
Raphaël
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"J'aime" reçus
Œuvres
I
Le chien posa sa tête sur l’oreiller. Agacé par son souffle, Bastien ouvrit un œil. Une langue hostile entama les salutations. En riposte, une main s’écrasa sur la gueule de son assaillant, sans la repousser un instant.
— Qu’est-ce que c’est que ces conneries, vibra le mur d’une voix d’ivrogne.
Les yeux de Bastien s’écarquillèrent en sursaut. Il fixa la porte. Pas d’entrée fracassante.
— De superbes promotions sur ces WC connectés, renchérit le mur, cette fois d’une voix crémeuse.
Bastien se détendit, ce n’était pas contre lui, sa mère débinait probablement la télé. Elle devait être de repos, ivre morte encore.Il caressa le chien, écarta la couette, plongea dans le froid. Dans l’embrasure du salon, il l’aperçut, menhir engoncé dans le canapé. Il l’avait vue, au fur et à mesure des années, grossir en même temps que l’écran. Le chien bifurqua vers la cuisine. Sa mère maugréait que le présentateur était fabriqué en Chine. Ou les toilettes, c’était confus.
— Vos selles seront analysées et nos WC prédiront votre risque de cancer pour les vingt prochaines années, s’enthousiasma la télé.
— Salut M’man, lança Bastien en ouvrant le frigo.
Elle jeta un œil absent au couloir. Sa main s’assura que sa bouteille était bien cachée, renversa le cendrier au passage. Les cendres grisèrent un peu plus le plaid. Le micro-ondes indiquait huit heures, elle devait boire depuis deux heures, estima Bastien. La tête dans le frigo, il crut entendre « Je suis pas saoule » pour toute réponse. Mais ça aurait pu aussi bien être « tu me saoules », sans qu’il sache si c’était adressé à lui ou l’écran. Dans tous les cas, mieux valait ne pas donner suite. Il attrapa un verre sale, vida la fin du coca dedans, retourna dans sa chambre. Le chien se coucha à ses pieds, soupira; son tour n’était pas encore venu.
— Après analyse, nos WC commanderont automatiquement les plats optimaux pour votre santé, promettait la télé.
En sirotant son verre sans bulles, Bastien lança son défi du réveil, le même depuis deux mois : récupérer un code pour une application qui récoltait de la cryptomonnaie avec chaussures virtuelles. Son credo, récompenser les gens pour se maintenir en forme. C’est Hector, son seul ami, si tant est qu’on puisse le qualifier comme ça, qui lui avait conseillé. Certes, il devrait ensuite payer mille cinq cents euros d’inscription, mais Bastien réservait ce problème pour plus tard. Pour l’instant, il s’entêtait sur des copier-coller comme une habitude dont il aurait perdu le sens. Chaque jour, depuis deux mois, ses rêves de semelles se heurtaient à un mur : le code. Impossible d’en récupérer un. L’entreprise les distribuait avec parcimonie. Chaque matin il tentait sa chance dans ce Far West organisé, sans grand succès.
— Allez, s’impatienta Bastien.
Le chien tourna la tête, est-ce qu’enfin c’était son tour ? Apparemment, non. Bastien reprit une lampée de coca. « Code utilisé » affichait inflexiblement l’écran. Il frappa son bureau, heurta son clavier qui tomba au sol. Des miettes accumulées dedans se répandirent sur le parquet. Le chien se leva, renifla, les mangea.
— Comment on va te payer tes croquettes, hein, Algo, s’amusa Bastien.
Quand il fatiguait d’échouer, il rêvait sur les chaussures proposées. Selon les modèles, la monnaie virtuelle ne se récoltait pas à la même vitesse. Avec les basiques, cent cinquante jours de marche permettaient d’acheter l’équivalent d’un millième de stepmonnaie, correspondant pour l’instant à un euro l’unité. Soit un millième de centime. On pouvait aussi s’en payer qui en amassaient plus par jour. Devant son scepticisme, Hector s’était enflammé, rappelant la success-story des crypto, ce qui valait 1 euro maintenant rapporterait cent mille dans cinq ans. Le système avait d’abord paru un peu complexe à Bastien, puis il avait réalisé le potentiel : on pouvait les louer et devenir un rentier virtuel !
Il finit son coca au cinquantième échec. La persévérance était la clé, mais le mur avait-il une serrure ? Son verre aussi vide que sa motivation, il rêvassa d’un programme qui se chargerait de la sale besogne. Encore fallait-il savoir coder. Il piocha dans son tapis d’habits. Le chien releva la gueule : enfin l’heure de la promenade. Sa mère parlait de procès quand il franchit la porte. Sa croisade contre l’écran devait encore avoir gagné un gramme. / Elle devait avoir gravi d’un gramme sa croisade contre l’écran.
Tous les matins, au coin de la rue, un couple de vieux discutant avec une femme de ménage attendaient en embuscade, à neuf heures, par tous les temps. Sitôt qu’il les sentit, Algo tirait sur la laisse. Ils distribuaient des croquettes, prenant en otage les proprios durant la donation. Ils s’étaient persuadés que Bastien était arrivé six mois plus tôt, alors qu’il résidait là depuis son enfance. Mais il était plutôt du genre à rester dans sa chambre. De temps en temps, pour ne pas les croiser, il empruntait un autre chemin. Ce matin, ailleurs, il gagna machinalement la rue.
— Ah, bah vous voilà, l’alpagua la vieille[[ Pour moi, y a « deux vieux discutant avec une femme de ménage ». Deux hommes et une femme. Et donc « la vieille », j’ai l’impression que c’est la femme de ménage et que tu varies juste le substantif pour la désigner.]] au loin.
Il eut un mouvement de recul. Trop tard, elle l’avait aggro : dans ses jeux en ligne, quand un monstre vous repère et attaque, c’était le mot. Ça servait aussi pour la vie réelle. Il s’approcha.
— Assis, hurla la vieille.
Bastien ne savait jamais si elle était sourde, ou juste agressive. Le chien obéit, reçut une friandise. Elle se tourna vers Bastien.
— Une semaine que je vous avais pas vu ! Je vous attendais, j’avais pris mon portable, avec des photos de mon chat, pour vous les montrer.
À chaque passage, la vieille lui reprochait comptablement[[ Mouais. Adverbe gros, moche, et qui n’apporte rien au sens.]] les fois où il n’avait pas été là. Il soupira; Est-ce qu’il fallait tanker autant d’inepties pour quelques croquettes ?
— Regardez mes coloriages, ils sont jolis. Assis, ordonna-t-elle.
Elle donna une friandise, puis sortit des papiers de son sac, qu’elle tendit à Bastien. Il les survola tandis qu’elle le scrutait avec les mêmes yeux avides que son chien, probablement dans l’espoir d’un compliment.
— C’est beau comme un usage du LSD, hésita Bastien.
— Vieille salope, le tapa-t-elle.
Les deux autres rirent.
— Mais il est très gentil ce clebs, commenta le vieux, il a pas encore pissé sur vos chaussures.
Bastien s’écarta du groupe pour signifier son envie de fuite.
— Assis, hurla la vieille.
Lui-même ne savait plus bien si elle parlait au chien ou au maître. Elle se tourna vers l’animal, lui donna une friandise. Au chien, apparemment.
— Vous avez vu, lança la femme de ménage, une femme a été retrouvée morte, tuée par son conjoint.
Elle-même avait un œil au beurre noir que personne ne semblait remarquer.[[ L’info arrive trop tard, et mal. Soit on le voit près du début, soit vraiment personne ne le remarque et c’est elle qui le montre. Là, dans l’entre-deux, ça dit « regardez mon œil au beurre noir et comprenez que l’auteur veut faire le lien avec la femme tuée par son conjoint »]]
— C’est terrible, s’indigna la vieille.
— Elle l’avait peut-être bien cherché, rétorqua le vieux.
Bastien avait l’impression d’écouter les mêmes platitudes qu’Hector lui envoyait des réseaux. Ce dernier trollait allègrement dessus et s’était mis en tête que Bastien devait tout lire de ses répliques.
— Ça existe, les hommes violents, s’offusqua l’œil au beurre noir.
Comme on ne lui offrait plus à manger, le chien testait des choses : s’asseoir, donner la patte, se coucher : un hackeur essayant de craquer le code des croquettes. Bastien continuait sa sortie en crabe.
— ASSIS ! reprit la vieille.
C’était un échec. Le chien s’exécuta immédiatement. Elle tendit un de ses dessins. Algo les renifla, les attrapa dans sa gueule avant de les laisser tomber.
— Nan, mais on avait tous reçu une alerte comme quoi aucune femme n’avait été tuée depuis 4 jours, s’amusa Bastien. Le patriarcat, c’est un boulot de tous les instants. [[ Incohérent avec son envie de partir. A la limite, il pense au sms d’Hector, mais il ne le cite pas comme ça (d’autant plus que ça ne répond pas à ce qui s’est dit avant)]]
La réplique ne venait pas de lui. Pour une fois qu’un des SMS d’Hector était utile…
— Bah c’est ça, ton oeil, [[ Il parle comme ça de la vieille ? sa femme ? alors que personne ne semblait avoir remarqué l’œil au beurre noir ?
J’étais moyennement convaincu par le dialogue jusque-là. Là, ça dysfonctionne vraiment. Le lecteur n’est pas dedans, ça manque de description pour voir les protagonistes, comprendre leurs liens, etc. Y en a soit trop, soit pas assez.]]on était bien contraints faire le job, renchérit le vieux
Ce qu’il restait du regard de la femme de ménage se voila.
— Faut que je retourne travailler, murmura-t-elle.
— Oh, susceptible en plus ! On sait que tu tombes souvent, tu nous le répètes à chaque fois.
— ASSIS, continuait l’autre.
Cette fois, elle tendit son porte-monnaie. Le chien le mordit, aucun intérêt, le laissa chuter. Le tintement des pièces attira l’attention du groupe.
— Ah, mais si vous confondez croquettes et porte-monnaie, ricana le vieux, j’en veux bien moi ! Elle est où ma croquette ?
Comme revenant à elle, la vieille ramassa ses affaires.
— Quoi, il est déjà 9 h ? Ça a ouvert le supermarché. Je dois acheter des crevettes pour mon chat, sinon il va faire la gueule.
Elle mit aussitôt les voiles. Bastien en profita pour s’éclipser aussi. Libéré, enfin. Il avait survécu au pack de mob matinal. Mais est-ce que ça valait le coup de quitter sa chambre pour assister aux discussions d’internet ?
De retour chez eux, Algo se précipita vers sa gamelle d’eau. C’était un spectacle toujours renouvelé de le voir en renverser la moitié en lapant. Ça agaçait sa mère. Bastien sentit qu’elle l’observait en coin. Rafraîchi, le chien fila se rendormir. Le regard maternel restait fiché sur Bastien. Il le connaissait bien, c’était celui qui lui reprochait d’être un mauvais fils. Quelque chose clochait.
— Tu sais quel jour on est ? l’apostropha-t-elle.
Sa tête tanguait, tout contribuait à croire qu’hier ou demain était le même jour. Il se tut.
— C’est aujourd’hui, le procès.
Bastien eut du mal à contenir une révolte impuissante. Depuis l’épisode des policiers, elle n’en avait jamais reparlé et, d’un coup, il devenait coupable de ne pas se souvenir la date ?
— De toute façon je veux pas que tu viennes, enchaina-t-elle.
— Pourquoi tu me le dis alors ?
— Je suis chez moi, je fais ce que je veux !
Il connaissait l’animal. S’il insistait, elle allait gueuler. Ou pire.
— Va dormir maman…
— Si tu arrêtais d’entrer et de sortir, peut-être que je pourrais.
Il souffla, se replia dans sa chambre. À travers les murs, il sentait son regard. Le chien se coucha à ses pieds, soupira.
— Ouais Algo, c’est pas facile la vie.
Bastien lança Twitch, un stream de League of legend. Il n’y jouait plus, mais restait à visionner des parties comme un enfant à qui on raconterait, tous les soirs, la même histoire. Une fois, il avait regardé son nombre d’heures sur le jeu : plusieurs centaines de jours. Le chien se glissa sous le lit en protestation de cette balade trop matinale. Bastien songea deux secondes au procès, s’hypnotisa sur la vidéo. Tout paraissait cotonneux devant les flashs de l’écran[[ Sur la forme, je trouve ça encore brouillon. Deux défauts majeurs : les sujets flous, et le trop ou pas assez. J’orienterai vers plus de description (de l’environnement et des pensées du héros) : ça te permettra de recentrer la narration sur le regard de Bastien (pour compenser son caractère passif), et ça obligera à mieux clarifier les sujets.]].
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Listes
Avec Le bocal...