chapitre 1 part 3

5 minutes de lecture

Louisiane,

Un jour plus tard

Barney préparait le déménagement du mieux qu'il le pouvait. Ses enfants, qui avaient accueilli plutôt positivement la nouvelle, l'aidaient à faire les cartons. Pris par l'excitation, il ne se rendait pas compte du terrible conflit qui se profilait à l'horizon. Il n'avait pas encore annoncé la nouvelle à sa femme qui allait rentrer d'ici peu. Barney n'en avait pas peur, mais il évitait de la contrarier. Carole n'était pas méchante, mais autoritaire. Elle savait ce qu'elle voulait et ne se privait pas de le revendiquer. Même si elle n'était pas très grande et malgré sa maigreur, elle savait se faire respecter. Toujours tirée à quatre épingles, elle dégageait une certaine froideur, presque austère. En y réfléchissant bien, pourquoi prendrait-il la peine de l'informer, sachant qu'elle n'était jamais là ? Marié depuis ses vingt ans, il passait plus de temps tout seul qu'avec sa femme. Par chance, les enfants étaient là !

Il y avait autre chose, et pas des moindres : le Super Bowl ! Barney était fan de football, grand supporter des Broncos de Denver, il ne manquait aucun match. À ses yeux, le football était une seconde religion. Quand il regardait un match, il enfilait sa tenue de supporter qu'il rangeait dans son armoire comme s'il s'agissait du Saint Graal. Il avait même une pièce réservée à son équipe favorite : des tee-shirts dédicacés des joueurs, des ballons et le logo affiché en grand. Sa femme ne supportait pas ce sport qu'elle trouvait grossier et ultraviolent. Elle n'aimait pas cette démonstration de virilité qu'elle jugeait plus puérile qu'autre chose. Elle préférait regarder le baseball dont elle était une grande experte, et pour cause : son père était l'un des entraîneurs des Titans de Louisiane.

Barney avait également un casque à bière qu'il portait lors des grands matchs. Carole se moquait de lui quand il le mettait, elle ne pouvait s'empêcher de rire. Le casque lui arrivait à mi-hauteur des yeux, avec deux pailles dans la bouche reliées à deux canettes de bière. "Tu t'es vu au moins ! Regarde-toi, tu es ridicule, mon pauvre ami !", disait-elle à chaque fois en haussant les épaules. Mais il restait impassible face aux critiques. Le sport était son moment de détente, son instant de liberté. Il avait assez de force et de mental pour y faire face. Il se retrouvait généralement avec des voisins et des amis pour regarder les matchs sur son écran géant. En cas de victoire, ils allaient fêter la victoire au Berlin's pub. Il s'agissait du bar qui se trouvait non loin de la maison, et qui faisait également office de boulangerie et de supérette.

Alors qu'il regardait le journal télévisé du soir qui annonçait enfin le programme du Super Bowl de la nouvelle saison, Carole arriva enfin après une semaine d'absence. Comme à son habitude, elle boudait et passait son temps à se plaindre de fatigue.

— Comme d'habitude, la maison n'est pas entretenue. Je peux savoir ce que tu fais concrètement ? demanda Carole d'un ton accusateur et suffisant.

— J'ai deux enfants à gérer, nos enfants, ma chérie, mais tu ne le sais pas, car tu voyages. Pas trop difficile tes vacances ? rétorqua Barney du tac au tac.

— Et le travail, où en es-tu ? interrogea Carole le visage épuisé, les traits tirés par le manque de sommeil.

Barney, sentant la dispute arriver, voulut la ménager en cherchant ses mots, mais Carole le connaissait que trop bien.

— Où pars-tu cette fois ?

— Nous ! Il s'agit d'un gros contrat de surveillance. Je ne sais pas vraiment le type de bâtiment ni dans quel but, mais je sais qu'il s'agit d'un gros projet de rénovation. Et il faut garder le bâtiment jusqu'au jour des travaux. Seulement, c'est à Louisville dans le Kentucky !

Carole fixa son mari avec des yeux écarquillés, presque tremblante. Du salon qui donnait sur l'entrée, les enfants assistaient à cette dispute qui s'annonçait particulièrement musclée.

— Et stupide comme tu es, tu as accepté ! rétorqua Carole, furieuse.

— Tu sais que j'étouffe ici ! Et c'est une opportunité !

— Incroyable en effet ! Surveiller un bâtiment délabré, c'est l'occasion de toute une vie ! Tu penses aux enfants ?

Devon, casque sur les oreilles, regardait ses parents se renvoyer la balle à tour de rôle. Monika, quant à elle, préféra s'enfuir dans sa chambre pour écrire et s'enfermer dans son univers idyllique.

— Je ne fais que ça, penser aux enfants ! Je vis pour mes enfants, contrairement à toi qui passes les deux tiers de l'année dans un avion. Et le peu de fois où tu rentres, madame est trop fatiguée pour accorder du temps à sa famille. Et pour terminer, nous avons une vie de merde ici ! J'ai quarante ans, je veux changer d'air, j'étouffe ici. Les cartons sont presque prêts, nous déménageons dans une semaine. Et non, je ne t'ai pas consultée, car j'estime que je suis plus concerné que toi par ce genre de choses. Comme tu ne vis pas beaucoup avec nous…

Barney était compréhensif et calme, mais en ce qui concernait son investissement et son rôle au sein de la famille, il était intraitable.

— Et si elle ne me plaît pas la maison ? Tu n'y penses pas, Barney !

— Tu feras plus de voyages, répondit-il froidement. Et quand on me propose un contrat, je peux difficilement refuser.

— Tu réfléchis de temps en temps ? En général, tes contrats durent quelques semaines et sont dans la région, pas au fin fond du Kentucky ! s'écria Carole.

Par chance, l'employeur de Barney l'appela pour lui donner les consignes. Carole, verte de rage, s'enferma dans la chambre pour se calmer.

— Chef, comment puis-je vous aider ?

— Avez-vous signé le contrat numérique ? C'est urgent, le client est pressé et veut que nous soyons sur place au plus vite. Vous aurez une prime pour le dérangement, c'est un gros client. Tous les autres sont pris, il n'y a que vous.

— J'en suis ravi, monsieur ! Je rêvais de partir d'ici, mais le problème, c'est ma famille.

— Vous serez grassement indemnisé. Il s'agit d'un gros contrat pour nous. Le client n'est autre que Jordan Bergman, le philanthrope. Si nous fournissons un service de qualité, il pourra faire appel à nous plus régulièrement.

Barney comprenait les enjeux et l'importance de ce contrat, mais il allait également diviser sa famille. Malgré son amour pour son travail et son entreprise, il pensait avant tout à son bien-être. Depuis quelques mois, il était sur une pente glissante et devait se reprendre avant de sombrer complètement. Il devait saisir cette opportunité pour lui et sa famille, du moins c'est ce qu'il pensait à cet instant décisif. Cependant, il n'avait pas prévu qu'il devrait assumer de très lourdes responsabilités. Pour l'instant, il savourait ce cadeau tombé du ciel.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Serguei Bonal ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0