Souffle de vie

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Dès que j’ai eu l’âge de courir, mon père m’a mise à la course à pied.
J’avais trop de feu en moi. Il fallait bien que ça sorte. Alors, on a trouvé cette solution.

Petite, je ne me demandais même pas si ça me plaisait. Je courais, c’est tout. Et parfois, j’allais si vite que j’avais l’impression de voler. À l’école, je battais même les garçons. En sport, c’était moi la meilleure.

La compétition ? Je n’aimais pas vraiment. Mais il fallait gagner. Il n’y avait pas d’autre option. Les cross du week-end, je n’en ratais aucun.

Première. Toujours. Il fallait que je monte tout en haut du podium. Souvent, j’y arrivais. Mais parfois, je perdais. Et la défaite, je la vivais comme une gifle. Surtout pour mon père.

Puis l’adolescence est arrivée. J’ai tout arrêté. La pression était devenue insupportable. Je perdais mes moyens. Et puis, à l’époque — bien avant le Covid — courir, ce n’était pas « stylé ». Alors, comme les autres, j’ai commencé à fumer. Pas beaucoup. Juste assez pour être essoufflée le jour où j’ai voulu reprendre.

Avec le temps, et la peur des kilos en trop, j’ai repris vers mes 20 ans. Une ou deux compétitions, pas plus. Juste pour m’entretenir. Je recourais pour moi. Mais je ne retrouvais plus les sensations d’avant. Jamais plus cette impression de voler.
J’avais trop peur de me faire mal. Quelque chose me bloquait, me serrait la poitrine. Alors je courais, simplement, pour le plaisir. Oui, ça existe.

Enceinte, j’ai dû tout arrêter. Moi qui me voyais toujours « en bombe », j’en étais incapable. Anémie, fatigue extrême, chute de tension… Je me suis écroulée sur le canapé.

Un an. Deux. Presque trois pour m’en remettre.
Les premières fois où j’ai osé reposer le pied sur le bitume, je ne tenais que 20 minutes. Presque 7 minutes au kilomètre. Une horreur.
J’avais perdu quelque chose de précieux : mon souffle. Pas seulement celui de mes poumons, mais celui de la vie.

J’ai désespéré. Je me suis dit que ça ne reviendrait jamais. Mon énergie d’avant s’était envolée. Mais j’ai gardé espoir. Et j’ai continué.

Alors ce soir, sur ce tapis de course, quand j’ai atteint cet objectif qui me paraissait impossible il y a encore peu — 5 minutes au kilomètre — j’ai eu envie de crier, de hurler ma joie :
PUTAIN, j’y suis arrivée. Je suis fière de moi.

Je ne serai plus jamais la première.
Mais j’ai retrouvé la vie.
Alors, merci.

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