Chapitre 6

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« Ouvre la porte. Vite. »

Rose s'exécuta aussi rapidement que la situation le lui permettait. La pauvre tremblait tellement qu'elle dut s'y prendre à quatre reprises pour réussir à enfoncer la clé dans la serrure. Vu la tournure que prenaient les évènements, elle s'imaginait le pire. Il allait la violer, la torturer et la laisser pour morte dans son appartement. Elle aurait dû s'en méfier, elle aurait dû voir qu'il n'était pas comme les autres, elle aurait dû s'arrêter aux premiers échanges... Mais il était trop tard.

La porte s'ouvrit et Saad exerça une pression considérable dans le creux du dos de Rose pour l'obliger à avancer. Elle faillit trébucher mais il la retint, la dirigeant vers la table sur laquelle se trouvait encore son bol du petit-déjeuner, un calepin muni d'un stylo et un couteau de table en inox, à bout rond. Il libéra un des bras de Rose et désigna le petit calepin du menton.

« Prends-le. Tu vas écrire un mot. »

La jeune femme hésita.

« DÉPÊCHE-TOI ! » Hurla Saad pour la convaincre d'obtempérer.

Elle prit le calepin d'une main tremblante, arracha une page et récupéra le stylo qui se trouvait juste à côté. Les larmes coulèrent malgré elle sur le papier, humidifiant celui-ci et provoquant de nouveau la colère de Saad qui tira sur sa chevelure avec une violence inouïe, l'obligeant à pencher la tête en arrière. Elle voulut crier mais son autre main sur sa bouche le lui en empêchait toujours. Il lâcha la prise qu'il exerçait sur son poignet pour saisir le couteau et coller la lame froide contre son oreille. Bien que l'objet ne soit pas absolument pas tranchant, il appuya sur la chair avec force, à tel point que Rose sentit les petites dents de l'objet s'enfoncer dans son oreille.

« Soit tu t'appliques, soit je te tranche l'oreille, » murmura-t-il d'une voix effroyablement calme. « De toi à moi, vu la gueule de ton couteau, ce ne sera pas net et précis. Je vais devoir m'y prendre à plusieurs reprises, comme pour un bout de barbaque bon marché... Tu as déjà mangé un steak de mauvaise qualité, Rose ? Tu t'y es pris comment pour le découper, dis-moi ? »

Rose sentit tout son corps se raidir à la suite de ces menaces. Son cœur pulsait si fort que la sensation des battements courrait jusque dans ses tempes. Elle avala sa salive et prit un autre papier d'une main tremblante, en le tenant suffisamment éloigné pour ne pas l'imbiber de larmes.

« Tu vas écrire : J'ai besoin de souffler. Ne vous en faites pas pour moi, Rose. »

Elle tenta d'écrire mais le rendu fut catastrophique. Les lignes étaient tremblantes, irrégulières... Le stress était trop fort. Saad, qui perdait patience, exerça un mouvement de va et vient avec la lame. Aussitôt, Rose geint de douleur et saisit de ses dix doigts la main qui recouvrait ses lèvres pour tenter de la retirer. Puis ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elle sentit un liquide chaud couler avec lenteur le long de son oreille. Il venait de l'ouvrir avec un couteau de cantine.

« Un. »

Les larmes coulaient à flot, Rose était incapable de les retenir. Elle essaya à nouveau d'écrire mais ses doigts refusaient d'obéir. Encore une fois, il fallait qu'elle recommence.

« Deux. »

Saad répéta l'opération, plus fort encore que la fois précédente. Cette fois-ci, Rose hurla de douleur et s'agita pour tenter de le faire arrêter. Le jeune homme ne lâchait pas sa prise et ses doigts sur la bouche de Rose réduisaient drastiquement la portée de ses cris. Personne ne pouvait l'entendre et personne ne lui viendrait en aide.

« La vieille Violette est très bavarde, tu sais. C'est elle qui m'a donné ton adresse exacte. Je savais dans quel coin tu étais mais... pas dans quelle maison. Il m'a suffi d'un sourire... Je suis sûr que son caniche adorerait bouffer un peu de chair fraiche. »

Le désespoir de Rose se lisait dans son regard affolé. Elle aurait voulu s'évanouir pour échapper à ce cauchemar mais elle n'était pas du genre à tourner de l'œil. Il fallait qu'elle réussisse. Elle prit donc son courage à deux mains et fit tous les efforts du monde pour écrire convenablement. Saad observa le bout de papier quelques instants avant de retirer le couteau. Il le déposa sur une veste qui traînait sur une chaise et récupéra le vêtement qu'il enroula pour le caler derrière l'oreille de Rose qui gémit à son contact.

« On va sortir et tu vas gentiment refermer la porte derrière toi, d'accord ? »

Elle hocha la tête sans protester tandis qu'il la poussait à l'extérieur. Son oreille lui faisait un mal de chien et chaque mouvement du tissu contre la chair à vif ne faisait qu'amplifier la douleur. Elle fouilla dans ses poches pour trouver la clé et referma la porte derrière eux après voir éteint les lumières. Là, Saad reprit l'un de ses poignets et l'obligea à descendre les escaliers. Ils avancèrent jusqu'à la voiture et s'arrêtèrent devant celle-ci. Elle vit son reflet dans la vitre puis un énorme trou noir vint envahir sa vision. Son corps retomba lourdement contre le véhicule et Saad le releva juste assez pour ouvrir la portière et la balancer à l'intérieur.

Dorénavant, plus rien ne serait comme avant.

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