, alors. Si cuisiner Normand ne te dérange pas trop et que tu peux supporter ça sans finir aussi con que Linguini, y a sans doute moyen de rajouter quelques trucs.

— J'aime bien cuisiner Normand, même si j'ai l'impression de n'être qu'un imposteur qui copie… Tu veux rajouter quoi ? Si tu m'expliques, je suis prêt à essayer de nouveaux plats !

— Allons voir dans la réserve, si tu veux.

Je la suis et me rince l'œil sur ses fesses bien moulées dans son jean. Je sens que je vais vraiment apprécier ma promotion en tant que chef car je vais pouvoir profiter de la vue quasi constante sur ses magnifiques courbes. Je devrais d'ailleurs peut-être négocier une prime de risque : si je passe mon temps à bander, ce n'est pas bon pour la concentration !

Perdu dans mes pensées, je ne fais pas gaffe et viens la percuter alors qu'elle est en train de déverrouiller la porte. Son corps entier se cambre contre le mien alors qu'elle se retient en s'appuyant sur la porte. La position est si excitante que je suis à deux doigts de craquer et lui baisser son jean, mais je me retiens et me recule un peu.

— Désolé, Clem. J'étais dans mes pensées.

— Va falloir te concentrer un peu si tu ne veux pas finir avec quelques doigts en moins, rit-elle en entrant dans la réserve.

— Va falloir que je m'habitue à travailler avec une femme jolie comme toi, en effet.

Clémentine reste silencieuse et vérifie les stocks, récupérant quelques produits et me les collant dans les bras au fur et à mesure. Elle finit par me sourire en me montrant une pile de Camembert qui viennent d’une petite ferme du coin.

— Je crois que tu vas finir en parfait petit Normand, Thor. Une petite tarte au Camembert et aux lardons ? Accompagnée d’une salade, c’est un délice. Voilà le secret de mes formes, rit-elle en récupérant les fromages.

Lorsqu'elle se penche pour les prendre, ses fesses viennent frotter contre mes jambes et, dans ce petit espace, je ne peux faire autrement que profiter. Ça va vraiment être compliqué de passer mes journées excité comme ça.

— Prends-en un de plus, Clem. Il ne faudrait pas que tes formes souffrent d'un manque de fromage !

— Oui, et mon cholestérol non plus, j’imagine ! Allez, sortons de là. C’est… Il fait plutôt chaud ici.

Je souris, fier de l'effet que notre rapprochement a sur nous. Je m'installe derrière mon plan de travail et j'essaie de me concentrer sur ma tâche. Clem vient souvent à mes côtés pour me montrer un geste, rajouter un ingrédient ou simplement regarder comment je travaille. Ces moments où nous sommes deux sont précieux et j'avoue que je les apprécie plus que de raison.

Je l'observe sans me cacher, assumant clairement le désir que j'éprouve à sa vue. Elle a l'air un peu gênée de son côté mais reste joueuse. Notamment quand elle se met à lécher sa cuillère couverte de crème, avec sa langue qui va et vient sur l'ustensile alors que son regard ne me quitte pas.

— Il fait chaud ici aussi, tu ne trouves pas ?

— Je peux ouvrir la fenêtre si tu veux, sourit-elle.

— Pas sûr que ça suffise…

— Tu devrais peut-être aller te baigner dans la Manche alors, histoire de te rafraîchir les idées.

— Oui, sûrement…

J'aurais bien rajouté quelque chose, mais Jérôme et Sonia arrivent à ce moment là pour préparer la salle.

— Oh Clem ! Tu es revenue ! Ça fait plaisir de te revoir, lui lance Sonia en l'étreignant contre elle. Tu as l'air en pleine forme !

— Oui, du repos et ça repart, sourit Clem en la serrant contre elle. Vous allez bien ? Le chef russe n’a pas été trop insupportable ?

— Il a juste assuré le service. C'est pas un vrai Chef car il n'a pas râlé une seule fois contre ses serveurs ! Il était trop drôle avec ses "s'il vous plaît" !

— Trop de politesse, Monsieur Lioubov, s’ils ne se font pas engueuler, ils finissent par se relâcher, rit ma patronne en me faisant un clin d'œil.

— Après Linguini, c'est un changement agréable, non ? Et ils n'ont jamais autant bossé, je t'assure ! On dirait que ça les motive quand tu n'es pas là !

Je lui tire la langue et me remets à étaler les morceaux de Camembert sur la pâte. J'essaie de me concentrer, vraiment, mais mon cerveau me ramène toujours à la femme qui partage la cuisine. L'atmosphère s'est clairement réchauffée entre nous et j'en suis ravi. Mais j'ai l'impression qu'elle est toujours un peu sur la réserve, qu'elle se réfugie toujours derrière des barrières qu'une partie d'elle veut faire tomber. C'est troublant, cette résistance mêlée à l'attirance.

— Alex, tu peux venir goûter ma crème ? Je me demande si je ne devrais pas ajouter du sucre…

J'ai bien envie de goûter à sa crème, mais ce n'est pas du sucre que j'ai envie de rajouter.. Pourquoi je ne pense qu'à ça aujourd'hui ? Je suis vraiment aussi en manque que ça ?

Je m'approche et elle me tend une petite cuillère couverte d'une crème délicieuse. J'en ferme les yeux de plaisir tellement c'est bon.

— Parfaite ! énoncé-je en la regardant, la cuillère vide à la main.

— Vraiment ? Tu es sûr ? J’ai l’impression de ne pas avoir récupéré tout mon goût avec ce rhume.

— Parfaite, répété-je en regardant ses beaux yeux verts qui me font perdre tout contact avec la réalité.

— Merci, dit-elle en venant déposer un baiser sur ma joue.

Le service débute alors et les commandes s'enchaînent. Je suis content que Clem soit là car on dirait que toute la ville s'est donné rendez-vous au restaurant. Jamais je ne m'en serais sorti tout seul. La demande est telle que la jolie brune vient s'installer à mes côtés et nous produisons à la chaîne. Et tout ça sans nuire à la qualité au vu des retours que nous font Sonia et Jérôme.

— L'escalope est un succès ! Tout le monde se régale !

— La tarte, il en reste ? La 23 en redemande !

— Clem, tu as toujours de la mousse ?

— Purée, on n’a bientôt plus de glaces !

L'agitation est folle et je suis content, cela veut dire que les bénéfices vont être bons. Quand tout ça se calme légèrement, je prends un peu de temps pour me détendre. J'enlève ma coiffe et m'installe près du plan de travail où Clem finit de préparer tous les desserts. Elle est adorable sous son tablier barbouillé de chocolat. Je me surprends à l'imaginer avec juste ce tablier, sans autre vêtements, et je bande à nouveau.

— Quel service ! Heureusement que tu es revenue !

— Ça fait du bien de revenir. J’ai beau me plaindre du boulot, ça me manquait…

— Clem, merci en tous cas. Tu ne peux pas savoir ce que ça me fait du bien de voir que tu me fais à nouveau confiance. Je pensais que tu n'y arriverais plus jamais…

— Je t’ai dit que j’avais besoin de temps, Alex, c’est tout, me dit-elle calmement. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde trouve ça anormal que je demande un peu de temps. Mathou m’a cassé les ovaires comme rarement. Bref, je n’ai jamais dit que ce n’était pas possible, juste que je n’étais pas prête. Et… Enfin, disons que professionnellement, je suis prête, c’est déjà une avancée.

— J'espère que je vais être à la hauteur, en tous cas. J'ai la pression pour réussir. Et promis, si je rate une recette un jour, ce ne sera pas volontairement !

— Tâche de ne rien rater, au moins je n’aurai aucun doute, sourit-elle.

Alors que je vais lui répondre, Sonia entre à nouveau dans la cuisine et nous interrompt.

— Il y a un client qui veut parler au chef. L’un de vous peut aller voir ce qu’il a à dire ?

— C’est pour toi, Clem, c’est toi la patronne, dis-je dans un sourire.

— Mais c’est toi le chef ce midi, même si c’est moi qui paie, rit-elle. J’ai encore des desserts à préparer, en plus, vas-y, toi.

— Bon, on y va à deux, alors ? Je ne me vois pas y aller tout seul, je ne saurai pas quoi lui dire.

— Très bien… Y a pas grand-chose à dire, tu sais. Merci, oh oui merci. L’ingrédient secret ? Ce ne sera plus un secret si je vous le dis, dit Clem en prenant une voix mielleuse.

— Et s’il dit qu’on a failli l’empoisonner ? Tu as aussi une réponse toute prête ?

— Hum… Qu’est-ce que j’ai dit déjà, à l’autre abruti la dernière fois ? Ah oui. Je suis désolée Monsieur, je ne comprends pas… Évidemment, le repas vous est offert. Est-ce que je peux vous proposer autre chose ? Toutes mes excuses. Un truc dans le genre. Tu ranges tes couilles et t’encaisses, quoi… Mais pour ce que j’ai goûté, il ne devrait pas y avoir de problème.

— Tu as vraiment réponse à tout !

J’éclate de rire avant de l’entraîner avec moi pour aller à la rencontre de ce mystérieux client. Il s’agit d’un homme aux cheveux grisonnants, habillé d’un costume anthracite qui respire l’argent. Je laisse Clem prendre la parole et gérer le début de l’échange.

— Bonjour Monsieur. Je suis Clémentine, et voici mon collègue, Alexei. Que pouvons-nous faire pour vous ?

— Ah Madame ! Je tenais à vous féliciter ! Vous êtes la fille de l’ancien chef, non ?

— Elle-même, oui. Le visage ne trompe pas, rit-elle. Quoi que j’ai moins de barbe et de sourcils que mon père.

— Eh bien, je n’ai jamais abandonné votre restaurant, je suis resté fidèle, et pendant quelques semaines, j’ai eu un peu peur que vous ne retrouviez jamais le niveau d’avant. Mais aujourd’hui, je suis rassuré ! Il vous a fallu un peu de temps, certes, mais vous avez réussi ! C’est aussi bon et recherché qu’avant ! Bravo Mademoiselle !

— Merci Monsieur. Nous faisons au mieux. N’hésitez pas à en parler autour de vous, si vous êtes satisfait. Malheureusement, tout le monde n’a pas été persévérant et patient avec nous.

— Ne vous inquiétez pas, vous allez vous faire un nom à votre tour ! Enfin, un prénom ! Et vous aussi, Monsieur !

Le client vient de s’adresser à moi. Je suis flatté qu’il ait trouvé que la cuisine était bonne et cela me donne plus de plaisir que ça ne le devrait, mais je suis vraiment heureux d’avoir pu aider Clem à faire retrouver au restaurant son lustre d’antan. Enfin, antan, c’était il y a juste quelques mois.

— Merci Monsieur. Clémentine met beaucoup de cœur dans son travail, et c’est normal que les efforts fournis paient. Merci de nous l’avoir dit, ça nous fait chaud au cœur.

— Je n’en doute pas, si la fille est comme le père. Vous formez une belle équipe, en tous cas.

— Oui, la meilleure des équipes, merci ! Je vous offre le café !

Je fais signe à Jérôme de lui en amener un et je retourne en cuisine avec Clem qui a l’air moins ravie que moi des propos de cet agréable client. Je hausse les sourcils vers elle quand on se retrouve derrière nos fourneaux, la laissant s’exprimer si elle le désire.

— C’est rien, rit-elle avant de faire une grimace. Je suis contente, hein ! C’est juste que le mec dit ça le jour où c’est toi qui es en cuisine, quoi, je sais pas comment le prendre.

— Comme il a dit, ça veut dire qu’on forme une bonne équipe, c’est tout ! Sans toi, jamais je n’aurais cuisiné comme ça ! Personne ne m’a félicité quand j’étais tout seul en cuisine.

— Oui, tu as sans doute raison. Faut vraiment que j’arrête de me prendre le chou pour des conneries.

— Ce qui est cool, c’est qu’il a dit que tu as réussi une partie de ton pari, je trouve. Le restaurant est redevenu comme avant ! C’est fou, non ?

— Oui, sourit-elle avant de se mordiller la lèvre. Dommage qu’Hervé ne soit pas là, aujourd’hui.

— On s’en fout de Hervé, ce qui compte, c’est le restaurant ! Et tu t’en sors comme une vraie cheffe ! Et quand Paul sera de retour, on va viser l’étoile au guide Michelin !

Je me laisse emporter par la folie des grandeurs, et je me mets à rêver plus que de raison, alors qu’on n’a passé qu’un midi à deux en cuisine. L’excitation ? La frustration ? Qui sait ce qui m’arrive… En tous cas, cela faisait longtemps que je n’avais pas passé une aussi bonne journée. J’espère que la roue a vraiment tourné et que les soucis, c’est terminé.

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