
Ainhoa
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œuvres
12
défis réussis
1862
"J'aime" reçus
Œuvres
Une intersection est un croisement qui permet de poursuivre son chemin ou de le changer.
Que se passe-t-il quand cinq personnes se rencontrent à un dîner et que rien, absolument rien ne se déroule normalement ?
Que se passe-t-il quand cinq personnes se rencontrent à un dîner et que rien, absolument rien ne se déroule normalement ?
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Défi
8 juillet 1999
Tu écorches mon prénom. Tu es grand. J’ai mal au cou.
11 juillet 1999
C’est mon anniversaire : treize ans et une lettre de toi déposée sur la table de chevet. Es-tu venu pendant mon sommeil ?
25 juillet 1999
Je repars chez moi. Dans mon sac, je compte : trois lettres, deux poèmes ratés, ta casquette, une adresse. Je ne peux y glisser l’étreinte que tu m’as offerte avant mon départ. Je sais que tu as pleuré.
26 juillet 1999
J’ai déjà oublié le goût des glaces à l’italienne, du vent iodé, de la crème solaire et de tes yeux bienveillants. C’était un joli rêve.
11 août 1999
Eclipse solaire. Tu proposes qu’on aille la voir ensemble. Je refuse. J’ai peur sans connaître la raison.
22 décembre 1999
Tu m’écris des mots : des mots cotons, des mots génoises. Je n’écris que des mots pointus. Mes parents divorcent.
4 mai 2000
Double ration de pensées affectueuses. Je t’écris une lettre de sept pages recto-verso. Ma main est douloureuse. Joyeux anniversaire.
18 juillet 2000
J’embrasse David. Il a un goût de cigarette et ses lèvres sont gercées. Je n’irai pas chez mon père en août. Je n’irai plus.
14 septembre 2000
J’ai lu Le monde de Sophie. J’ai beau regarder le tour du lapin dans le haut de forme, je ne comprends toujours pas le truc. Puis-je être spectatrice et lapin à la fois ?
4 avril 2001
Je me demande. Je me pose. Ma pensée est confuse. Si.
13 juin 2002
Invisible, je te vois tout de même. Je vois en toi quelque chose qui me remue. Sans identité, sans nom, sans code, sans règle. Je crois que. Je pense que. Oui. Et toi ? Entends-tu mes mots génoises ?
24 octobre 2002
Un jour nous irons nous installer sur une terrasse et nous regarderons le ciel à la recherche d’un nuage. Un jour je sentirai à nouveau ta chaleur près de moi. Un jour est plus long qu’une éternité.
16 mars 2003
Tu ris de mes questions, de mes réflexions. J’aime ton rire. J’en rajoute pour masquer ma peur de grandir. Tu as eu peur aussi ? Les adultes sont effrayants. Dis-moi que je ne serai jamais comme ma mère.
11 août 2003
Un jour se transforme en demain. Demain je te vois. Demain j’aurai chaud. J’ai les mains moites.
12 août 2003
Je garde en moi tes secrets, tes lèvres sur les miennes, tes yeux posés sur ma peau halée. J’existe et disparais dans la seconde. Un jour devient demain, un jour devient un instant. L’instant qui avoue tout, même ce que l’on ignore. Je chuchote à ton oreille des mots cotons.
En regardant Palavas-les-Flots s’éloigner, je me dis que la vie ressemble à des vagues, à un mouvement de balance, à une succession de répétitions. Puis je me suis endormie, grandir ça épuise.
9 septembre 2003
Je sens encore ton regard sur moi, comme une empreinte brûlante, un tatouage. J’aimerais t’aimer, mais je le rencontre lui, le garçon qui me parle d’un cinéaste que je ne connais pas — Miyazaki. J’oublie alors de t’aimer. Tu oublies de répondre à mes appels. Tu oublies jusqu’à mon adresse. J’ai peur de comprendre le tour de magie.
Eté 2004
Les excuses sont des mots pointus déguisés en mots cotons. Tu les débites jusqu’à n’avoir plus besoin d’un déguisement. Je pars de chez moi.
Printemps 2005
Je regarde les gens attablés aux terrasses en m'imaginant à leur place avec toi. J’ai un goût de cendre dans la bouche. Tu me manques. Les baisers de mon chéri ne sauraient combler ta perte.
Automne 2006
J’avance accompagnée de ton fantôme, de tes lettres. Je continue à t’écrire sans aller jusqu’à la boîte postale. J’ai acheté un casier plus grand pour les accueillir.
Hiver 2007
Les souvenirs ne sont plus que des images instantanées, tout au plus des secondes cristallisées dans une mémoire fragile, des émotions floutées, un fil détendu porté par le vent, un mot perdu sans ses compagnons. Le souvenir est traître.
Un soir assez tard en 2008
Je t’écris via Messenger. Juste comme ça. Sans attente. Lu. Tu as lu mais tu ne réponds pas. J'ai envie de balancer mon ordinateur.
Janvier 2009
Tu réponds à un ancien message par un long — très long — texte. Tu me résumes ta vie : deux enfants, une femme, une maison, des rêves utopistes, une passion pour l’enseignement. Je m’étouffe. Mon écran se brouille. Puis tu disparais.
2010
Nous sommes des baleines, qui remontons à la surface de temps à autre, pour respirer et replonger dans les profondeurs aquatiques. Tes apparitions me font espérer à chaque fois un retour. Ton fantôme a gardé ta place. Tu n’en veux pas.
2011
Tu es un oiseau migrateur qui revient chaque année sur le même poteau avant de repartir vers une autre destination. Je ne sais pas comment t’obliger à rester un peu plus longtemps. Quel tour de magie pourrais-je exécuter ?
2012
Naissance de ma fille. Tu l’aurais trouvée jolie.
2013 - 2014 - 2015 - 2016
Les années s’enchaînent à une vitesse hallucinante. Je continue de grandir. Je pense moins à toi. Le temps fait enfin son travail. Nous nous écrivons une fois dans l’année, afin de prendre des nouvelles, d’entretenir un lien que ni toi ni moi n’arrivons à vraiment couper.
27 décembre 2016
Je joue aux cartes, ma mère désigne mon cou. Je caresse une boule puis mon ventre rond. Je souris.
18 novembre 2018.
Je n’ai rien écrit pendant deux ans. Rien ne pouvait sortir de moi, hormis mon garçon et mon nodule cancéreux. Il me faut ce temps nécessaire pour digérer. Ce matin, je me réveille avec la volonté de m’envelopper de l’essentiel. Je fouille partout chez moi. Je jette le superflu, l’inutile, les parasites bouffeurs de temps. Je trouve tes mots génoises. Je te veux dans mon quotidien, dans cette nouvelle version de moi. Je t’écris une lettre, une vraie, à la main, à l’ancienne, même que je tremble en apposant le timbre. Je te propose un deal simple : être amis, s’attabler à une terrasse, partager nos réflexions.
13 décembre 2018
Tu déclines ma proposition. Tu dis que nous avions scellé un contrat d’âme là-haut mais que tu as le sentiment que ce contrat est achevé. J’ai rangé ta lettre avec les autres. Je dois avancer sans toi.
15 avril 2019
Notre-Dame brûle et je prends sur moi pour ne pas pleurer. L’oncologue m’a appelée : j’ai toujours des cellules cancéreuses. Mes enfants chahutent. J’ai envie de vomir. Je dois paraître forte sans l’être. Je t’écris. Ni ma famille ni mes amis ne doivent le savoir. Toi ce n’est pas pareil. Tu es une sorte de boîte vocale.
« Ma très chère » depuis quand n’avais-tu pas employé ces mots ? Je me sens apaisée de te savoir de l’autre coté de l’écran.
16 avril 2019
Ma messagerie est pleine de tes mots cotons. Tu me bombardes de photos de livres médicaux sur la thyroïde. Tu dis que c’est quelque chose que je n’ose pas dire, qui reste bloqué dans ma gorge, qui peut me tuer à petit feu.
Je réfléchis. Je m’examine et j’écris des mots. Une foule de mots. Un chapitre puis un deuxième.
15 juin 2019
J’ai écrit un livre qui parle de nous, de toi, de moi, de ce qui me ronge et qui peut se transformer en une petite mort. J’ai écrit jusqu’à en être essoufflée. J’ai pleuré sur des mots pointus, sur des mots génoises et des mots cotons. J’ai mis à jour les mots secrets qui ne voulaient pas se dévoiler.
Mes cellules cancéreuses sont toujours là, mais elles n’ont plus de quoi se nourrir.
13 juillet 2019
Je t’ai envoyé mon roman avec ces mots simples : lis et parlons-en après. J’espère avoir laissé assez de pierres sur ton passage pour que tu ne t’égares pas.
10 novembre 2019
Je suis à Sarlat. Mon téléphone vibre. Un message de toi. Tu dis être prêt — à quoi ? Tu veux que je t’aide à dépoussiérer ta mémoire. Tu t’excuses d’avoir failli m’oublier. Failli : je tremble. Tu évoques un rouleau compresseur social qui t’aurait happé et malmené. J’ai attendu ces mots si longtemps que j’en suis effrayée. Je prends un verre à une terrasse. Un sourire ne me quitte pas. Je relis encore et encore tes mots cotons jusqu'à les imprimer en moi.
2 janvier 2020
Je te souhaite la bonne année sans originalité. Tu me souhaites des rires et des sourires et m’écris des mots génoises. Pourtant je ne lis que des mots cotons. Puis tu plonges dans les profondeurs.
16 février 2020
J’ai compris que le silence est aussi une forme de lien. Et ça me va. Alors restons silencieux. Restons des baleines qui remontons à la surface de temps à autre pour respirer, des oiseaux migrateurs qui se posent chaque année sur le même poteau pour une étape. Et retournons au silence, dans ce que l’on maîtrise le mieux.
Tout ne doit pas avoir de définition, de raison, d’explication. J’ai tout avoué et même plus, tout ce que j’aurais dû te dire autrefois, mais que je cachais. J’avais peur de te décevoir, d’égratigner l’image que tu avais de moi.
Oublions la terrasse. Oublions les nuages. Laissons la place à d’autres. Le ciel nous appartient, nous sommes libres d’y attraper des pensées et de nous les envoyer en silence. J’abandonne ce rêve égoïste. J’abandonne.
Reste alors le silence. Juste le silence. Plus que le silence. Je souris au silence et t’envoie une dernière fois mes mots cotons.
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Défi
Le vent d'avril est un doux souvenir comparé à celui des nuits d'hiver sur le pavé bordelais. Le vent attaque sans relâche. Il s’infiltre partout dans les tissus, plus vicieux qu'un huissier, pique les peaux humides, les larmes abandonnées, il souffle, encore et encore, jusqu'à balayer mon ombre. Mais j’tiens bon. Il ronge mes os, pénètre chaque cellule, glace mes espoirs et mes révoltes. Un corps froid est un corps presque mort. J’ne crèverai pas de froid, moi. J’crèverais de faim, ça oui. C’est notre dernier luxe, choisir comment crever.
Tony nous appelle les ombres, mi-hommes, mi-spectres, nos visages barbus se ressemblent tous. Notre crasse se confond aux murs. Nous disparaissons ton sur ton, comme une putain de coloration de bonne femme. Contre la Basilique Saint-michel, à même le sol, nos corps amoncelés ne forment qu'un amas gris. Nous hantons cet endroit prisé des touristes, des aveugles qui nous transpercent la peau. Nos estomacs vides subissent l’assaut des marchés quotidiens, juste là, devant chez nous. Chez nous, c'est cet assemblage de matelas défoncés récupérés dans une décharge sauvage et ces trois caddies dégueulants nos vies entassées.
Nos muscles ne se relâchent jamais, la dalle maintient éveillée. Faut oublier l’odeur de pisse, de tabac froid, de goudron, et oublier aussi, les marrons chauds du lundi, le parfum des crêpes du restaurant d’à côté, et qu’un jour nous aussi avons été des aveugles. Faut ignorer les étalages de marchandises, les couleurs qui scintillent, l’agitation des badauds du matin, et le silence du parvis le soir venu. Faut s’habituer à voir le monde au niveau des mollets des gens. J’vois comme un gamin de trois ans avec l'acidité d'un vieux débris.
Le corps finit par s’habituer aux privations, ma tête n’y arrive pas. Je muscle mon ventre vide à la fraîche, le gonfle d’eau et de bière avant l’arrivée des premiers marchands. Le déballage de nourriture en devient plus supportable. L’ivresse préférable à l’acuité. La bouche est moins pâteuse et l'esprit plus docile. J’me fais une raison, qui n’en est pas vraiment une. J’me caille sévère. J'crève la dalle. J’bois pour supporter les crampes d’estomac et les nausées, les cons qui bouffent devant nous, et ces brioches parfumées à la fleur d’oranger qui disparaissent dans de jolis paniers.
Tony s’agite, piétine à quelques pas de chez nous, sans dépasser la frontière imaginaire qui nous sépare du monde humain. Il braille des mots confus pour rappeler aux gens que nous aussi on existe. Pas de réaction. J’le laisse faire. J’crois plus à ce ramassis de conneries. Les gens s’en foutent de nos gueules, mais lui, ne l’a pas encore compris. Nous resterons des ombres. Il revient s’avachir sur le matelas le plus retranché et se mure dans le silence. J’crois qu’il est déjà mort mais qu’il le sait pas encore. J’l’envie au fond.
Parfois, on nous donne des fruits gâtés invendables qui deviennent un trésor entre nos mains affamées. Tout notre corps a faim. Souvent il n’y a rien: juste les déchets écrasés à nos pieds et des tours de cagettes éventrées.
Les premiers véhicules municipaux nettoient la place lorsque j’aperçois sa démarche, aussi légère que mon p'tit dej’. Je la reconnais à ses jambes minces et à ses baskets jaune fluo. Je ne regarde jamais son visage. J’veux pas croiser ses yeux. Pour y lire quoi ? J’suis qu’une ombre.
Monde de merde.
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Je calcule constamment. J’additionne les calories, les multiplie à coup de cuillères dans le pot de Nutella, les soustrais devant la cuvette des WC, mais j'ai beau faire et refaire encore le calcul, je n'atteins jamais le zéro absolu. La note reste salée. Tout coûte cher. Je vis pour manger, me vide pour me resservir. Je suis le pire cauchemar des Flunch, des woks et des buffets à volonté. J'y reste des heures, quitte à vomir trois fois durant. Jusqu'à ce qu'on me vire à coup de radio interrompue, de lumières éteintes et de serpillières déballées.
Mon corps est un contenant qu’il faut gaver comme une oie. Je ne suis pas difficile, tout convient pour satisfaire mon appétit, mon besoin d’être pleine. Je dois combler le manque. Mon estomac est un trou sans faim. Je peux, tour à tour, engloutir des paquets de gâteaux, une baguette ou deux, les restes du repas du midi, du fromage et du soda pour bien faire glisser le tout. L’estomac s’étire, mon diaphragme se compresse. J’enchaîne avec des tartines beurrées, des chips, du jus de fruits et des céréales. J’atteins le sommet de la plénitude. Bourrée de sucre, d’édulcorants, d’additifs, ma honte est étouffée, ma culpabilité noyée. Il ne reste plus aucun espace vide mais je mange encore des raviolis en conserve avec de la mayo à même le pot. J’ai du mal à respirer. Je suis en haut d'un grand-huit. Le monde est à mes pieds. Encore quelques bouchées de crème glacée. La nausée me gagne.
Je calcule comment remplir ce corps plus vite, plus longtemps, jusqu’à la surdose. Les emballages envahissent la table, certains sont tombés par terre, des miettes partout, de tout, de glace fondue, un couteau et une cuillère mais pas d’assiette. Ça remonte dans ma gorge, et me brûle la trachée. Je ferme la bouche. Je ferme les yeux. La descente est brutale. Ce monde est pourri et j'en suis le pur produit de consommation.
Je me gerbe. Je vomis la malbouffe et les calories, la honte et les regrets, eux, restent accrochés aux parois. Vouloir exister pour disparaître la seconde suivante. Pour un instant de flottement. Je ne suis plus qu'un pot de Nutella vide, raclé et léché consciencieusement, prêt à être réutilisé. Le chiffre zéro est à portée de main. Je l’effleure. Le manège repart pour un tour gratuit. Je ne peux pas rester le ventre affamé de mon dégoût.
Quand le tour de manège prend fin, j'enfile mes baskets jaunes et je sors. Je ne calcule plus les gens. Dans ce monde pourri, tout n'est que trahison et mensonge. Je cède aux tentations, aux paillettes, aux lumières hypnotiques d’une fête foraine. Pouvoir se faire peur en tout contrôle ; je suis addict à l’adrénaline, aux loopings, aux variations d’altitudes : des montagnes de bouffe jusqu'au fond des chiottes. Je me réfugie dans les confins de mon esprit, à la recherche d’une petite fille qui n’a pas appris à dire non. Elle erre dans les allées d’un parc à sensations à la recherche d'une main offerte.
Dans la rue, je rencontre une foule oppressante. J'accélère le pas, la peur au ventre d'être dévorée. Je m’enfonce dans les ruelles de Bordeaux en espérant qu’elle me vomira à son tour.
Monde de merde.
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Questionnaire de l'Atelier des auteurs
Pourquoi écrivez-vous ?
Pourquoi se contenter d’une seule vie?
Listes
Avec L'amour à tous les temps (version quasi définitive), Le Tourniquet des âmes, Zélie, À corps perdu, cœur retrouvé - Bradbury Challenge 2018-2019, Une affaire de mariage...
Avec Parcours d'amours, La rue qui nous sépare [Terminé], 5 minutes de calme, L'enfant que je n'ai pas sauvée [en pause], Carnet de bord, old Hors d'atteinte, Mini série - Calendrier de l'avent, EXERCICES - micro nouvelles et autres, Ma Vie d'Agricultrice {Terminé}, Quiproquo et conséquences version 3, Fragments de Jade, Les petites horreurs d'un con qui ment, L'aventurière remisée au placard, Réponse à "Imaginaire": Fleur de nave 2, Ecriture en duo - Lucile et Louis, Jeu : Le Genre et la plume 2021 - 1 - La foire aux Incipits...