
Théodore Harry
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Le moment fatidique approchait. Yan n’avait qu’une obsession, celle de retrouver l’amour de sa vie, dont il était privé depuis 11 jours. Légèrement vêtu d’un gilet rouge écarlate, cheveux touffus, comme à son habitude, méprisant la fraîcheur matinale piquante d’un mois de décembre, il avança lentement, pas à pas, dans l’aurore brouillardeuse, jusqu’au bord du chemin. L’apparition de sa chère et tendre était imminente, alors Yan posa son séant sur un banc glacial tandis que les horloges du temps stimulèrent son imagination frémissante, porteuse de désirs et d’émotions. Il songea au cadeau de Noël que son amour lui promit inoubliable, à leurs sentiments profonds et inaltérables, aux bousculades de leurs mots , à leurs regards silencieux mêlés de gestes tendres, à leurs complicités multiples de corps et d’âmes, cherchant dans leurs voluptés gourmandes à rattraper le temps perdu. Alors ces vives pensées devinrent pour Yan le refuge d’un espoir vibrant, qui lui donna la force d’attendre l’évidence. Mais elle n’arrivait toujours pas. L’heure prévue était dépassée depuis de longues minutes et seule la patience, sa meilleure vertu, lui tint compagnie. Puis tout à coup, son regard fut proje
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Un soir, sur la sublime plage de la Pointe Marin en Martinique, le ciel s’assombrit doucement. Le firmament, épuisé par l’accomplissement d’une œuvre lumineuse, se métamorphosait. Des teintes contrastées s’unirent brièvement en une symphonie fugace avant que la voûte céleste ne s’enveloppe d’un voile sombre, dressant son trône ténébreux. D’ordinaire, cette révérence du ciel me distrait à peine. Mais ce jour-là, pour une raison mystérieuse, elle me troubla. Je marchai un peu sur le sable, guidé simplement par le clapotis régulier des vagues. La plage, déserte, m’éloignait du tumulte du monde. Je m’arrêtai, immobile, comme en attente. À première vue, rien d’extraordinaire. Et pourtant, je compris plus tard que ce tableau cosmique me murmurait un message. Le crépuscule, projeté à l’échelle humaine, m’apparut comme ce moment fragile où tout peut basculer — vers l’ombre ou la lumière, le pire ou le meilleur. Nous connaissons tous ces instants suspendus où se décident nos grandes bifurcations : fuir ou affronter, mentir ou assumer, croire ou douter, pardonner ou condamner. Ces choix naissent de nos dispositions intérieures, façonnées par le hasard, les blessures, les rencontres, les sile
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La vie s’est retranchée derrière les murs et me prive des effluves du printemps. Les rayons du soleil s’infiltrent dans mon logis et me narguent, attisant le désir de goûter à l’extérieur, de céder à l’appel des saveurs d’ailleurs. L’interdit étant formel, je ne quitterai pas ma cellule. Mais une inspiration de forme circulaire vient dissiper cette frustration. Elle nous vient d’Italie, pays des olives et de la mozzarella. Inutile de vous révéler son nom, car vous l’avez compris : sa popularité planétaire est à l’image de ce qu’elle offre aux bourgeons du goût — des délectations intenses, aux déclinaisons infinies, pour contenter chacun selon ses envies. Et c’est là que réside son mystère : une incroyable capacité à éveiller l’appétit de tous, à satisfaire les multiples aspirations. L’inspiration mijote et me pousse à l’évasion par la cuisine, peut-être la plus belle cavale — et la moins risquée — dans un monde aux libertés soudainement restreintes. Alors je plonge mes mains dans la pâte à pain. Elle embrasse mes doigts, m’amuse et me distrait d’un autre pétrin — microscopique celui-ci — à l’origine du bouleversement colossal de notre quotidien. Le four chaud accueille son hôte, l’
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