Mignonne demoiselle

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Mignonne demoiselle, vous êtes pâle et inerte.

Votre corps à la blancheur de porcelaine

Flottant sur l'onde traversant forêts et plaines...

Mignonne demoiselle, vous voguez sans chaîne.

Vos doux cheveux au tendre blond des blés de mai

S'évanouissant, portés par les courants frais...

Mignonne demoiselle, vous semblez bien sereine.

Vos paupières nacrées sur vos yeux perlés

Dissimulant vos tendres pupilles bleutées...

Mignonne demoiselle, vous êtes calme et offerte.


Mignonne demoiselle, vous êtes mélancolique.

Sont-ce des larmes coulées sur vos joues blafardes,

Tristes rosées inspirant les vers des bardes...?

Mignonne demoiselle, vous semblez attristée.

N'est-ce pas là un visage torturé que le vôtre

De profondes peines, de grands chagrins non pas nôtres...?

Mignonne demoiselle, vous n'êtes guère apaisée.

Que d'horribles tourments cache votre tendre face

Semblant paisible, mais qu'un grand mal tracasse...?

Mignonne demoiselle, vous êtes bien poétique.


Mignonne demoiselle, vous êtes veule et souffrante.

Une plaie sanglante ouverte en ce corps, ce coeur

Dévoile aux saules vos rougeoyants intérieurs.

Mignonne demoiselle, vous êtes agonisante.

Et sur la peau laiteuse coulent des rivières vermeilles,

Celles-ci se reflétant dans le couchant soleil,

Mignonne demoiselle, vous n'êtes guère plus vivante.

Et progressivement de vos yeux disparaît

L'innocente lueur saphir qui feu y régnait.

Mignonne demoiselle, vous êtes seule et mourrante.


Mignonne demoiselle, vous êtes une âme en peine.

Au pied d'un grand saule votre corps s'est arrêté;

Aux bords de la mort un sanctuaire a trouvé

Mignonne demoiselle, pour un dernier ballet.

Tristes et indolentes, vos paupières se ferment.

Doucement bleuit votre pâle corps sténotherme :

Mignonne demoiselle, que soudain l'air est frais...

Et flottent, allègrement sous les grands saules pleureurs

Quelques lys et quelques roses, quelques jolies fleurs.

Mignonne demoiselle, vous mourrez l'âme en peine.


Mignonne demoiselle, ainsi, oh, vous êtes morte...

Sur votre front blanc un baiser j'ai déposé,

Sur vos joues blafardes et aussi vos lèvres rosées...

Mignonne demoiselle ! Malheur ! Malheur cent fois !

Fût-ce douloureux ? Fût-ce poétique que de mourir

Portée par les courants, bercée par les zéphyrs ?

Mignonne demoiselle ! Malheur, oh, deux-cent fois !

Ma mignonne, jamais plus nous reverrons-nous,

Si à mon étreinte vous préférâtes celle d'Ankou.

Mignonne demoiselle, hélas, vous êtes morte...


Mignonne demoiselle, vous êtes morte et inerte.

Et quand viendra la croisée des astres célestes,

Une chaude lumière enveloppera vos restes.

Mignonne demoiselle, allons, prenez leurs mains :

Séléné, Hélios, et, charmée par Eros,

Laissez-vous aller aux baisers de Thanatos.

Mignonne demoiselle, vers quels royaumes lointains

Votre âme vogue-t-elle, au milieu des nuages

Dorés, des poussières argentées, des rêves de mages ?

Mignonne demoiselle, vous êtes morte et offerte.


Mignonne demoiselle, morte et mélancolique,

La glaciale étreinte des eaux vous fût-elle

Plus douce que de vivre une existence cruelle ?

Mignonne demoiselle, sans doute est-Il charmant.

Et leurs grands crocs tranchants croquèrent-ils votre chair

Avec plus d'appétit que la lame meurtrière ?

Mignonne demoiselle, grand dû être votre tourment :

Si vous préférâtes les froides caresses des courants

Noyant sous l'onde claire votre corps ballotant.

Mignonne demoiselle, combien mélancolique...


Mignonne demoiselle, morte, vous fûtes bien souffrante.

Sur vos plaies aux teintes automnales, voici les lys :

Blancs immaculés sur la chair triste, ils fleurissent;

Mignonne demoiselle, en un sublime linceul.

Qui bientôt embaumera de vernales fragrances

Les liserés de sang aux effluves lourdes et rances,

Mignonne demoiselle, de votre sublime linceul.

Qui pleurera ? Qui maudira et gémira,

Sur votre terrible sort ? Qui les cieux blâmera

Mignonne demoiselle, pour votre fin déchéante ?


Mignonne demoiselle, morte, vous eûtes l'âme en peine.

Saura-t-on jamais quelles furent les ignobles malheurs

Qui menèrent votre main à la lame, la lame au coeur,

Mignonne demoiselle, près du ruisseau fleuri ?

Ainsi pénétrée de sa présence déchirante

Votre jolie chair blanche secouée et souffrante,

Mignonne demoiselle, tombe dans l'onde lazulie.

Alors flotte-t-elle, grand lys aux charmes indolents

Aux complexions rougies par la souillure du sang.

Mignonne demoiselle, voguant de part les plaines...


Mignonne demoiselle, ainsi, vous voilà morte...

Bercée par les flots apaisés, vous échouâtes

Au pied du grand saule pleureur; indolente frégate.

Mignonne demoiselle, ma tendre demoiselle...

Et jamais plus ne brilleront vos mignons yeux.

Et jamais plus ne battra votre coeur vigoureux.

Mignonne demoiselle, ma tendre demoiselle...

Mais à tout voyage entrepris, mieux vaut à deux

Marcher vers la terre où brille un soleil radieux;

Mignonne demoiselle, ainsi, nous voilà mortes.

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