La voiture de derrière
J’ai longtemps pesté contre les feux tricolores des passages à niveau. Ceux qui ne laissent pas passer un, mais deux trains, l’un à la suite de l’autre. Derrière le volant, les mains crispées, je sais que je vais attendre dix bonnes minutes à ne rien faire.
Que faire pour tuer le temps ? Regarder mon téléphone ? Certainement pas : je suis en pleine détox digitale et je frise l’aversion des écrans.
Alors, comme souvent, je glisse un regard furtif dans le rétroviseur central et observe mes voisins de derrière. Seul·e ou en duo, la plupart ont le menton penché vers un rectangle lumineux qui semble diriger leur vie, quand d’autres ont le regard dans le vide et s’imaginent ailleurs. Certains s’engueulent, et quelques-uns — plus rares — rigolent à gorge déployée.
Mais aujourd’hui…
Je vous ai vu, Monsieur, vous gratter le nez avec vos gros doigts, à la recherche de je ne sais quelle horreur gluante. Dieu merci, le feu est passé au vert et, dans un crissement de pneus, je me suis jurée que plus jamais je n’espionnerai la voiture de derrière.
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