
Bousti
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Parait qu'il faut vivre avec son temps. Alors ni une ni deux, j'installe Tinder. J'ai la panoplie de tous les hommes sous les doigts. Swap à droite pour dire oui. Swap à gauche pour dire non. C'est facile, ça glisse. La terre à portée de swap. Et ça match ! 1, puis 2, puis 3, puis trop.
Je n'ai que l'embarras du choix, alors je choisis ! Du cul, on coupe ! L'amour éternel, je te sors ! Mal écrit ? Sa pik lé zieu, t'es out !
Des discussions s'engagent, drôles, légères, faciles… interrompue. Que lui dire ? On a échangé trois messages et j'hésite. Triste. Un rdv ? Oui mais quand et où ? Trop loin… trop tard… trop relou.
Un supermarché du superficiel.
« Qu'est-ce que tu cherches ici ? » Bonne question.
Je veux pas être une parmi tant d'autres, je ne veux pas un rendez-vous sans lendemain, je ne veux pas d'engagement, je ne veux pas de prince charmant.
Qu'est-ce que je cherche...
Alors qu'est-ce que tu cherches ici ?
Je cherche à me marrer et à oublier les soucis du quotidien. Je cherche à m'effacer et à me construire, à me reconstruire. Je cherche à me perdre et à me trouver. Je cherche à être unique comme tout le monde. Je cherche à avoir dans la tête quelqu'un sans prise de tête. Je cherche à écrire, à ré-écrire, à m'écrire. Je cherche le bon mot, le bon geste, la bonne idée. Je cherche à me surprendre dans des travers que je me connais déjà. Je cherche la nouveauté et la banalité. Je cherche à te faire rire. Je cherche un peu de chaleur humaine, paraît qu'on ne se brûle pas à la chaleur humaine.
STOP
Qu'est-ce que tu cherches ici ?
Je ne cherche pas, je me laisse trouver. Je cherche à trouver et je trouve que je cherche. Je cherche du vrai sans faux pli. Je fausse le vrai. Je me falsifie pour de vrai. Vraiment rien n'est faux. Il faut que tu sois vrai, que je sois vraie.
STOP
Qu'est-ce que tu cherches ici ?
Je cherche à être honnête, je cherche à ne plus faire attention, je cherche le meilleur moyen, je cherche à me faire remarquer, à me démarquer, à te laisser un bon souvenir. Parce que demain tu m'auras oublié. Parce que de toute manière je ne suis qu'une étape, une façade, un pansement. Je te cherche. Je cherche ton rire et ton regard. Je cherche
STOP
Mais ici ?
Je me cherche à travers toi.
STOP
Je cherche qui je suis.
Alors je vais dire comme d'habitude « rien de particulier. Et toi ? »
Et puis passer au suivant.
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Boum Boum
Qui est là ?
Boum Boum
Un bruit sourd, régulier, constant
Boum Boum
Une sensation. Jusqu'au fond des oreilles.
Boum Boum
Pourquoi tu bouges toi ? Pourquoi t'es là ? Pourquoi je te sens ?
Boum Boum
Bah alors p'tit cœur! Qu'est-ce tu me fais là ? C'est pas la première fois que tu es malmené pourtant. C'est pas la première fois…
Boum Boum
Pourquoi tu tapes comme ça ? Tu veux sortir ?
Boum Boum
Faut que t’arrêtes mon grand, arrête de te laisser avoir par les autres, arrête de croire que cette fois-ci ce sera différent, arrête de croire que tu compteras pour quelqu'un. C'est jamais différent ! C'est toujours moi qui souffre à la fin. Tu veux pas geler un p'tit coup ?
Histoire que je respire un peu, laisse la place au reste Bordel !
Boum Boum
Je comprends bien que tu as rien fait de mal, mais moi non plus, hein ! Tu as sûrement encore une fois été trop. Encore trop. Trop gentil, trop accroché, trop rapide, trop intelligent, trop…
Boum Boum
Mais laisse-moi à la fin ! Qu'est-ce que tu veux ? Tu veux vivre ? Mais c'est bon là ! Tu as eu tes chances ! Chaque fois que je te laisse prendre les commandes, tu me fais le même coup. Tu te jettes droit dans le mur. Encore ! Et encore ! Et encore. Et encore…
C'est que t'es usant. J'en peux plus moi…
Boum Boum Boum Boum
Mais qu'est-ce que tu veux ? Sortir? Alors vas-y ! Attends, je prends un couteau et je te fais une ouverture ! Direct entre les deux seins ! Tu as la voie libre ! T'es content ?
Boum Boum Boum Boum
Tais toi ! TAIS TOI !
Tu fais le con et c'est moi qui pleure ! Je veux plus de toi ! Dégage !
Boum Boum Boum Boum
Tu vois je pleure encore ! C'est ta faute !
Boum Boum Boum Boum
Je te comprends plus la… J'ai du sang plein les mains et des larmes plein les joues. Et tu continues à venir toquer.
Boum Boum Boum Boum
Parler à mon cœur, c'est moi qui dois être toquée.
Boum Boum Boum Boum
Non !
Boum Boum
NON !
Boum Boum
Je t'écoute plus ! Jette-toi dans le mur tout seul !
Boum Boum
...
Boum Boum
…
Boum Boum
Laisse-moi !
Boum Boum
…
Boum Boum
…
Boum Boum
S'il te plaît
Boum Boum
Laisse moi tranquille
Boum Boum
Ou au moins ne me demande pas d'assurer après
Boum Boum
…
Boum Boum
C'est bon t'as gagné p'tit cœur. Je serais là. Allez, va vivre !
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Défi
Elle est là tous les matins. Je l'observe. Elle sort, met ses écouteurs, observe son reflet dans la vitre, sort une cigarette de son paquet, l'allume et part en souriant. La musique la guide. Je la suis quelques instants. Puis au bout de la rue, nos chemins se séparent. Elle remonte la rue à gauche alors que je me dirige vers l’arrêt de bus à droite. Je la retrouve tous les soirs au coin de cette rue. J'arrive quelques secondes après elle, et la suis. Comme si elle m'attendait. Elle jette systématiquement sa cigarette dans la poubelle, la musique la remplit, elle ne me voit pas, elle rentre chez elle et claque la porte. Je n'ose pas regarder à l’intérieur.
Tout un rituel.
J'aime ces moments derrière elle, ces semaines entières à l’observer. Chaque jour, j'ai l'impression de la connaître un peu plus. Je pourrais vous parler de ses jambes, de ses mains, de sa bouche. Je pourrais vous parler d'elle jusqu’à demain. Ses lèvres sont parfaites. Une courbe bien dessinée. Elles sont très fines, très pâles. Elles m'intriguent et elles me donnent envie de les embrasser.
Mais ce matin, c'est différent. Ce matin, elle ne jette pas ce dernier regard dans la vitre. Sa musique a l'air moins entraînante. Ses mains tremblent. J'ai envie de la prendre dans mes bras. Elle n'arrive pas à allumer sa cigarette. Alors je m'approche, lui tends mon briquet.
« Je t'allume ? »
Je t'allume. Je t'a-llume. Naze. C'est même pas drôle. C'est surtout pas fait exprès. T'es con, cerveau, tu viens de griller toutes mes chances de lui reparler un jour.
Elle ne relève pas, m'offre un sourire forcé, un timide merci puis s'en va. Sa voix est douce et tremblante. J'ai envie de lui crier qu'elle me plaît. J'ai envie de lui demander pourquoi ça ne va pas. J'ai envie que quelqu'un prenne soin d'elle et j'ai envie que ce soit moi.
Je range mon briquet, elle a presque atteint le coin de la rue. Il faut que je la rattrape avant qu'elle tourne.
« Au fait, je tenais à te dire que si jamais tu as besoin d'un briquet, je suis là !
- Ah. Ok. »
Je la regarde s'éloigner.
Je me suis montrée nulle. Mais vraiment nulle. Je repasse la scène en boucle dans ma tête. Je suis dans le bus, je suis au boulot, et je n'entends personne. Juste ces deux mots « Ah ok ».
Alors ce soir, je pars quelques minutes plus tôt du travail, et je l'attends au coin de la rue.
« Salut ! Toujours pas besoin de briquet ?
- Euh… Non merci, ça va.
Ça y est je l'ai fait flipper. Je suis vraiment nulle
- Ça avait pas l'air d'aller ce matin… euh... tu veux parler ?
- Non »
Pas très loquace la nana, j'ai l'impression de nager dans la choucroute comme on ne le dit pas.
« Pas trop envie de parler.
- D'accord. Bah si tu veux ne pas parler avec moi, je connais un endroit magique. Ok, ça fait flippant comme ça. Mais je te jure c'est génial ! C'est le meilleur endroit du monde, à l'abri des autres, c'est un peu loin mais ça vaut le coup! »
Dis oui, dis oui, dis oui ! S'il te plait ! Ou dis non si tu veux, mais dis quelque chose je me sens conne là !
« Ok. Emmène-moi »
J'y crois pas, on est dans ma voiture. Elle m'a suivi alors qu'elle ne me connaît même pas.
« On va où ?
- Au bout du monde. »
Je me gare, et descend. Elle me suit.
« C'est loin ?
- Au bout du monde, je te dis. »
Je vois bien qu'elle semble un peu inquiète, mais je n'ai pas envie qu'elle en sache plus que nécessaire. Elle me suit assez docilement. Le chemin se rétrécit, je passe devant. J'ai oublié de lui dire de prendre des baskets, alors je lui indique les endroits glissant et les pierres instables. Faudrait pas qu'elle se fasse mal. Plus on s'enfonce dans la végétation, moins elle est rassurée. Elle a hésité trois fois à faire demi-tour, puis elle a décidé que j'étais digne de confiance. « Un truc dans le regard » m'a-t-elle dit. Je passe sous une branche, j'attrape sa main pour l'aider. Nous sommes arrivées.
« Bienvenue au bout du monde ! ».
Un rocher en haut d'une grande falaise. Derrière nous, la végétation, on ne voit plus les sentiers, devant nous, la mer à portée de vue. Elle semble un peu agitée, elle est grise comme le ciel. D’ailleurs, on a du mal à percevoir la ligne d'horizon tellement les couleurs sont semblables. Elle reste sous le charme de ce caillou, mon caillou au bout du monde. Elle en oublie même de me lâcher la main. Je ne sais pas combien de temps on reste là. Debout. Deux solitudes l'une à côté de l'autre, face à la mer. J'entends mon cœur qui bat à toute vitesse, et ma respiration que je tente de contrôler. Je sens la chaleur de sa main dans la mienne, le contact de chacun de ses doigts me brûle, mais pour rien au monde, je ne romprais ce moment magique. Je crois que j'aime encore plus ce recoin depuis que je l'ai partagé avec elle. Je respire chaque seconde. Elle me lâche la main, s'approche du bord du rocher, s'assoit et se met à pleurer. Désemparée, je reste immobile et l'attends. Au bout de quelques instants, je ne sais pas si ce sont des minutes ou des heures, elle se relève.
« On rentre ?
- D'accord. »
Le trajet retour se fait dans le silence le plus total. Même les autres voitures sont insignifiantes. La ville se rapproche. Je la raccompagne jusque devant sa porte.
Je ne sais toujours pas quoi dire. Elle non plus apparemment. Je n'avais jamais pris le temps de regarder ses yeux d'aussi près et aussi longtemps. Ils sont verts au centre, et bleus sur l’extérieur. Je pourrais me laisser plonger dedans.
« Je n'ai jamais fait ça.
- Moi non plus. »
Elle dépose un rapide baiser sur mes lèvres, puis rentre précipitamment chez elle et verrouille la porte. C'est la première fois que cette porte me claque au nez, mais je n'ai en tête que la douceur de ses lèvres.
Ce matin, elle n'est pas là. Je toque à sa porte :
« Tu vas être en retard.
- Dégage ! »
Aouch ! Violent.
Je mets mes écouteurs, lance une musique triste, m'observe dans le reflet de la vitre, m'allume une cigarette et pars.
En repassant le soir, la porte reste close ; je n'ose plus frapper… Tout semble éteint, triste, même
le temps s'y met. En quelques secondes, je me retrouve trempée. Je rentre.
Je ne la comprends pas. Elle m'embrasse et ne me parle plus.
Je finis par prendre ses rituels, espérant la croiser, et tous les soirs, je jette un œil à cette porte. Elle m'intrigue de plus en plus. Souvent, je rêve que je l'ouvre. Je me réveille systématiquement au moment où je tourne la poignée, le bras tendu devant moi. Transpirante. Frustrée.
Les allers-retours au boulot semblent moins intéressants. Sur mon trajet, je ne vois que des ombres. Mouvantes, dansantes, fuyantes. Il ne me reste plus qu'à devenir une ombre parmi les ombres. L'ombre d'une ombre. L'ombre de mon ombre. L'ombre devant cette porte.
Elle s'entrouvre. Depuis le temps que j'attends ça. L'inconnue, mon inconnue, sort.
« Merci pour la dernière fois.
- Attends ! Tu bouges pas, j'ai un truc pour toi ! Tu bouges surtout pas ! J'en ai pour une minute ! »
Je me précipite chez moi, balance mes affaires à droite à gauche. Il est où ? J'ouvre tous les tiroirs. Bordel il est où ? Je l'ai mis où ? Là ! Je l'attrape d'une main et me précipite dehors.
Elle m'a attendue. Parfait.
Elle me regarde mi-amusée, mi-curieuse.
« Bon alors, promets-moi d'en prendre soin !
- Promis !
- Voilà. »
Je lui tends un briquet.
« Tu noteras qu'il a même des paillettes ! C'est un briquet de compét' ! »
Elle rigole et rentre chez elle. Son rire est franc et clair.
Et mon bisou ?
« Eh ! Mais je ne connais même pas ton prénom ! »
Quel effet elle me fait cette nana-là ! Je deviens stupide. Je ne sais pas trop si je suis flippante ou drôle.
Je jette un œil sur la boite au lettre : C. Potier. Je rentre chez moi et je ne peux pas m’empêcher de sourire.
De nouveaux rituels se mettent en place. J'essaie de deviner son prénom « Salut Charlotte ! », « Salut Claire ! ». Tant qu'elle rigole, c'est que je me trompe. J'en essaie un par jour. En soi, je m'en fiche de connaître son prénom, j'aime juste l'entendre rire.
Puis tous les soirs, on se pose dans le parc à coté, on se raconte nos journées, on discute, on parle musique, on se moque des pigeons, on profite des jours qui s'allongent, on finit même par avoir notre banc.
Puis, je la raccompagne, je pose une seule question sur elle. Elle me répond et me claque sa porte au nez.
Alors, je lui en pose tout un tas : « Tu as combien de frère et sœurs ? », « C'est quoi ton repas préféré ? », « Sucré ou salé ? », « Tu penses quoi des ornithorynques ? », « Tu voudrais vivre à quelle époque ? », « Mer ou montagne ? » « Comment c'est chez toi ? », « Tu regardes la télé ? », « Plutôt chien ou chat ? », « Tu comptes arrêter de fumer un jour ? », « Tu voudrais vivre dans quelle ville ? », « Tu veux partir dans quels pays ? ». Mais jamais celle qui m’intéresse vraiment.
On fait ça pendant des jours, des semaines entières. Je ne me lasse jamais de son rire.
J'ai beau avoir de l'imagination, je ne vois plus ce que je peux lui poser comme autre question. Alors ce soir-là, j'ose.
« Pourquoi tu m'as embrassée ? »
Elle ne me répond pas. Elle ne bouge pas. Je la regarde droit dans les yeux, ses yeux bleus magnifiques. Ma Camille, dis-moi quelque chose. Fais quelque chose. J'ai l'impression d’être nue devant toi et tu ne bouges pas. Au bout de plusieurs longues secondes, elle ne me répond toujours pas. Je fais demi-tour pour rentrer chez moi. Quelque chose me retient, une main dans la mienne. Je me retourne. Je lâche dans un soupir :
« Camille...
- Finalement tu sais ! ».
Ces yeux sont pétillants, elle regarde uniquement mes lèvres. Elle m'attire jusqu’à elle et m'embrasse. Un long baiser, fort, puissant. Ses lèvres sont humides, rafraîchissantes. Elle me tire jusqu'à la porte, tout en m'embrassant. Elle l'ouvre d'une main, et rentre. Je m’arrête quelques instants sur le palier, je vais enfin découvrir ce qu'il y a derrière cette porte. Cette fichue porte. Je prends une grande inspiration.
Je franchis le seuil de la porte jaune.
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20h, soirée entre amis. L'ambiance est sympa, on boit, on chante faux, on rit trop fort, on se raconte des blagues nulles, on partage nos histoires.
1h du matin, j'ai repéré mon beau gosse de la soirée. Je suis légèrement ivre, je danse avec tout le monde, je danse toute seule, je me laisse porter par la musique ambiante. Les titres s'enchaînent.
Clac.
Tout d'un coup, changement d'ambiance. Je me sens mal. Je cherche à comprendre cette immense tristesse, ce besoin de tendresse.
Un prénom.
Quentin.
Merde, pourquoi lui? Je tilte. La musique. Louise attaque - je t'emmène au vent.
notre amour est éternel et pas artificiel
Montée de souvenirs. Quent et moi, en pleine nuit à hurler ça dans la voiture, dans la chambre une des rares fois où on a dansé comme des petits fous, en soirée avec ce regard complice. Les dizaines de moments, tous d'un coup. Tous en même temps.
Je voudrais que tu te ramènes devant
Que tu sois là de temps en temps
Je sors m'aérer. En débardeur, tout le monde grelotte, je ne sens pas le froid. Un type me parle je n'écoute pas. Ses lèvres bougent, je n'entends plus rien. Je cherche à comprendre la violence de cette réaction.
Je récupère mes affaires et m'en vais. Je marche sans réfléchir. Je veux mettre le plus de distance entre cette musique et moi. Entre ces souvenirs et moi. Les larmes coulent. De tristesse, de nostalgie, de souvenir, de colère, de rage. J'ai envie de taper dans les murs. Je respire. Je cherche à comprendre...
je voudrais que tu m'appelles plus souvent,
que tu prennes parfois les d'vants
Une amie me récupère, m'oblige à dormir chez elle.
5h du matin. Je suis couchée dans le lit et m'endors péniblement.
11h du matin, je me réveille. J'ai dormi. Les poings serrés. J'ai la trace de mes ongles dans les paumes. J'ai la mâchoire serrée. Mais j'ai compris.
J'ai compris que je tenais encore un peu à lui. Que la colère était contre moi, de ne pas vraiment essayer de me détacher, de vouloir savoir comment il va, de rejouer encore et encore les scènes de ruptures dans ma tête pour voir comment je pourrais le faire moins brutalement. Et j'ai compris aussi que je ne pouvais pas faire mieux. Que je devais faire un gros effort pour me détacher pour le faire réellement. Alors très symboliquement, j'ai ouvert Facebook et je l'ai viré. Voilà. Un simple clic pour repartir dans ma vie, un simple clic pour arrêter de regarder le passé et pour se tourner vers l'avenir, un simple clic pour cesser de l'aimer enfin.
Le geste le plus petit et le plus grand de ma journée.
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En réponse au défi : 6 mots qui en disent long. J'ai deux phrases a proposer, alors j'ai mis les deux.
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Un nouveau départ pour une nouvelle vie ?
Assis, tous autour de la table, l'ambiance est détendue.
Changement. C'est plus solennelle. Tout le monde se tait. La principale entre : vous vous trouvez en présence du conseil de discipline, blabla, tribunal, blabla, instance importante, blabla, confidentiel, blabla… Je n'écoute pas vraiment, c'est le même à chaque fois. Je repense à la fois où fière de lui il est venu me montrer sa note, sa moue boudeuse quand je le contrarie, son air malicieux quand il va faire une bêtise, ses exclusions de mon cours, ses crise de colère...
La famille entre. Le petit a l'air contrit, il pleure. Je veux juste le prendre dans mes bras. Il est trop loin, j'ai pas le droit, j'ai même pas de mouchoir à lui proposer. Son petit frère est la. Il a tout compris avant tout le monde. Il a compris que c'était grave, il a compris que son frère avait fait n'importe quoi. Il sait déjà ce qui va se passer.
Rappel des faits. La liste est longue.
« Mais je peux pas m'en empêcher !»
C'est donc dans sa nature d’être violent ? Tu vas changer ? Qu'est-ce qui nous le prouve… Faut que tu m'aides la mon bonhomme. Tu terrorises d'autres gamins. Du haut de ton mètre vingt…
Il sort.
On discute entre nous. Ma voix tremble quand je le défends. Je me bats pour lui mais ça ne sert à rien. Il n'a pas convaincu.
Les votes. Seule, face a mon papier… que faire… j'hésite. Le virer ne l'aidera pas, le garder n'aidera pas les autres. Tout le monde me regarde. «Exclusion définitive sans sursis ».On m'attend. J'inscris ma réponse sur un bout de papier.
On dépouille. Viré. Ça résonne fort. Quelqu'un pleure. Et je voudrais pleurer avec elle, mais je n'ai pas le droit.
Il faut assumer, assumer le désespoir dans les yeux de la mère, assumer la réaction du gamin qui se ferme et nous en veut, assumer les larmes intarissables de la mère qui ne sait plus quoi faire. Mais nous non plus, madame… nous non plus.
On congédie tout le monde.
On remet les tables en place.
Demain, il y aura cours et il ne sera plus la. Demain, j'assumerai le poids des 23 regards tournés vers moi. Plus insistants et plus à l’affût que jamais.
The show must go on
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Jai donc participé à l'organisation du championnat régional de sport adapté (pour handicapés mentaux). Je vais vous faire partager une journée où "l'anormalité" est devenue "la normalité"
Afin de faire cela dans les meilleures conditions possibles, nous avons passé, avec d'autre grimpeurs, la journée précédant l’événement a réorganiser tout le mur d'escalade, l'objectif étant de proposer des voies adapté de tout niveaux. En se creusant bien la tête et en étudiant toutes les possibilités nous sommes finalement arrivé a une quinzaine de voies
Le jour J est enfin arrivé. Les participants de tout âges (entre 15 et 60 ans) sont arrivés tous de très bonne humeur et plein d'entrain. On en a vu quelques uns faire le tour de tous les organisateurs pour leur dire bonjour, certains à qui il ne fallait pas parler sous peine de déclencher une crise, d'autres encore qui s'approchaient quand on ne les regardait pas et s’arrêtaient net quand on les regardait. Tout ce public joyeux faisait résonner le gymnase. Certains sont venus avec leur parents, d'autres avec éducateur et coach. Parfois la même personne possède les trois casquettes.
Nous voila donc devant un public très hétéroclite auquel il va falloir s'adapter très vite. Les éducateurs viennent nous donner quelques conseil pour bien appréhender nos nouveaux élèves. De mon côté, je préfère prendre le temps d'observer chacun d'entre eux. Les regards sont concentrés et je sens que c'est un jour très important. Certains ont besoin de se dandiner sur leur chaise.
L'heure de la compétition a sonné. Les participants répartis par niveau en fonction de leur réussite aux anciens championnats et on vérifie leur niveau au travers des deux voies tests. On en profite pour bien observer leur façon de faire pour être sur que les voies préparées la veille soient bien adaptées. Pas trop dures, pas trop faciles. Pour pallier a tout problème, nous avons des prises en réserve et tout l'outillage à porté de main pour pouvoir adapter les voies au fil de l'eau.
On m'attribue le rôle de juge pour la D1 (la plus haute division). J'appelle mes candidats, vérifie leur équipement, les confie à un assureur et les envois l'un après l'autre dans les voies tests.
Et la, ça devient magique. Celui-ci qui semblait hyper renfermé, qui a eu du mal à s'attacher et à me dire bonjour se révèle sur la voie. Il semble danser sur la paroi et fera d’ailleurs un des temps les plus rapide sur presque toutes ses voies. Ce funambule possède plus de force dans ses bras que la plupart des membres du club réunis, il m'impressionne. Je reste subjugué par son agilité. C'est également le plus technique de tous les grimpeurs, il passe des mouvements compliqués (double adhérence, pied/mains). Pendant que je me concentre sur "mes grimpeurs" un jeune garçon (appelons le Mathéo pour la suite) vient s’asseoir à coté de moi et commence à me poser plein de questions pour savoir si ses copains ont réussi, quel temps ils ont mis, si c'est dur, comment je m'appelle, si je le regarderai grimper... Je me découvre polyvalente : j'ai le temps de lui répondre, de suivre mes compétiteurs, de donner mes instructions aux assureurs et je me surprends même à les encourager.
Tout à coup un hurlement "J'AI REUSSI! J'AI REUSSI! J'AI GAGNE!". Cette fille vient de monter tout en haut de sa voie test en D3, son éducatrice nous explique que cela faisait bien longtemps qu'elle n'était pas aller jusqu'en haut. La plupart des jeunes dans la salle l'applaudissent et l'esprit de compétition s'évanouit immédiatement. En D1, il y a plus de concentration. Chaque concurrent prend vraiment le temps d'observer les voies avant de monter. Les divisions inférieur sont plus détendus : les participants, s'encouragent, s'applaudissent chaque fois que que la ligne rouge (les 3 mètres) est dépassée.
La journée bat son plein et tout le monde, bénévoles, assureurs, jury, réservistes, donnent de la voix. Le gymnase résonne de vie. Soudain un grand BOUM ! Un compétiteur vient de tomber. C'est la première chute du jour et cet accroc semble avoir atteint le moral du participant. On l'encourage à poursuivre sa voie mais il s’énerve, crie, tape le mur. Après quelques minutes, c'est finalement un autre participant qui va le motiver a reprendre sa voie. Malgré tout ses efforts, il n'y arrivera pas et sera donc descendu d'un niveau.
Il n'y pas beaucoup de participants en D1, donc je suis vite embauchée pour aider les jurys des autres divisions. Alors que j'assure une participante,que je dois sans cesse rassurer, le jeune Mathéo viens me voir m’attrape par le baudrier pour que je le suive. Pour une question de sécurité, je suis obligée de l'envoyer balader malgré moi ( j'ai une vie entre les mains et je ne peux pas quitter mon poste). Je finis avec ma candidate et cherche le jeune Mathéo des yeux. Il est accroupis dans un coin, et refuse de parler à qui que ce soit. Je me fais remplacer et m'approche de lui. Dès qu'il me voit, il détourne le regard. Je m'en veux de mon comportement avec lui. Son éducatrice me pousse à lui parler. je lui prends la main, le rassure, lui parle des résultats de ses copains, au bout de quelques minutes il se lève et m’entraîne près des voies. Je l'assure pour sa voie test, l'encourage. On m'explique qu'il ne voulait plus grimper. J'ai bien fait de l'encourager car ce jeune va finir deuxième de sa catégorie en D3. Dans la journée, Mathéo viendra à la fin de chacun de ses passages me demander si je l'ai regardé et voudra une photo avec moi après avoir reçu sa médaille.
On enchaîne sur les premières voies de qualifs. La tension monte d'un cran. Tous ont compris que les choses sérieuses commençaient. Ils
n'ont plus le droit à l’erreur, une chute et c'est le retour à la case départ. On entend beaucoup moins d'applaudissements : seulement en D3 et si le grimpeur a réussi à atteindre le Top. Pourtant on ne peut s’empêcher de les encourager, de les guider un peu sur les voies.
Durant la pause repas, le responsable bénévole nous demande d’instaurer un esprit plus compet' l’après midi pour primer la performance des participant, ainsi, ils seront moins déçus s'ils n'ont pas de médaille.
Pendant la pause, on en profite pour tester à nouveau les voies et faire les ajustements nécessaires et rééquilibrer les niveaux. Alors que je monte une voie pour effectuer les manips, j'entends un cri : « allez Lisa ! » cri Mathéo. Il se tient juste derrière mon assureur, me regarde, m'encourage et m'applaudit. La manip se faisant dans une voie difficile en devers, je chute. Impossible de raccrocher à ma voie, on me descend donc. Mathéo s'empresse de me réconforter : « tu as fait de ton mieux, c'est une voie dure quand même ». Des mots qui sur le coup me font sourire.
La compétition reprend avec dans nos tête cette esprit compet' a transmettre. Je me rends compte que c'est difficile de ne rien dire.
J'expédie rapidement mes grimpeurs de D1 qui n'ont besoin de rien ni personne et je vais faire du contre-assurage en D3 (catégorie où ils sont le plus nombreux).
Je me retrouve à vérifier des baudriers, les serrer, faire des nœuds et lancer les grimpeurs sur les voies. On sent qu'ils sont fatigués, une mauvaise humeur s'installe (notamment pour les trisomiques qui n'ont pas pu faire une sieste).
Sabrina est concentrée, elle n'a fait que tomber sur les premières voies. Elle se retrouve tétanisée à 1m du sol. Les grimpeurs sont limités à 5 minutes sur la voie maximum. Cela fait deux minutes qu'elle pousse des petits cris, elle n'arrive pas à lâcher une main pour attraper la prise suivante. Elle respire, souffle et sue. Cela fait 3minutes qu'elle coince sur ce mouvement. Un de ses camarades se met a applaudir et le mouvement est suivi par les autres D3. Elle finira juste quelques secondes avant la fin du temps imparti à monter sa main, puis chutera. Elle a fait le plus gros effort de toute sa vie. Entre pleure et hurlement de joie son cœur balance. Dès qu'elle pose un pied au sol, je me dépêche de la détacher et de la rassurer : « tu as fait de ton mieux, c'est une voie dure ». Croyez moi, vous ne savez pas ce qu'est le dépassement de soi. Elle oui.
De son côté, Laure qui ne peut s’empêcher de crier quand elle réussi une voie. Qui pense qu'elle a gagné a chaque voie ! On la redescend au cri de ses « J'AI GAGNE ! J'AI REUSSI! ». Arrivée au sol, elle se précipite dans mes bras, me fait un câlin, me claque un bisou (baveux) sur la joue. Puis fait de même avec tous ceux qui sont là autour. Elle est tellement contente qu'elle veut rendre tout le monde heureux.
Il y a Adam aussi. Lui est tellement pressé de monter et de gagner qu'il commence à monter avant même d’être attaché. Il faut le calmer. Plusieurs fois.
Plus têtu, Jean-Philippe ne veut plus monter et me demande toujours si c'est la dernière. Il est de mauvaise humeur, son père l'encourage sans cesse. Il sait qu'il en est capable et qu'il fait juste sa tête de mule.
Mathéo, lui, est toujours jovial et super content que je m'occupe de l'assurer. Il a confiance en moi et ça me rend encore plus responsable.
On enchaîne les grimpeurs, on est un peu en retard. J'essaie quand même d'avoir une phrase gentille a chacun d'eux. Pour qu'ils soient content de leur journée. Pour qu'ils gardent un bon souvenir. Pour le dépassement de soi. Pour la leçon de vie qu'ils me donnent. Pour la claque d'humanité que j'ai prise dans ma gueule.
Une fois que tous le monde est passé sur les voies de qualifs et de demi-finale, on laisse une pause de 15 minutes puis on attaque les finales.
Les voies sont centrales, éclairées, les grimpeurs participants sont mis en avant. Les éliminés sont déçus, mais reste quand même la pour encourager les autres. C'est une vraie compétition d'escalade.
Les finales de chaque divisions se font toues en même temps. On leur ouvre la voie (une personne qui connaît la voie et les mouvement la fait au vue de tous les participants), puis on les envoie chacun leur tour sur le mur.
Je suis officiellement le juge de la D1. Je me sens un peu comme une touriste puisque les participants sont lancés sur une voie que moimême je n'arrive pas à faire. Je suis impressionnée par leur technique.
Le premier concurrent de chaque division se lance. Je suis concentrée sur le mien : il sort sa voie en 53''47. un record. Le temps d'envoyer le suivant sur le mur, je vois le grimpeur de D2 chuter. C'est un autiste. Il fait les cent pas dans le gymnase en répétant en boucle « je suis tombé, je suis tombé, je suis tombé, je suis tombé ». Cela devient difficile de se concentré, il est juste derrière moi. « je suis tombé ». Au suivant. « Je suis tombé ». Tombé prise 12. « Je suis
tombé ». Au suivant. « Je suis tombé ». Top en 56''24. « Je suis tombé ». je n'ose pas demandé a quelqu'un de l'éloigner et il a l'air d'aimer marcher derrière moi. « J'AI GAGNE ! J'AI REUSSI ! ». Laure est en haut du mur. « Je suis tombé » est en bas ; le contraste est saisissant. Il semble blessé par ses paroles, elle ne se rend compte de rien et lui fait un câlin. Les finales se finissent, on transmet les résultats au coordinateur.
Le moment tant attendu de la remise des prix arrive. Tous les participants ont finalement droit a une récompense. Une casquette pour tous, des médailles aux vainqueurs ; Ils sont heureux et ils le font savoir au travers de cri, d'applaudissement, de hip-hip-hip…
Les parents viennent nous remercier. On prend quelques photos. Puis on retourne sur notre mur, il faut tout remettre en place pour le lendemain.
Quelques jours ont passé depuis cet événement et je suis toujours sur le cul. Cela m'a fait prendre pas mal de recul sur moi même et sur ma façon de vivre. Je veux ressentir les choses à fond comme eux le sont capable. Même si c'est à double tranchant.
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Je vous mets ici mon témoignage lors de la manifestation qui a eu lieu mardi 17/05 à Paris. Il est écrit " à chaud". Je ne donne pas raison aux agitateurs pour autant.
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